Du Monde de Martine au Monde de Sophie[1]
Bruno Suchaut, Institut de recherche sur l’éducation (IREDU-CNRS)
Si la question des conditions d’enseignement est très souvent au centre des revendications des organisations syndicales, celle de la condition enseignante devient prioritaire dans un contexte de changement politique susceptible de répondre aux attentes des acteurs. Cette priorité est encore renforcée quand une consultation nationale est mise en place, suivie de négociations, laissant ainsi espérer aux enseignants et à leurs représentants que certaines de leurs propositions seront, non seulement entendues, mais aussi retenues dans une future loi. Même si les arguments mobilisés par les acteurs du monde éducatif ne convergent pas toujours, il semble toutefois se dégager un consensus en ce qui concerne une meilleure reconnaissance de la profession enseignante. Cette reconnaissance recouvre des déclinaisons variables, relatives à l’amélioration des conditions de travail dans ses différentes dimensions, dont bien sûr celle des salaires. Dans le contexte actuel de réduction de la dette publique impliquant une forte maîtrise des dépenses, des choix politiques sont réalisés sur la base d’arbitrages au sein du secteur éducatif. Il est ainsi jugé difficilement tenable au niveau budgétaire de recruter de nouveaux enseignants tout en revalorisant l’ensemble des salaires de la profession. Compte tenu du fait de ne pas voir à court terme leur situation salariale s’améliorer, les enseignants sont alors beaucoup plus attentifs aux aspects de la réforme qui touchent leurs conditions de travail dans leur globalité.
Parmi les nouvelles mesures applicables à la rentrée prochaine, la dotation en enseignants supplémentaires dans certaines écoles[2] permettra d’inverser la tendance de ces dernières années en freinant la baisse des taux d’encadrement. Si la relance de la scolarisation précoce à l’écolematernelle[3] va dans le sens d’investir des moyens au niveau du premier degré pour viser à rendre le système éducatif plus équitable, dès le début de la scolarité, elle n’entraînera pas d’amélioration des conditions d’enseignement dans les écoles.
Mais certains aspects de la réforme en cours suscitent des inquiétudes et même un certain mécontentement de la part des enseignants. Il s’agit du changement dans l’organisation du temps scolaire avec le passage aux quatre jours et demi de classe par semaine, point qui anime encore actuellement le débat dans les instances de concertation, mais aussi dans les écoles, au sein des collectivités locales et dans les familles. Si des grands principes sont définis (horaires d’enseignement journaliers et hebdomadaires, temps de service des enseignants[4]), il reste encore des aspects à éclaircir et à finaliser et les propositions du Ministère ne satisfont pas l’ensemble de la profession, notamment sur la question des contreparties financières éventuelles liées à cette demi-journée supplémentaire face aux élèves. Pour l’instant, l’introduction du mercredi matin comme demi-journée de classe peut en effet être perçue par les enseignants comme une situation pénalisante par rapport à l’organisation actuelle. Sans développer ici les enjeux de cette réforme du temps scolaire pour les élèves (Suchaut, 2012), nous la considérons ici comme une entrée pour s’interroger plus largement sur la condition enseignante à l’école primaire. La profession a en effet beaucoup évolué au cours de ces dernières décennies du fait des politiques éducatives successives et des réformes qui y ont été associées ; par ailleurs, cette évolution est aussi le fait de transformations sociales et économiques plus globales dans le pays. Les changements observables se manifestent à travers différents aspects du métier dont les conditions de travail et le niveau de rémunération peuvent être considérés comme des éléments essentiels, sachant que d’autres dimensions comme la reconnaissance sociale et, plus généralement, la place de l’enseignant dans la société, seraient aussi à prendre en compte.
Ce texte a pour objectif d’apporter quelques éléments de réponse sur un aspect de cette évolution, à savoir le niveau de rémunération au cours de la carrière. On signalera dès à présent que cet objectif ambitieux ne sera atteint que partiellement et cela pour plusieurs raisons. La première est liée à la nature du présent document, celui-ci doit être perçu comme un texte à caractère exploratoire plutôt que comme une contribution exhaustive sur la question. Une seconde raison a trait à la difficulté de considérer l’ensemble des paramètres à prendre en compte, ceux-ci étant nombreux et les indicateurs nécessaires pas toujours disponibles et harmonisés. Certaines données n’existant pas directement sous la forme souhaitée au niveau national et étant parfois difficilement accessibles, il est alors nécessaire d’avoir recours à la mémoire des acteurs pour pouvoir consolider les informations collectées et les intégrer dans les analyses. Une troisième raison est inhérente au travail de comparaison temporelle avec un objet de cette nature. Il est ainsi difficile d’isoler, dans les évolutions constatées, ce qui tient spécifiquement à la condition enseignante de ce qui relève de changements plus généraux qui ont touché l’ensemble de la société. Par exemple, si la récenteréforme des retraites a eu des effets sur la durée des années de cotisation et l’âge de cessation d’activité des enseignants, cela est vrai aussi pour l’ensemble des salariés. En termes de comparaison dans le temps, il y a donc une marge de manœuvre certaine entre deux positionnements : i) une approche relative qui chercherait à apprécier l’évolution de la situation des enseignants par rapport à celles des autres professions (autres catégories d’enseignants, fonctionnaires, ensemble des salariés…) et ii) une approche absolue qui se limiterait à comparer la situation enseignante dans un intervalle temporel sans tenir compte de l’évolution générale de la société. La difficulté liée à ce positionnement est réelle, non seulement en ce qui concerne la spécification des indicateurs à retenir, mais aussi dans leurs interprétations et notre démarche oscillera entre ces deux approches (relative et absolue).
En étant conscient de toutes ces limites, nous tenterons toutefois de conduire la comparaison sur le plan des rémunérations perçues par les enseignants du primaire au cours de leur carrière. L’approche est à la fois différente et complémentaire de celles mobilisées par des travaux récents des économistes qui se sont penchés sur la question des salaires des enseignants. Les différences se situent sur le plan méthodologique, mais aussi en ce qui concerne l’approche conceptuelle. Notre préoccupation principale est de fournir des éléments de constat et de réflexion qui font sens pour les acteurs en s’interrogeant sur les conséquences, principalement économiques, de l’évolution des modalités de carrière dues à la création du corps des professeurs des écoles. Au niveau méthodologique, notre approche peut être qualifiée d’exploratoire (et sans doute peu académique) dans le sens où elle ne mobilise pas des bases de données exhaustives ou même échantillonnées. Il s’agit davantage de réaliser des simulations, sur la base de données représentatives, pouvant donner lieu par la suite à des vérifications empiriques à grande échelle. Les travaux économiques évoqués mobilisent quant à eux des bases de données volumineuses (enquêtes emploi de l’INSEE ou fichiers de paye de la fonction publique[5]) et ont permis de dégager certaines tendances qu’il est utile de rappeler.
