Par François Jarraud
Mardi 12 février, le Snuipp appelle, avec la Cgt, Sud et FO, à une journée de manifestation et de grève. Le syndicat annonce 60% de grévistes avec des montées à 80% à Paris et Lyon. Le ministère chiffre le mouvement à environ 30%. Pour le premier syndicat du primaire il s’agit de protester contre la réforme des rythmes scolaires. Pour les autres de lutter contre la loi d’orientation. Des revendications différentes mais un seul mouvement qui risque d’être porté au crédit des opposants à la refondation de l’Ecole et à la priorité donnée au primaire. Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp, répond à cette critique. Alors qu’une majorité de Français sont favorables aux 4,5 jours de classe, il envisage aussi le risque d’un mouvement impopulaire.
Le Snuipp appelle à la grève le 12 février. Quelle importance aura ce mouvement ?
Je m’attends à 60% de grévistes en général. Beaucoup plus à certains endroits comme Paris ou Lyon où il y aura 80% de grévistes.
Vous manifestez avec des syndicats qui sont franchement hostiles à la loi d’orientation. Ne prenez-vous pas le risque d’enterrer la refondation ?
C’est toute la difficulté de la journée même si, pour nous, il n’y a aucune ambiguïté. Le Snuipp ne partage pas du tout la plateforme de l’interfédérale que vous évoquez. L’objectif de notre appel, c’est le premier degré et précisément le report à 2014 de la réforme des rythmes pour assurer la réussite de tous les élèves. On serait d’accord pour une application dès 2013 mais à là où il y a accord de toutes les parties prenantes. Cette réforme est un bricolage qui ne permettra pas un mieux-être pour les enfants. Elle risque de fragiliser la refondation, ce que nous ne souhaitons pas. On souhaite que la priorité au primaire soit effectivement mise en place. Mais si la réforme échoue, les autres mesures de la refondation seront affaiblies. Nous avons intérêt à réussir la refondation et donc à donner du temps et du financement à la réforme des rythmes.
Il y a une vraie erreur de diagnostic de la part de Vincent Peillon quand il fait de cette réforme des rythmes une mesure phare de la refondation. V. Peillon a relégué au second plan des sujets qui sont prioritaires aux yeux des enseignants. Par exemple la révision des programmes, la maternelle, l’avenir des Rased, l’éducation prioritaire, les directions d’école. Ces sujets ont été mis sous le tapis. Et quand nous avons demandé un agenda cela a été en vain. Lors de la concertation il y a eu un consensus sur de nombreux points comme le plus de maîtres que de classes, l’évaluation, les directions. Un seul sujet ne faisait pas consensus c’est la réforme des rythmes. Et c’est elle que le ministre met sous les projecteurs.
Le nouveau gouvernement investit dans l’éducation, créé des milliers de postes et vous manifestez contre lui. Vous n’avez pas peur de perdre la sympathie de l’opinion publique ?
On ne le souhaite pas. On fait la part des choses, entre la reconnaissance des mesures qui vont dans le bon sens et celle-ci qui écrase tout le reste. L’opinion publique doit comprendre qu’il y a chez les enseignants des attentes. Et que certaines questions, comme l’allongement de la pause méridienne, cristallisent les mécontentements.
Les attentes des enseignants ne gagneraient-elles pas à être plus claires ? Les enseignants veulent une revalorisation financière et, puisqu’il y a réduction du temps scolaire, quitter plus tôt. Mais ils parlent d’autre chose…
Les enseignants sont partagés. Ils ne demandent qu’à être convaincus. S’ils étaient persuadés que la réforme des rythmes apporterait une véritable amélioration à la vie des enfants et à leur vie professionnelle ils signeraient des deux mais cette réforme. La revalorisation est nécessaire mais c’est un autre sujet. Ce que voient les enseignants, à travers des rebondissements chaque semaine depuis septembre, c’est qu’on est dans le bricolage. Il y a une grande déception.
Le dernier épisode c’est la réunion des IEN à Paris vendredi 8 février. Les bras m’en tombent. Le ministre reconnaît qu’il faut se donner du temps. Est-il en train de se ranger derrière nos arguments ? Alors oui, prenons le temps. Déjà de discuter des programmes pour lesquels nous demandons une consultation des enseignants avec une demi-journée banalisée. Discutons de la pause méridienne qui est un vrai problème. Mettons nous autour d’une table avec les parents et les maires. Donnons nous le temps de penser cette réforme qui bafouille.
En ce moment les affectations de postes se préparent pour la rentrée, quelle remontée en avez-vous ?
On sait que c’est l’An I de la réparation des dégâts hérités de l’ancienne majorité. On a donc parfois un sentiment d’insuffisance dans les mesures prises tant il y a à faire. Les deux priorités définies par le ministre : la scolarisation des moins de 3 ans et le plus de maîtres que de classes sont prises en compte de façon variable selon les départements. Cela créé des tensions. Par exemple à Besançon aucune de ces priorités n’est respectée. Ailleurs il arrive que l’on détourne le plus de maîtres que de classes pour transformer les rased en maitre surnuméraire. On demande donc un pilotage fort de ces mesures. La circulaire doit être respectée.
Propos recueillis par François Jarraud
Sur le site du Café
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