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Très attendue pour sa dimension tant institutionnelle que prospective, la grande table ronde de Ludovia n’a pas répondu aux attentes des participants. Nous étions plus de 200 le 27 août à Ax les Thermes pour ce qui devait être un moment important autour de la venue du ministre Vincent Peillon. Dès le matin nous savions qu’il était retenu, ce que la rectrice de l’académie de Toulouse nous a confirmé. La particularité de cette table ronde est qu’elle a rassemblé sept femmes et un homme comme intervenants. Cela a été signalé par plusieurs auteurs de twitts (#ludovia2013) qui oeuvraient pendant la soirée comme un fait marquant et symbolique d’un changement qui veut que désormais les TIC ne sont plus l’apanage de la seule gent masculine. Au delà de cet état de fait, il y a le contenu de cette table ronde qui s’articulait autour de deux questions : d’abord : les promesses des TICE ont-elles été tenues ? Et ensuite : Que peut-on imaginer en matière de numérique pour les dix ans qui viennent ?

On ne peut que déplorer que l’ensemble des intervenants aient si peu répondu à ces questions sur le fond. Les représentants des collectivités territoriales sont restés davantage sur un inventaire des actions menées. Les représentants des entreprises ont eu du mal à mettre en évidence ce qui s’est réellement passé. Quand aux représentants plus institutionnels, ils ont tenté de donner un éclairage rassurant, en particulier Madame Bizot, IGEN de Lettres que l’on voyait là dans un son costume de chargée par le Ministre de la préfiguration de la direction du numérique éducatif. Madame le Recteur de Toulouse n’a pas réussi à nous faire entrer dans le quotidien de son académie comme avait su le faire auparavant Raymonde Yerna, Conseillère du Ministre de l’Enseignement supérieur Région Wallonie communauté française. En effet par un exposé clair et tonique, elle a mis en évidence ce qui était en train de se passer au sein d’un continuum initié en 1999 et qui se poursuit au moins jusqu’en 2020. On a pu en particulier apprécier l’approche par l’analyse des besoins, basée sur une enquête importante menée sur le terrain pour repérer les besoins avant d’engager une action. S’appuyant sur cette enquête la conseillère, à l’instar d’autres participants a aussi insisté sur le caractère évolutif, mouvant de cette stratégie. En s’appuyant sur une approche très liée aux besoins des établissements, les équipements, la formation des enseignants et la question des ressources au sein d’une communauté, on a pu retrouver là des piliers bien connus de tous les plans connus aussi bien en France que dans de nombreux pays.

Du côté des collectivités et des entreprises, on a plutôt été surpris de la difficulté qu’ils et elles ont eu à s’engager dans les promesses autrement qu’en rappelant que ce qu’elles font est simplement de promouvoir le numérique (et les retombées commerciales qui suivent pour les entreprises, électorales pour les politiques) et que cela, même si c’est lent, fonctionne à peu près. En fait la présence de ces personnes à la tribune n’a pas permis une véritable analyse, tant elles sont ancrées dans leur quotidien. Les bilans ont parfois tourné à l’autosatisfaction et ont surtout été centrés sur l’équipement. Car finalement cela est central pour les acteurs, la suite n’étant pas vraiment de leur ressort. On a très peu parlé des ressources numériques, tout juste évoqué les manuels scolaires, pour faire allusion au progrès constitué par l’arrivée des tablettes en regard des premiers projets d’il y a quinze ans. A écouter l’ensemble des intervenants on a pu avoir l’impression que le numérique était né avec la démocratisation d’Internet à partir de 2000. Sans faire dans le passéisme, on aurait aimé qu’une intervention un peu synthétique fixe le cadre historique du développement des TIC et évite ainsi la traditionnelle amnésie dans le domaine.

L’ensemble des intervenants a eu beaucoup plus de mal à se sortir des moyens. Evoquant les programmes, Madame Bizot a bien indiqué que leur refonte devait rendre le numérique « ordinaire », reprenant en cela, indirectement, les propos de Madame Reyes de Microsoft qui appelait à ne pas parler d’école numérique (on ne parle pas d’entreprise numérique) mais bien d’école, dans un contexte numérique. Malheureusement cette même personne a évoqué l’informatique comme un simple outil. Or Madame Bizot, à l’instar d’autres personnes, s’est élevée contre cette vision qui oublie de dire que les outils numériques sont des instruments de notre vie sociale, de notre culture et que l’école avait à s’en emparer en tant que tels, sans pour autant négliger ce qui se cache derrière les écrans : les algorithmes, les langages.

Ce qui a été le plus décevant de cette table ronde a été la prospective. Outre qu’aucun des participants ne semble savoir ce que signifie réellement ce terme, c’est surtout une absence de dimension prospective qui a prévalu. La phrase « l’école de demain c’est l’école que nous imaginerons et construirons tous ensemble » est la parfaite illustration de cette absence de réflexion sur l’avenir. Bien qu’ayant tenté de ranimer la flamme en parlant de l’avenir des locaux du fait du numérique, l’animateur n’a pas eu d’autres réponses qu’une évocation des labos de langues et des salles informatiques…. ce qui en terme d’architecture des bâtiments scolaires est un peu court.

Très attendue pour sa dimension tant institutionnelle que prospective, cette table ronde n’a pas répondu aux attentes des participants. Ils sont pourtant restés bien tard (23 heures) avant d’aller se détendre au barcamp proposé par les organisateurs. Une journée particulièrement bien remplie, riche de contacts, d’échanges et de réflexions, parfois davantage dans les coursives que sur la place centrale.

Bruno Devauchelle