Des analyses basées sur l’estimation de fonctions de gains de Mincer[6] (1958) sur des données relativement récentes montrent que les enseignants du primaire ne sont pas particulièrement défavorisés au sein de l’emploi salarié public et privé (en raisonnant « toutes choses égales par ailleurs » en ce qui concerne leurs caractéristiques personnelles, le niveau d’étude notamment). En revanche, il apparaît que les hommes affichent des salaires inférieurs de 14% à ceux des salariés du privé, ce qui n’est pas le cas pour les femmes enseignantes, du même niveau d’enseignement, qui percevraient des salaires légèrement supérieurs à ceux des femmes de mêmes caractéristiques, travaillant dans le privé (Mingat, Suchaut, 2007). Dans une perspective diachronique, entre 1982 et 2005, une recherche conclut quant à elle à l’absence de perte de pouvoir d’achat et de déclassement des enseignants relativement aux autres groupes sociaux (Goux, Maurin, 2008). Un autre travail, couvrant une période plus longue (de 1960 à 2004), montre en revanche un net décrochage des salaires des enseignants en termes de pouvoir d’achat depuis les années 80, mais celui-ci concerne surtout les enseignants du secondaire et du supérieur. Pour les auteurs, les salaires des enseignants du primaire ont mieux résisté à cette érosion du fait de la création du corps de professeur des écoles (Bouzidi, Jaaidane, Gary-Bobo, 2007). On peut aussi compléter ces études nationales par des comparaisons avec les autres pays qui mettent en évidence la faible rémunération des enseignants de l’école primaire française, celle-ci étant inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE (OCDE, 2012). En résumé, on voit que selon les données mobilisées et la perspective adoptée, il n’est pas possible d’avoir une réponse unique à la question de l’évolution des salaires des enseignants du primaire, tout dépend de la référence choisie pour la comparaison. Il est toutefois certain qu’aucune étude ne montre que cette catégorie professionnelle a subi une évolution particulièrement positive sur le plan salarial au cours de ces dernières décennies, alors que cela a été le cas si l’on considère une longue et lointaine période (Piketty, 2001).
Notre démonstration ciblera quant à elle une période limitée puisqu’elle consistera à comparer le profil de carrière d’un professeur des écoles actuel avec celui d’un instituteur de la génération précédente. Cette comparaison devrait permettre au final de s’interroger plus largement sur l’impact réel que peuvent avoir les réformes en matière de recrutement et de formation des maîtres sur la carrière et la vie professionnelle des enseignants. Même si la revalorisation salariale des enseignants du primaire avec la création du corps des professeurs des écoles est bien une réalité qui a d’ailleurs engendré une augmentation non négligeable des coûts unitaires dans le premier degré (Bydanova, Mingat, Suchaut, 2010), nous formulons l’hypothèse hasardeuse selon laquelle la prise en compte de différents paramètres dans la comparaison temporelle, donne une image moins optimiste de cette revalorisation que celle que l’on peut faire à la lecture des grilles indiciaires.
Un point essentiel de notre démarche et de notre questionnement a trait à la période à considérer pour saisir l’évolution de la condition enseignante ; en effet, plusieurs perspectives temporelles peuvent être envisagées pour mener la comparaison. Nous avons choisi un intervalle correspondant à une génération (soit environ 25 années), cet intervalle présentant à nos yeux un double avantage. Le premier est de ne pas remonter trop loin dans le temps, vers un passé dont les traces se sont progressivement effacées des mémoires des acteurs et qui témoignerait également de trop forts changements sociaux pour que la comparaison ait véritablement un sens. Le second avantage tient au fait que des modifications importantes se sont manifestées en un quart de siècle en ce qui concerne l’école primaire, principalement avec la loi d’orientation de 1989. Cette loi est en effet à l’origine de plusieurs mesures dont l’instauration des IUFM et la création du corps du professorat des écoles sont les plus significatives au niveau structurel. Ce changement de statut des enseignants du primaire a eu en effet des conséquences importantes sur leur carrière professionnelle sachant que,par ailleurs, d’autres modifications sont intervenues sur le plan qualitatif avec notamment l’introduction des évaluations institutionnelles des élèves et la mise en place des projets d’école notamment.
Pour teinter cette comparaison intergénérationnelle de réalisme, nous avons pris le parti de l’envisager de manière très concrète en mettant en relation les situations professionnelles de deux enseignantes. La première situation correspond au cas d’une professeure des écoles recrutée après la création des IUFM et qui serait donc âgée actuellement d’une quarantaine d’années[7]. La seconde rend compte du cas d’une institutrice qui avait l’âge actuel de la première au moment des réformes précédemment évoquées (et donc actuellement retraitée) et qui n’aurait pas opté en fin de carrière pour une intégration dans le corps de professeur des écoles. Cet écart des âges correspond approximativement à la distance qui sépare deux générations. La première enseignante pourrait s’appeler Sophie, Sandrine ou Karine, la seconde Martine, Chantal ou Catherine, toutes les deux pouvant être considérées ici comme les représentantes de dizaines de milliers d’enseignantes dont le métier a sensiblement évolué au fil du temps[8].
Le choix de ces prénoms féminins, significatifs de ces deux générations de femmes au niveau de leur fréquence d’apparition dans les registres de naissance, n’est pas anodin puisqu’il rend compte d’une première constatation sur l’évolution du corps enseignant du premier degré. Le phénomène de féminisation s’est accru avec un taux de 82% de femmes actuellement (M.E.N., 2012) et même de 85% parmi les jeunes générations ; ce taux était inférieur à 75% en 1975 (Pochard, 2008) et de 70% en 1967 (Prost, 1981). En termes d’évolution, on signalera également que le recours au temps partiel est plus fréquent dans la profession chez les femmes que chez les hommes et en augmentation ces dernières années[9]. Cette féminisation accrue n’est d’ailleurs pas sans conséquence sur le métier et sa représentation dans la société. Sur le plan de l’évolution sociale, et selon certaines analyses, l’origine sociale des enseignants n’a pas suivi une tendance différente des autres catégories de la population (Vallet, Degenne, 2000).) alors que d’autres constats font part d’un éloignement des origines sociales des enseignants de celles de leurs élèves (Pochard, 2008). On peut aussi supposer qu’une évolution du niveau économique des enseignants a pu avoir lieu ces dernières décennies du fait que les conjoints masculins des enseignantes sont souvent plus diplômés et plus rémunérés qu’elles (Jaboin, 2003 ; Cytermann, 2006 ; Goux, Maurin, 2008). Cette évolution ne doit toutefois pas masquer la variété des situations individuelles et laisser penser que tous les couples comprenant un enseignant ont actuellement un niveau de vie plus élevé que dans le passé.
