L’année Diderot, du tricentenaire de la naissance de l’écrivain, est l’occasion de redécouvrir une œuvre longtemps associée à la seule Encyclopédie au détriment de ses dimensions philosophiques, morales et politiques fort peu consensuelles. S’il n’est pas le moins connu, son roman La Religieuse, dont on découvrira l’adaptation au cinéma par Guillaume Nicloux à partir du 20 mars, compte parmi ses ouvrages les plus polémiques. Dans la veine spiritualiste et esthétique du Thérèse de Cavalier ou du Jeanne d’Arc de Dryer, le film de G. Nicloux se présente comme un plaidoyer pour la liberté des femmes et leur droit de conduire leur vie hors des sentiers étroits de la morale conventionnelle et de la religion. Un sujet peut-être davantage d’actualité qu’on ne voudrait le croire, qui peut donner lieu à un travail éclairant sur les ambigüités de la condition féminine à l’heure actuelle. Pour y aider, le site pédagogique Zéro de conduite propose aux professeurs de français un dossier pédagogique très complet à télécharger, accompagné d’un entretien avec le réalisateur et de l’éclairage de l’historienne Elisabeth Lusset (Paris X Nanterre), spécialiste d’histoire comparée des enfermements monastiques et carcéraux.
La Religieuse de Diderot, un sujet pour les élèves ?
Le texte de Diderot, polémique en son temps, encore brûlant dans le film de Jacques Rivette en 1966, quand la contestation de la puissance sociale de l’Église catholique faisait controverse, peut sembler bien étranger aux préoccupations d’élèves d’aujourd’hui. Cette histoire d’une jeune fille cloîtrée contre son gré par une famille qui veut se débarrasser d’elle, ne peut avoir la même force qu’en un temps où l’Église exerçait un pouvoir institutionnel décisif. Mais pour Guillaume Nicloux, invité à débattre avec des enseignants par le site pédagogique Zéro de conduite, associé avec le Pacte Distribution et le Cercle Gallimard de l’Enseignement pour la présentation du film, ce récit présente de fortes résonances avec la réalité subie par une jeune fille dans l’« impossibilité de vivre comme elle l’entend ». Le poids social des convenances et des interdits traditionnels, les attentes implicites de l’entourage, forment aujourd’hui encore un carcan qui n’est plus entre les murs d’un couvent mais, invisible, répandu au sein de la société. La Religieuse aurait le mérite de nous inviter à percevoir autrement les emprisonnements qui menacent les jeunes femmes à travers les discours de la morale et de la bienséance.
Un dossier pédagogique téléchargeable pour la classe.
Pour découvrir et faire découvrir aux élèves l’intérêt de ce film, le site Zéro de conduite propose un dossier pédagogique complet, rédigé par une enseignante de français, Marion Roche, et destiné aux professeurs de français, d’histoire ou d’histoire des arts. Complété par un entretien avec l’historienne Élisabeth Lusset, qui précise le cadre et le contexte historique du propos, le dossier pédagogique rassemble un matériel directement utilisable pour une étude en classe, dans le cadre des programmes de première et de seconde. Un questionnaire élève pour accompagner la projection, des analyses thématiques (La construction narrative / Le portrait d’une héroïne / Figures féminines, figures monstrueuses ?), des propositions de sujets d’invention, des questions d’esthétique (restitution d’une époque, références littéraires et picturales, modes d’expression des émotions et de la morale…), précisément expliquées et bien documentées, peuvent constituer autant de points d’appui pour construire un cheminement propre à chaque enseignant.
Jeanne-Claire Fumet
LA RELIGIEUSE – Un film de Guillaume Nicloux d’après le roman de Denis Diderot,
avec Pauline Étienne, Louise Bourgoin, Isabelle Huppert.
Sortie en salle le 20 mars 2013.