Comment mettre en place un service public du numérique sans nuire aux intérêts des éditeurs ? C’est la difficulté qu’a résolue Vincent Peillon combattant à droite les partisans des éditeurs et à gauche les défenseurs de l’exception pédagogique. Un jeu d’équilibre où le ministre excelle…
Un article inquiétant pour la droite. L’article 10 de la loi de refondation crée un « service public du numérique éducatif » organisé pour notamment « mettre à disposition des écoles et des établissements d’enseignement des services numériques permettant de diversifier les modalités d’enseignement » et « proposer aux enseignants une offre diversifiée de ressources pédagogiques pour leur enseignement ». De là à imaginer un service étatique remplaçant l’offre éditoriale privée il n’y avait qu’un pas déjà franchi en commission.
L’Assemblée est revenue sur ce sujet le 15 mars. Pour Annie Genevard (UMP), « la rédaction de cet article est fort peu rassurante, car elle suscite des interrogations sur la place que vous entendez faire aux éditeurs privés, qui proposent aujourd’hui des produits numériques scolaires et ont investi massivement – plus de 20 millions d’euros – dans ce domaine, depuis des années. La plupart des manuels ont les deux supports. Dans l’étude d’impact, vous précisez que le CNDP et le CNED sont désignés comme producteurs ; ils seraient des sortes d’éditeurs d’État. Quelle place a, selon vous, une filière numérique privée ? » La question n’est pas qu’économique, A Gévenard rappelle qu’elle renvoie aussi à la liberté des enseignants effectivement menacée via les ENT d’une offre unique décidée par d’autres. « L’enseignant, je le répète, doit pouvoir choisir les supports à partir desquels il bâtit son enseignement », rappelle la députée.
Vincent Peillon rassure. « J’ai déjà eu l’occasion de souligner que c’est l’une de nos préoccupations principales. Nous avons décidé d’allouer à nos industriels, dans le cadre des investissements d’avenir, des fonds pour qu’ils puissent développer cette filière française… Le fait de créer un service public n’interdit pas d’autres offres à côté… »
Les amendements sur l’exception pédagogique rejetés. A gauche, le gouvernement doit faire face à une batterie d’amendements déposés par Isabelle Attard (écologiste) qui déclinent l’exception pédagogique dans différents domaines comme la limitation pour réutiliser en classe plusieurs documents extraits d’un manuel. Le rapporteur renvoie à une prochaine commission « qui fera sous peu des propositions ». « Nous sommes très attendus par les enseignants » répond I. Attard. « La loi d’orientation, c’est maintenant ». Tous ses amendements sont rejetés. L’exception pédagogique reste très limitée.
François Jarraud