Ces premières observations sur l’évolution des caractéristiques des enseignantes du primaire nous invitent à souligner un aspect important de la comparaison à laquelle nous nous livrons. On voit bien que la condition enseignante doit aussi tenir compte de ces caractéristiques personnelles, celles-ci ayant été l’objet de changements significatifs, principalement du fait de l’évolution des modalités de recrutement. Cela a pour conséquence principale que la perception du contexte scolaire et des conditions de travail est aussi susceptible de ne pas être identique en fonction de ces caractéristiques personnelles. Ce sont donc bien sur des enseignantes différentes, évoluant dans des contextes différents, que porte la comparaison, l’objectif étant avant tout de tenter d’apprécier l’ampleur de ces écarts sur la période considérée au niveau des rémunérations. Sur le plan méthodologique, notre approche exploratoire est principalement basée sur la comparaison des profils « âge-gains » des deux enseignantes représentatives de leur génération. Il s’agit concrètement de mettre en relation les rémunérations perçues au cours de la carrière avec l’âge (ou l’expérience professionnelle) comme le montre le graphique 1. Les deux courbes représentent les profils âge-gains hypothétiques des deux enseignantes (notés « i » pour l’institutrice et « j » pour la professeure des écoles) au cours de leur carrière respective.
Si les gains (niveau de rémunération) augmentent évidemment au fil des années pour les deux enseignantes (suite à la progression de carrière due aux changements d’échelons), les allures des courbes traduisent des situations différentes qui peuvent s’expliquer par trois facteurs principaux que nous intégrerons dans nos estimations. Le premier facteur tient au fait que le point d’indice sur lequel est basé le calcul des rémunérations des fonctionnaires n’a pas évolué de manière identique au coût de la vie au cours de la période étudiée (Bouzidi, Jaaidane, Gary-Bobo, 2007). Le second tient à la différence des grilles de salaire entre les instituteurs et les professeurs des écoles, celle des seconds étant, dans l’absolu, plus avantageuse que celle des premiers. Le troisième facteur concerne les débuts et fins de carrière différenciés : âge d’entrée dans le métier et âge de départ à la retraite. Les zones du graphique dans lesquelles figurent les signes – et + matérialisent les écarts de rémunération (négatifs et positifs) associés à la situation de la professeure des écoles actuelle par rapport à l’institutrice de la génération précédente : manque à gagner en début de carrière du faitd’une entrée plus tardive dans le métier et bénéfice en fin de carrière dûs à la revalorisation salariale suite à la création du corps des professeurs des écoles. Notre analyse consistera donc à tester la validité de cette hypothèse graphique, en tentant d’estimer les différences monétaires en cours de carrière et, de chiffrer au final, le solde en faveur ou en défaveur de la professeure des écoles actuelle en référence aux rémunérations perçues par l’institutrice de la génération précédente. Nous procéderons en deux temps, avec en premier lieu une analyse de la situation entre la fin des études secondaires et la sortie de la formation professionnelle initiale et, dans un deuxième temps, une simulation sur l’ensemble de la carrière professionnelle, jusqu’à la retraite.
Les modalités de recrutement traduisent et expliquent sans doute le mieux l’évolution de la profession car les changements qui sont intervenus dans l’intervalle générationnel retenu pour notre comparaison témoignent d’une nette coupure entre deux systèmes. La réalité historique est toutefois plus complexe car des changements nombreux sont intervenus tout au long du siècle dernier, notamment en ce qui concerne les modalités relatives au prérecrutement (Lang, 2008). Rappelons qu’à la fin des années 60, soit la période à laquelle l’une des deux enseignantes prise en exemple aurait débuté sa formation professionnelle (avec une entrée à l’école normale fixée en 1969), les conditions d’accès au métier pouvaient se faire par concours à deux niveaux d’études : un prérecrutement en fin de troisième après l’obtention du brevet ou un recrutement après la terminale avec la possession du baccalauréat. Les circulaires du 18 octobre 1968 et du 6 juin 1969 fixent la durée de la formation professionnelle à deux ans[10]. Ce premier constat a évidemment une incidence sur l’origine sociale des enseignants puisque des familles économiquement modestes pouvaient se permettre d’envisager des études dans l’enseignement général long pour leurs enfants avec l’assurance d’obtenir un métier de fonctionnaire et, de surcroît, avec une formation initiale rémunérée. En outre, un système de bourse attribuée sur critères sociaux pendant la scolarité au lycée renforçait les chances d’accès au métier d’enseignant dans les milieux modestes : ouvrier, agriculteur, petit commerçant, etc. (Prost, 1981). Même si le niveau d’études global de la population s’est aussi élevé durant ce dernier quart de siècle, l’hypothèse de la moindre proximité sociale des enseignants actuels avec leur public d’élèves n’est donc pas à écarter.
A la suite du recrutement, la formation était assurée dans les écoles normales départementales pendant deux années rémunérées. La rémunération perçue à l’époque peut être estimée en 1969 à environ 1 000 euros[11] en moyenne sur les deux années de formation, somme à l’origine exprimée enfrancs et convertie en euros constants de 2011[12]. En effet, pour corriger les effets de l’inflation, les rémunérations de toutes les années considérées dans notre comparaison sont exprimées en euros constants de 2011. Cette formation donnait à l’époque une large place à la pratique professionnelle avec différents stages dont un en autonomie complète d’une durée de 12 semaines au cours du premier trimestre de la seconde année. Trois autres stages en première année (dans des niveaux scolaires variés) étaient effectués dans les écoles d’application avec des maîtres d’application (ce qui correspond aux actuels maîtres formateurs) qui accueillaient les normaliens dans les classes. A la suite de l’examen de fin de formation (le CFEN[13], la titularisation avait lieu après l’obtention du CAP[14] au cours du premier trimestre suivant la première affectation. On relèvera également que le fait que la formation initiale soit rémunérée donnait lieu à un engagement décennal dans le métier entre le normalien et son employeur, en l’occurrence, l’Etat. Concernant notre deuxième exemple illustratif (enseignante née au début des années 70), elle aurait rejoint l’IUFM dans sa première configuration, soit au tout début des années quatre-vingt dix, après avoir obtenu une licence, diplôme nécessaire et suffisant avant la masterisation des métiers de l’enseignement[15]. Elle aurait pu aussi bénéficier de la préparation au concours assuré par les IUFM eux-mêmes et éventuellement d’une allocation[16] d’un montant mensuel pouvant être estimée à 1100 euros (somme toujours exprimée en euros constants de 2011). Une place était également accordée à la formation sur le terrain avec plusieurs stages dans des classes.
