Par François Jarraud
La journée de grève et manifestation des enseignants du primaire a été massivement suivie le 12 février à l’appel du Snuipp Fsu. La manifestation du Snuipp a entraîné avec elle les troupes clairsemées des autres syndicats (Cgt, FO, Sud, Faen) qui défilaient sur un autre mot d’ordre. L’incontestable succès de la journée du 12 février interroge le gouvernement sur le maintien du calendrier de la réforme des rythmes.
Une grève importante
Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes. A Paris, elle comptait de 6 000 à 12 000 personnes, très majoritairement dans le cortège Snuipp. Selon le ministère, on comptait 36% de grévistes dans le primaire dans le pays, le Snuipp en revendiquant 60%. A Paris ces taux sont montés à 60 et 80%. Les collèges et les lycées ont continué à fonctionner normalement, l’appel à la grève de la Cgt, Cnt, Sud, FO, Faen n’étant suivi que par 2% des enseignants selon le ministère.
Plus d’unité sur le terrain que prévu
A coup sûr, ce sont les enseignants du secondaire qui ont eu du mal à se faire entendre dans le cortège. Normalement, il aurait du éclater en deux cortèges nettement séparés mais dès le début les deux tronçons se sont joints. C’est que la perception de la situation des enseignants du primaire du Snuipp et des autres syndicats n’est pas si différente. Une banderole « La réforme à la poubelle » était d’ailleurs visible dans le cortège Snuipp.
C’est la faute à Luc
En effet, que nous disent Caroline Marchand et Sylvie Demetz, deux militantes Snuipp du 93 ? « On nous dit que l’on va améliorer la réussite de tous les élèves. On n’en est pas vraiment convaincues », dit Caroline. « Car les municipalités n’ont pas les moyens de mettre en place cette réforme de façon concrète. Les parents vont devoir payer pour que leurs enfants ne restent pas dans la rue. On ne sait pas comment on va gérer notre nouveau temps scolaire. Pourra-t-on encore faire des sorties ? Il est urgent de se concerter sur tout cela avant d’agir », dit Caroline. « Le gouvernement fait des choses mais il faut partir de l’école telle qu’elle est. », continue Sylvie. « Les créations de postes ne feront que combler les départs en retraite. On focalise sur les rythmes alors qu’il y a plein de choses à faire ». C’est à peu près ce que nous a confié Fabienne Chabert une militante CGT du même département. V Peillon crée des postes, 150 dans le 93, mais c’est loin de suffire aux besoins et surtout de répondre aux attentes. La refondation les enseignants ne la voient pas venir sur le terrain. Et on n’a pas pris le temps de les consulter et d’exposer ce que l’effort gouvernemental peut avoir d’exceptionnel dans le contexte économique et éducatif national. La revendication de la journée banalisée revient régulièrement comme une exigence.
C’est la faute à Bertrand
A cela s’ajoute le contexte local. Dans le cortège de nombreux animateurs de la ville de Paris craignent pour leur poste si la ville penche en faveur de la pause méridienne. Celle-ci est la bête noire des enseignants. Car positionner le périscolaire sur ce moment implique qu’il n’y aura aucune amélioration de leurs conditions de travail, bien au contraire. Mais c’est souvent la planche de salut de municipalités qui peinent à trouver le financement et les ressources humaines pour la mise en place de la réforme.
C’est la faute à Vincent
Bien évidemment, même si V Peillon hérite de 10 ans de dégradation de l’outil éducatif, c’est lui qui récupère la déception et les revendications avec la fonction ministérielle. Si une majorité de Français soutient la réforme, il doit encore la rendre sympathique aux enseignants. Ceux-ci demandent des réformes pédagogiques d’abord, sur les programme par exemple. Le ministre s’y attelle mais vise sur ce point 2014 ou 2015, même si un groupe de travail semble dès maintenant préparer des allègements. V Peillon, dans un entretien à L’Express demande « des efforts » aux enseignants. Il annonce en 2014 une réflexion sur les rythmes annuels au collège et au lycée. « Il faut absolument réussir cette réforme (des rythmes). Si nous parvenons à convaincre que ce que nous faisons est utile , les autres étapes suivront ». Il va multiplier les déplacements en ce sens. Mais ce sont bien des réponses aux questions posées sur le samedi matin, la revalorisation, les postes, les activités périscolaires qu’attendent les manifestants.
C’est la faute à Sébastien
La responsabilité des lendemains du mouvement incombe aussi à Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp. Deux voies s’offrent à lui. Continuer le mouvement et harceler maires et ministres jusqu’à obtenir le retrait du décret. Le risque ce serait de mettre à mal la loi d’orientation et tout ce qu’elle apporte comme moyens au primaire et aux enseignants du primaire. Ou dégager un compromis qui pourrait bien s’inscrire simplement dans le texte existant et sa circulaire d’application. Celui-ci prévoit la consultation des conseils d’école. Il donne des possibilités de dérogations par exemple sur le samedi matin. Il reste la question financière car il est impossible de satisfaire à la fois les demandes des enseignants et des maires dont les intérêts s’opposent dans ce dossier. Il va falloir manoeuvrer…
François Jarraud
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