« Il faut réfléchir au statut des enseignants du secondaire ». Après le rapport de la Cour des comptes qui interrogeait la gestion des enseignants, l’OCDE, avec la publication de l’édition 2013 de « Regards sur l’éducation 2013 », ouvre un nouveau front, celui des inégalités entre le primaire et le secondaire en France. A nouveau, c’est la question du statut des enseignants qui est posée.
Les enseignants français restent parmi les moins bien payés des pays membres de l’OCDE. Le salaire des enseignants français est inférieur à la moyenne de l’OCDE. Avec 15 ans d’ancienneté, dans l’enseignement primaire, il est de 33 152 $ en France contre 38 136 $ dans l’OCDE, de 36 398$ au collège contre 41 665. Le salaire est aussi faible par rapport à ce que gagnent les salariés à niveau de formation équivalent (75%). Enfin la France fait partie des rares pays de l’OCDE (avec le Japon, la Grèce, la Suisse) où les salaires ont diminué en prix constants depuis 2000. Partout ailleurs ils ont augmenté, voire fortement comme en république tchèque.
Mais ce sont surtout les inégalités entre primaire et secondaire que l’OCDE met en valeur. Les enseignants du primaire travaillent plus pour un salaire inférieur à celui des professeurs du secondaire. La thèse des experts de l’OCDE s’appuie sur des données difficilement contestables. Le salaire de mi carrière est de 29 831 euros pour un professeur des écoles, 32 537 euros pour un enseignant de collège et 32762 en lycée. L’écart est donc sensible. Peu de pays de l’OCDE (6 en tout sur 36) ont des écarts de salaire aussi forts qu’en France.
Les enseignants du primaire effectuent plus d’heures devant élèves que les professeurs du secondaire. L’OCDE estime l’écart à 40% ce qui est colossal. Seulement 3 pays de l’OCDE ont des écarts équivalents (Grèce, Israël, Rep. tchèque). En France les enseignants du primaire exercent 936 heures devant élèves par an contre 648 heures dans le secondaire, soit 288 heures de moins.
Faut-il faire travailler davantage les enseignants du secondaire ? L’OCDE distingue la présence devant élèves du temps de travail. Une étude de la DEPP a montré que le temps de travail réel des enseignants du secondaire dépasse les 39 heures hebdomadaires. Il serait de 39h50 pour un certifié ce qui amènerait à plus de 1400 heures annuelles. Mais, pour l’OCDE, il faudrait inclure dans le temps passé à l’école de l’aide aux devoirs et diminuer le temps de correction, inclure des temps d’individualisation en diminuant le temps de travail passé à la maison. Cela suppose que l’on puisse réduire le temps de préparation à la maison ce qui ne semble possible que par un changement profond de la pédagogie.
Cette réflexion aide-t-elle le gouvernement français au moment où il envisage pour la rentrée des négociations sur le statut des enseignants ? S’il y a une certaine unanimité pour reconnaitre que les décrets de 1950 sont caducs, il sera très difficile de faire bouger les lignes. D’abord parce que nombre d’enseignants sont entrés dans le métier pour avoir des contraintes d’emploi du temps basses. On voit mal aussi comment le minitre pourrait faire évoluer les pratiques pédagogiques sans un effort de formation continue qu’il est incapable de donner. Enfin toute évolution nécessite des moyens. Améliorer la carrière des enseignants semble hors de portée dans la situation budgétaire actuelle. La dégrader est évidemment risqué.
L’effort fourni par l’Etat depuis l’alternance réussira-t-il à compenser 10 ans de désinvestissement éducatif ? Car c’est celui-ci qui se lit pour le moment dans les statistiques de l’OCDE.
En apparence tout va bien.
La France consacre 10182 $ par élève en moyenne pour son système éducatif. Une somme supérieure à la moyenne OCDE (9313). Douze pays de l’OCDE dépensent davantage , mais pas la Corée du Sud ni la Finlande.
Dans le détail c’est différent. Le taux moyen est assez élevé parce que l’enseignement supérieur français reçoit 15 067 $ par étudiant (ocde 13 528) et le secondaire 10 877 (ocde 9014). Par contre le primaire français est moins bien doté que la moyenne de l’OCDE avec 6622$ contre 7974 dans l’OCDE. Cette fois ci 19 pays de l’OCDE passent devant la France , y compris la Finlande, la Corée étant au niveau français.
Ces moyennes ne doivent pas cacher des évolutions longues négatives.
Ainsi, alors que les pays de l’OCDE ont augmenté leurs dépenses d’éducation sur la décennie 2000-2010, la France fait partie du petit groupe d epays (avec l’Italie et la Hongrie) où les dépenses d’éducation ont baissé. Tous les autres pays de l’OCDE ont une croissance positive ,parfois très forte. Les Etats-Unis sont passés de 6,2% du PNB à 7,1%, le Royaume-Uni de 4,9 à 6,5%, le Danemark de 6,6 à 7,1%.
Cette évolution se lit aussi dans les salaires des enseignants. Sur la même période seuls 4 pays de l’OCDE ont baissé le salaire de leurs enseignants : la France, la Grèce, le Japon et la Suisse. Partout ailleurs ils ont augmenté et parfois de façon significative comme en République tchèque.
Et la crise ?
Depuis 2008 la crise économique a fait évoluer négativement les dépenses d’éducation chez de nombreux pays européens membres de l’OCDE. C’est le cas de la Grèce, du Royaume-Uni, de la Hongrie, de l’Italie, de la Pologne par exemple. Bien qu’en déficit budgétaire, la France a échappé à une baisse de son budget éducation. Elle a mieux résisté.
L’effort consenti aux budgets 2013 et 2014 devrait confirmer cette tendance. Combien de temps la France pourra -t-elle cumuler un fort déficit budgétaire et une hausse de ses dépenses d’éducation ? C’est la question que beaucoup doivent se poser chez les collègues mêmes de Vincent Peillon…
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