Quand on compare les deux situations, on constate à l’évidence une différence marquée quant à l’âge d’entrée dans le métier en lien avec le niveau de formation académique, cette différence ayant des incidences importantes sur le plan salarial en début de carrière. Il est clair que la situation de l’institutrice entrée à l’école normale à la fin des années soixante est bien plus avantageuse que celle de la professeure des écoles de la génération suivante. Pour cette dernière, il y a un manque à gagner de forte ampleur pendant les trois années post-bac nécessaires à l’obtention de la licence avec des coûts non négligeables supportés par les parents, soit partiellement (si l’étudiante est boursière), soit en totalité. Le graphique suivant (graphique 2), permet de visualiser les situations des deux enseignantes depuis l’obtention du bac jusqu’à la titularisation de chacune, il fait correspondre à chaque âge (entre 18 et 22 ans), la rémunération nette perçue[17]. Les données nécessaires à cettecomparaison peuvent être considérées dans certains cas comme des approximations (car il n’existe pas de chiffres moyens au niveau national, notamment en ce qui concerne le montant de l’indemnité de logement), mais elles correspondent à des données acceptables pour la comparaison entre les deux catégories professionnelles. Nous avons en effet intégré le montant de l’indemnité représentative de logement (IRL) attribuée aux instituteurs[18] (qui constitue un avantage financier non négligeable dont bénéficiaient les instituteurs et dont ne bénéficient plus les professeurs des écoles). On verra d’ailleurs plus loin dans le texte, toute l’importance que prend cette indemnité dans le calcul des rémunérations sur l’ensemble de la vie professionnelles. Entre 18 et 22 ans (pour des parcours sans redoublement dans la scolarité passée), l’écart entre les courbes est très important du fait du décalage d’âge lors du recrutement.
Alors que la future professeure des écoles (ou ses parents) supporte une charge financière pour ses études (estimée à 700 euros[19] par mois), la future institutrice perçoit déjà une rémunération pendant sa formation à l’école normale et elle avance ensuite dans les échelons du corps des instituteurs[20] alors, qu’au même âge, la professeure des écoles n’a pas encore terminé sa formation professionnelle[21]. Au total, les différences de rémunérations nettes entre nos deux enseignantesentre 18 et 22 ans se montent à plus de 80 000 euros[22]. Cette somme, très élevée (elle correspond à près de trois ans de salaire de la professeure des écoles actuellement), peut même paraître surprenante mais elle est le produit du décalage de l’âge d’entrée en formation et les écarts de rémunérations sur la période s’expliquent par trois facteurs :
i) le montant des salaires ou allocations perçus pendant la période de formation professionnelle[23],
ii) la prise en compte de l’indemnité de logement dans les revenus,
iii) le coût de la période des études universitaires.
Le graphique suivant décompose, en pourcentages les écarts de rémunérations entre les instituteurs et les professeurs des écoles au cours de la période de 18 à 22 ans. Si le coût des études est une part importante des écarts de rémunérations, on doit aussi admettre que la formation académique plus longue de la professeure des écoles (licence au lieu du bac pour l’institutrice) procure un avantage non monétaire lié à une accumulation de capital humain plus importante, associée théoriquement à une espérance de rentabilité individuelle et sociale dans le futur plus élevée.
Il est donc clair, si l’on raisonne à âge égal, que les deux situations sont très différentes sur le plan financier mais on peut penser que ce désavantage relatif initial se comblera au fil des années du faitd’un déroulement de carrière, a priori plus avantageux, pour les professeurs des écoles que pour les instituteurs[24].
L’estimation des rémunérations en cours de carrière nécessite d’exprimer, pour chaque année considérée, le point d’indice de la fonction publique en une unité comparable, à savoir ici en euros constants de 2011. Le graphique suivant (graphique 4) montre, sur la base de nos calculs, l’évolution du point d’indice depuis 1969. L’allure de la courbe correspond sans surprise à celle exposée par d’autres auteurs qui ont eux aussi souligné la perte significative de pouvoir d’achat des fonctionnaires depuis 1981 (Bouzidi, Jaaidane, Gary-Bobo, 2007) ; en 2011, la valeur du point d’indice en euros constants est même inférieure à celle observée en 1969 après une chute continue depuis 1982[25].
Sur la base des valeurs successives du point d’indice exprimées dans une même unité monétaire, il est alors possible d’estimer les salaires des enseignants tout au long de la période considérée. Au-delà de ce paramètre qui fixe la base des salaires, ces derniers dépendent du rythme d’avancement dans la carrière, soit des durées requises pour les changements d’échelons. Les promotions des instituteurs se font selon trois critères : le choix, le mi-choix et l’ancienneté (la première modalité étant la plus avantageuse puisqu’elle permet un passage d’échelon plus rapide) ; pour les professeurs des écoles, et selon une hiérarchie comparable, on relève : le grand choix, le choix et l’ancienneté.
Les grilles des deux catégories d’enseignants comportent 11 échelons mais, à partir du 7ème échelon, les professeurs des écoles peuvent accéder à la hors classe qui comporte 7 échelons avec un avancement automatique à l’ancienneté. C’est cet accès à la hors classe qui différencie vraiment la carrière des professeurs des écoles de celle des instituteurs sur le plan salarial. En effet, au 7ème échelon de la hors classe, l’indice est de 783, ce qui correspond actuellement à un salaire mensuel d’environ 3000 euros nets, soit beaucoup plus que le salaire d’un instituteur en fin de carrière (environ 2000 euros nets à l’indice 515). L’accès à la hors classe est toutefois loin d’être automatique et une très faible minorité d’enseignants du primaire termine actuellement leur carrière au dernier échelon de cette classe. Dans les faits, les professeurs des écoles ne peuvent accéder à la hors classe qu’à partir du 11ème échelon de leur corps et ils sont reclassés au 5ème échelon ; ils doivent donc attendre, dans le meilleur des cas, plus de six années pour atteindre le dernier échelon de la classe (par passage automatique des deux derniers échelons). Ainsi, le ratio de promus / promouvables à la hors classe, fixé par le Ministère, est seulement d’environ 2% ; à titre d’illustration, le nombre de promotions offertes au niveau national en 2012 a été de 4262, celles-ci étant réparties entre les départements. L’accès limité à la hors classe peut alors être considéré actuellement comme une sérieuse limite à la revalorisation effective des enseignants du premier degré.
Pour simuler les situations de nos deux enseignantes, et pour rester dans notre logique comparative, nous avons opté pour la distinction des carrières selon le corps d’origine[26]. On considérera tout d’abord que l’institutrice titularisée au début des années soixante-dix aura accompli sa carrière totalement dans le corps des instituteurs sans avoir opté pour une intégration dans le corps des professeurs des écoles (alors qu’elle en avait la possibilité), elle serait donc à la retraite depuis la fin de l’année 2006. Par ailleurs, on peut supposer (sur la base de données réelles départementales et nationales) que la professeure des écoles entrée à l’IUFM au début des années quatre-vingt dix serait actuellement au 9ème échelon du corps des professeurs des écoles, soit à l’indice 567 avec une rémunération de 2200 euros nets[27]. Nous avons signalé auparavant que notre démarche reposait sur des simulations, et non sur l’analyse de données réelles, mais notre préoccupation est bien de coller au mieux à la réalité, même si de nombreux problèmes méthodologiques se posent, dont le principal est la simulation de la vitesse d’avancement des enseignants dans les échelons. Celle-ci dépend en effet des règles de promotion (basées sur un barème qui intègre l’ancienneté générale des services et la note pédagogique[28] attribuée dans une fourchette relativement réduite) et du nombre depromouvables à chacun des échelons (les enseignants qui remplissent les conditions de promotion au regard du temps passé dans l’échelon).
A notre connaissance, il n’y a pas d’étude empirique qui a rendu compte d’une situation moyenne ou représentative d’une carrière type, les recherches produisent plutôt des estimations de carrières distinctes selon le rythme d’avancement : grand choix, choix et ancienneté (Bouzidi, Jaaidane, Gary-Bobo, 2007). Or, dans la réalité, les enseignants (sauf cas extrêmes) bénéficient généralement des trois modes d’avancement et l’observation des déroulements de carrières réelles montrent bien cette alternance chronologique dans les modalités de promotion. C’est donc bien une situation moyenne qui nous intéresse plutôt que de se focaliser sur des simulations distinctes selon le mode d’avancement qui fournissent des profils de carrières très différents et peu représentatifs de la réalité d’ensemble. Concrètement, pour simuler les carrières, nous nous sommes basés sur les règles des conditions de promotion d’un échelon à l’autre pour les deux grilles indiciaires (instituteurs et professeurs des écoles) en estimant des durées moyennes de passage d’échelons, pondérées par la variation des taux de promotion et selon le mode de promotion. Le passage d’échelon à l’ancienneté concerne tous les enseignants (soit un taux de 100%), le passage au mi-choix (instituteurs) et au choix (professeurs des écoles) s’offre aux 5/7 des promouvables (soit un taux de 71%), le passage au choix (instituteurs) et au grand choix (professeur des écoles) concerne 30% des promouvables. Pour illustrer notre raisonnement avec un exemple, la durée moyenne de passage entre le 5ème et 6ème échelon du corps des professeurs des écoles est estimée à 38 mois, soit une moyenne pondérée des trois durées possibles (30 mois au grand choix, 36 mois au choix et 42 mois à l’ancienneté) par leurs taux de promotion respectifs[29]. Le graphique 5, établi sur la base des simulations, compare les durées d’avancement dans la carrière jusqu’au iième échelon, pour les instituteurs et pour les professeurs des écoles de la classe normale. Pour les instituteurs, le dernier échelon de la grille serait atteint au bout de 23 années ; les professeurs des écoles atteindraient quant à eux le dernier échelon après 27 années d’ancienneté.
Les vitesses de progression de carrière jusqu’au 11ème échelon sont assez comparables mais cela ne dit rien de leur influence sur les rémunérations, la grille indiciaire des professeurs des écoles étant plus favorable que celle des instituteurs. Par exemple, au 11ème échelon, l’indice est de 658 pour les professeurs des écoles et de seulement 515 pour les instituteurs. Pour revenir à la comparaison temporelle entre les situations de nos deux enseignantes, on doit aussi tenir compte de l’évolution du point d’indice au cours du temps. Selon nos estimations, l’institutrice aurait perçu, après avoir été promue au 11ème échelon, un salaire net de 2300 euros (sur la base de la valeur du point d’indice de l’époque exprimée en euros de 2011) ; on peut ajouter à cette rémunération l’indemnité représentative de logement, ce qui correspond au total à 2500 euros mensuels. Pour la professeure des écoles, l’estimation est incertaine puisque, dans notre exemple, elle est au 9ème échelon de sa carrière à l’heure actuelle ; nous devons donc estimer l’évolution du point d’indice pour les années qui la séparent du 11ème échelon, soit 9 ans. En tablant sur l’hypothèse la moins défavorable (compte tenu de l’évolution relative négative du point d’indice ces dernières années), c’est-à-dire une stabilité de ce point (et en raisonnant en euros de 2011), la professeure des écoles percevrait un salaire net de 2600 euros au 11ème échelon, soit une différence substantielle (de 300 euros) si l’on n’intègre pas l’indemnité de logement, mais qui se réduit dans le cas contraire (différence de seulement 100 euros). Le graphique suivant donne une illustration des deux carrières simulées des enseignantes en termes de rémunération nette entre le 1er et le 11ème échelon de leur corps respectif.
Le fait de considérer l’évolution temporelle de la valeur du point d’indice donne une lecture de la situation différente de celle que fournissent les grilles indiciaires respectives des deux corps d’enseignants et sans doute également assez éloignée de la perception que les acteurs peuvent en avoir. Le constat précédent de la baisse de la valeur du point d’indice ces dernières décennies gomme en effet une partie de l’écart de salaires entre l’institutrice et la professeure des écoles. Si l’on intègre l’indemnité de logement (IRL) à la rémunération de l’institutrice, les deux courbes affichent des profils proches et se chevauchent même entre le 3ème et le 8ème échelon. Dans une perspective globale de déroulement de carrière, un autre paramètre à prendre en considération est l’âge : l’institutrice atteindrait le iième échelon vers 43 ans alors que la professeure des écoles l’atteindra vers 50 ans, du fait de son entrée plus tardive dans le métier.
Ce constat des différences d’âge dans les profils de carrière nous invite à simuler des profils âge / gain sur l’ensemble de la vie professionnelle des enseignants comme nous l’avions fait précédemment pour la formation initiale et l’entrée dans le métier. Un problème de comparaison se pose à nouveau dans la mesure du décalage entre les deux catégories en termes de durée de carrière. Rappelons que les instituteurs pouvaient faire valoir leur droit à la retraite à l’âge de 55 ans après avoir cotisé pendant 37,5 ans alors que l’âge de la retraite a été fixé à 60 ans pour les professeurs des écoles. Depuis la récente réforme des retraites, la durée de cotisation pour percevoir une retraite à taux plein est de 41 ans et passera à 42 ans en 2020, ce qui augmente encore la différence entre nos deux catégories d’enseignants en termes de durée de carrière. On doit donc aussi estimer l’âge probable de départ à la retraite pour la professeure des écoles. Compte tenu de la législation actuelle (qui est susceptible d’évoluer encore ces prochaines années…), la professeure des écoles pourrait, après avoir cotisé pendant 42 ans, faire valoir ses droits à une retraite à taux plein à l’âge de 63 ans, soit en 2036. Si la simulation des rémunérations de l’institutrice ne pose pas de problème supplémentaire à ceux déjà identifiés, cela n’est pas le cas pour les simulations des salaires de la professeure des écoles. En effet, pour cette dernière, ces estimations sont incertaines puisqu’elles dépendent de l’âge d’accès à la hors classe. Hors, celui-ci est lié à la conjoncture dont on peut espérer qu’elle évoluera favorablement dans les prochaines années. Nous avons opté pour un scénario avec un accès à la hors classe deux ans après l’obtention du iième échelon et pour le droit à une retraite à taux plein à l’âge de 63 ans. Ce choix peut bien sûr être contesté, mais à part la possibilité d’envisager différents scénarii, il y a une telle incertitude dans l’avenir que nous avons préféré une simulation optimiste (notamment pour l’accès à la hors classe dans ce délai). Les rémunérations ont bien sûr tenu compte de l’évolution de la valeur du point d’indice (avec l’hypothèse de stabilité pour les années futures) en intégrant l’IRL dans les rémunérations de l’institutrice en cours de carrière. Les gains estimés lors de la retraite sont également simulés sur la base du montant des prélèvements actuels.
Le graphique 7 simule les profils âge / gains des deux enseignantes entre 18 et 63 ans, soit de l’âge d’entrée en formation initiale pour l’institutrice à l’âge de la retraite pour la professeure des écoles. Les allures des deux courbes sont particulièrement parlantes. Les deux extrémités traduisent les fortes différences de rémunérations entre les deux catégories, soit à la faveur de l’institutrice en début de carrière, soit à l’avantage de la professeure des écoles en fin de carrière. En revanche, entre 25 et 50 ans, on constate un rapprochement des courbes qui témoigne de rémunérations voisines. Cela est intéressant dans la mesure où cette large plage d’âge correspond à une période de la vie particulièrement active et coûteuse ; c’est en effet la période au cours de laquelle on peut fonder une famille, concrétiser un projet immobilier, éduquer ses enfants et subvenir à leurs besoins, etc.
On peut compléter cette vision comparative des rémunérations en estimant l’âge auquel la rémunération de la professeure des écoles dépasse celui de l’institutrice. Le graphique 8 fournit une réponse en simulant les écarts de rémunérations nettes mensuelles entre les deux enseignantes au cours de la même plage d’âge. C’est seulement à partir de 50 ans que le salaire de la professeure des écoles dépasse la rémunération de l’institutrice, du fait notamment de la prise en compte de l’IRL dans les revenus.
Le graphique 9 alimente encore notre comparaison en rapprochant les rémunérations cumulées au cours de la carrière des deux enseignantes depuis la fin de leurs études secondaires et leur choix de métier. Cela permet de visualiser le moment où les rémunérations perçues par la professeure des écoles rejoignent celles de l’institutrice. Ce point d’équilibre est atteint à l’âge de 64 ans (point de croisement des deux courbes). Pour cette enseignante, il aura donc fallu attendre 46 années depuis l’obtention du baccalauréat pour que sa carrière commence à être plus attractive financièrement que celle d’une institutrice de la génération précédente, du fait notamment du coût des études pour accéder au recrutement.
Cet âge de 64 ans peut, à juste titre, être considéré comme élevé dans la mesure où il dépasse celui d l’espérance de vie sans incapacité (EVSI) qui est actuellement de 63,5 ans pour les femmes[30] (données de 2010). Il est évident que si nous étendions la comparaison sur une durée plus longue (jusqu’à l’âge correspondant à l’espérance de vie par exemple), l’avantage monétaire serait clairement au crédit de la professeure des écoles. On doit néanmoins prendre en compte la dimension de la qualité de vie et de la possibilité pour les intéressés de bénéficier pleinement de leurs revenus. A ce titre, on ne doit pas perdre de vue l’idée qu’à l’âge où la professeure des écoles prendra sa retraite (qui risque fort d’être encore décalé dans le temps dans les années à venir…), l’institutrice aura déjà bénéficié pendant sept années de cette même retraite, certes avec des gains moins élevés. Il ne s’agit pas ici de remettre en question la récente réforme des retraites (qui est la réponse à des déséquilibres sociaux structurels) mais de considérer ce décalage d’âge dans l’accès à la retraite comme un manque à gagner supplémentaire pour la professeure des écoles en termes de qualité de vie.
L’exercice de simulation auquel nous nous sommes livrés comporte évidemment un certain nombre d’imperfections car tous les paramètres n’ont pas été pris en compte dans les estimations des salaires[31]. Il s’agissait surtout de mettre en évidence les écarts moyens de rémunérations entre deux catégories de personnel traduisant, à deux époques différentes, des profils de carrière typiques. La comparaison à laquelle nous nous sommes livrés, sur la base de ces deux situations fictives, apporte néanmoins des éléments pour nourrir la réflexion sur la condition enseignante. Il faut déjà rappeler que des changements de grande ampleur sont intervenus ces dernières décennies dans les modalités de recrutement et de formation de
maîtres du premier degré, celles-ci ayant eu des conséquences non négligeables sur la carrière professionnelle et plus largement la vie des enseignants.
Il était donc légitime de s’interroger sur les conséquences de ces changements sur les rémunérations perçues au cours de la carrière. La création des IUFM (et du corps des professeurs des écoles) au début des années quatre-vingt dix a permis de recruter des enseignants plus diplômés, elle devait aussi permettre de les rémunérer davantage selon la grille indiciaire des professeurs des écoles, a priori plus avantageuse que celle des instituteurs. Notre comparaison intergénérationnelle donne pourtant l’avantage à la situation salariale des instituteurs et cela est du à plusieurs facteurs :
i) l’évolution défavorable du point d’indice depuis les années quatre-vingts entraînant une perte de pouvoir d’achat,
ii) la suppression des revenus additionnels des instituteurs par la perte de l’indemnité représentative de logement (ou la jouissance d’un logement de fonction), celle-ci constituant, tout au long de la période d’activité un apport financier non négligeable,
iii) la forte sélectivité dans l’accès à la hors classe du corps des professeurs des écoles. Si celle-ci est théoriquement accessible à tous à partir du 7ème échelon, elle ne concerne actuellement qu’une très faible minorité d’enseignants,
iv) un décalage important entre l’âge d’entrée dans le métier et l’âge de départ à la retraite.
Tout cela conduit à des écarts de rémunérations très importantes depuis la fin des études secondaires jusqu’à l’entrée dans le métier à l’avantage des instituteurs et à un niveau de rémunération assez proche entre les deux corps entre 25 et 50 ans. Il faut attendre la fin de carrière des professeurs des écoles, avec l’accès à la hors classe, pour que la revalorisation porte ses fruits. Le problème est que cet accès à la hors classe est actuellement très restreint. Nos simulations sont, à ce titre, très optimistes par rapport au contexte actuel dans la mesure où elles intègrent déjà cet accès à la hors classe en fin de carrière. L’évolution de la profession enseignante ne concerne pas uniquement le déroulement de la carrière professionnelle et la dimension salariale. Les conditions de travail sont aussi importantes dans la comparaison temporelle. C’est donc davantage la dimension qualitative du métier qui est alors visée. En raisonnant de manière très globale, les enseignants français n’apparaissent pas non plus très bien placés sur ce plan au niveau international quand on met en relation les rémunérations avec, d’une part l’intensité du travail (nombre d’heures face aux élèves) et, d’autre part, le nombre d’élèves par enseignant (Bourdon, 2008). Au-delà de ces conditions globales, les caractéristiques du public d’élèves ont aussi nettement évolué ces dernières décennies. Il faudrait, là encore, considérer de nombreux aspects qui ne sont pas toujours transposables en données factuelles : comportements, attitudes face à l’école et aux apprentissages, niveau d’acquisition, etc.. Ce public d’élèves se caractérise en effet par un ensemble de caractéristiques sociales et comportementales qui sont influencées par l’environnement familial et le contexte sociétal. Un des moyens détournés d’appréhender globalement l’évolution des caractéristiques des élèves est de s’intéresser aux performances scolaires à l’aide d’indicateurs objectifs du niveau de connaissances et de compétences. Bien que ces indicateurs rendent compte également de l’influence de l’école sur les élèves, on sait qu’ils sont largement déterminés (en tout cas au début de la scolarité) par des variables cognitives et socio-démographiques.
Les données comparatives disponibles concernant cette dimension ne recouvrent pas exactement la période considérée dans notre travail, mais nous pouvons, au moins pour les vingt dernières années, mobiliser les résultats de plusieurs enquêtes. Une première famille d’indicateurs concerne les résultats des enquêtes internationales menées à intervalles réguliers par l’IEA avec PIRLS[32] pour le primaire (IEA, 2003, 2007, 2012) et par l’OCDE avec PISA[33] pour le secondaire (OCDE, 2001, 2005, 2008, 2011). Sur la base de ces résultats, on peut lire nettement la baisse des performances des élèves français depuis une dizaine d’années, voire plus en mobilisant des comparaisons plus anciennes (Elley, 1992). Les mêmes enquêtes mettent aussi l’accent sur l’accroissement des écarts entre les élèves, avec un pourcentage d’élèves ne maîtrisant pas les compétences de base en augmentation. En outre, les inégalités sociales de réussite suivent aussi une courbe ascendante dans ces mêmes enquêtes, mais aussi dans des études réalisées au niveau national (M.E.N., 2008). D’autres indicateurs seraient sans doute aussi à mobiliser concernant l’évolution des caractéristiques des élèves mais ils ne sont pas forcément disponibles. L’évolution du métier peut aussi se lire avec les tâches supplémentaires attribuées aux enseignants au cours de ces vingt cinq dernières années : l’introduction de disciplines supplémentaires dans les programmes, l’administration et l’analyse des évaluations institutionnelles des acquis des élèves, l’évaluation du socle commun avec le livret personnalisé de compétences. Par ailleurs, l’école doit aussi faire face aujourd’hui à l’augmentation du nombre d’enfants au comportement difficile.
Au niveau politique, il est clair que ces simulations sur l’évolution des rémunérations des professeurs des écoles donnent une certaine légitimité au débat sur la revalorisation des carrières dans le premier degré. Dans un contexte budgétaire difficile, se pose alors la question de savoir quellespistes, à la fois réalistes et pertinentes, peuvent être envisagées pour améliorer la situation. L’analyse temporelle des progressions de carrière des enseignants du premier degré invite à explorer une piste spécifique plutôt que de considérer la profession enseignante, voire la fonction publique dans son ensemble. En effet, la baisse de pouvoir d’achat due à la non revalorisation du point d’indice touche l’ensemble des fonctionnaires et, si dans le futur des mesures sont prises pour faire en sorte d’inverser la tendance, les enseignants, comme les autres agents de l’Etat, pourront en bénéficier. Indépendamment de cette éventuelle orientation, c’est donc surtout sur la situation particulière des enseignants du premier degré qu’il faudrait agir à court terme avec une mesure de type statutaire. Une première possibilité à court terme serait d’opter pour l’octroi d’une prime qui serait versée annuellement au personnel du premier degré, mais au-delà de la question de son montant, cela ne conduit pas à une véritable revalorisation du métier puisque cette prime ne correspondrait pas à une bonification indiciaire susceptible d’accélérer la carrière. Une seconde possibilité, plus pérenne dans ses effets, est de reconsidérer la grille d’avancement des professeurs des écoles en autorisant une progression plus constante des augmentations de salaire au fil de la carrière. Cela passerait principalement par la reconsidération de la hors classe qui, dans les faits, est très peu accessible. On pourrait ainsi envisager une grille d’avancement unique avec un étalement progressif de tous les échelons qui permettent à tous les enseignants d’atteindre, avant la fin de leur carrière, l’indice du dernier échelon de la hors classe actuelle. Cela permettrait sans doute aux enseignants d’imaginer une perspective d’évolution professionnelle à la fois plus rassurante et moins aléatoire.
Cette réforme des modalités d’avancement dans la carrière est probablement l’une des solutions les plus pertinentes pour que le métier puisse retrouver son attractivité, notamment pour les jeunes diplômés à bac + 5 qui peuvent légitimement s’interroger à s’engager dans une vie professionnelle, actuellement si peu attrayante financièrement. En outre, on doit aussi s’interroger sur le coût supplémentaire qui résulte d’études plus longues qui peut inciter des jeunes à d’autres choix professionnels que celui d’enseignant du fait du faible retour sur investissement qu’il procure. Rendre la carrière plus attractive financièrement est probablement aussi un moyen pour agir sur la motivation des enseignants actuels qui peuvent se sentir frustrés de ne pas avoir la certitude d’atteindre, à un âge raisonnable, le dernier échelon de la grille indiciaire de leur profession. Il resterait bien sûr à chiffrer le coût de cette mesure qui pourrait, par ailleurs, être mise en place de manière progressive.
Au final, et pour faire écho aux prénoms représentatifs de ces deux générations d’enseignantes, les simulations comparatives effectuées sur les carrières professionnelles des instituteurs et des professeurs des écoles invitent à penser, qu’au fil des années, la condition enseignante à l’école primaire a progressivement quitté l’univers plein d’illusions du Monde de Martine pour rejoindre, celui plein de questionnements existentiels, du Monde de Sophie[34].
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[1] L’auteur adresse ses vifs remerciements à toutes les personnes qui ont pu lui fournir des compléments d’information et des précisions en mobilisant leur mémoire, leurs archives personnelles et celles de leurs relations. Je pense particulièrement à Martine Rey-Gaudin, Annie Bachelard, Daniel Coulon, Daniel Bernardin et Maryse Bonniau. Ces remerciements s’adressent également à Claude Gautheron (SNUIPP) et Carme Marra (SGEN-CFDT) pour leurs réponses à mes nombreuses questions et pour les informations transmises sur les carrières des enseignants du primaire.
[3] Scolarisation des enfants de moins de trois ans : circulaire n° 2012-202 du 18-12-2012.
[4] Décret n° 2013-77 du 24 janvier 2013 relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires paru au Journal officiel de la République française n°0022 du 26 janvier 2013.
[5] Leur exploitation permet de connaître tous les éléments de la rémunération brute et nette des agents de l’Etat : traitement indiciaire, primes, prélèvements et cotisations sociales.
[6] Ces fonctions de gains permettent de mesurer les rendements de l’éducation des individus en analysant les variations de leurs salaires en fonction de leurs caractéristiques : âge, sexe, nombre d’années de formation académique, expérience professionnelle…)
[7] Soit l’âge moyen des enseignantes du premier degré actuellement : 40,1 ans en 2012 (M.E.N., 2012).
[8] En 2012 dans l’enseignement public, on comptait 265 398 professeurs des écoles et (encore) 6 962 instituteurs au niveau national (M.E.N., 2012).
[9] Si le taux moyen est de 14% chez les enseignantes du premier degré en France, il peut y avoir de fortes variations. Par exemple, dans le département de la Haute-Savoie, il est actuellement de 21% alors que le chiffre en 2005 était de 11%.
[10] Les modalités de recrutement étaient différentes auparavant et elles évolueront encore par la suite et cela dès 1979 avec une formation professionnelle en trois ans débouchant sur un DEUG mention « enseignement du premier degré ». Il s’ensuite une période d’instabilité jusqu’à 1985 qui compte douze dispositifs de formation (Lang, 2008).
[11] Les modalités de rémunération des années de formation professionnelle ont varié selon les années. Il existait même un système à la fin des années soixante dans lequel les normaliens ne percevaient chaque mois qu’une partie de la rémunération qui leur était due, le reste leur étant versé en une seule fois à la sortie de l’école normale et pouvant ainsi servir d’un apport non négligeable pour l’installation de l’enseignant dans sa localité.
[12] Nous avons utilisé pour la conversion des rémunérations (de 1969 à 2011), le convertisseur de l’INSEE. Ce déflateur est la moyenne annuelle publiée de l’indice général des prix qui s’appuie sur la population la plus large.
[13] Certificat de Fin d’Ecole Normale.
[14] Certificat d’Aptitude Pédagogique.
[15] Il s’agit ici d’un cas théorique, car dans la réalité, l’entrée à l’IUFM à l’âge de 22 ans n’était sans doute pas la norme du fait, d’une part des redoublements éventuels dans la scolarité antérieure et, d’autre part, d’un échec possible au concours lors de la première tentative.
[16] Allocation régie par le décret n° 91-586 du 24 juin 1991.
[17] Pour simplifier, nous avons considéré les deux enseignantes comme célibataires sans enfant sur la totalité de la carrière afin de ne pas avoir à prendre en compte le supplément familial de traitement dans les estimations ou d’autres spécificités, notamment dans le calcul de l’âge de départ à la retraite.
[18] L’indemnité représentative de logement est attribuée aux instituteurs non logés par la commune, son montant est fixé par arrêté préfectoral.
[19] Il s’agit là d’une estimation à la date considérée car il existe de fortes variations entre les lieux de résidence, cette estimation est basée sur les enquêtes régulières réalisées par les associations d’étudiants.
[20] Nous avons exprimé l’indice correspondant à chaque échelon en euros constants de 2011.
[21] Nous avons considéré ici que la professeure des écoles percevait une allocation lors de l’année de préparation au concours effectuée à l’IUFM (ce qui n’était dans les faits pas le cas pour tous les étudiants).
[22] Soit la différence entre 83 600 euros perçus par l’institutrice en cinq ans (deux années de formation rémunérées et trois années d’enseignant titulaire incluant l’indemnité de logement) et 2 400 euros de solde perçus par la professeure des écoles (trois années engendrant un coût de 8 400 euros par an, une année d’allocataire pour la préparation au concours avec une indemnité de 13 200 euros et une année de formation rémunérée à la hauteur de 14 400 euros).
[23] On devrait aussi prendre en compte le fait que lors du recrutement, les instituteurs signaient un engagement décennal avec l’Etat, cela peut être considéré comme un coût potentiel puisqu’en cas de rupture de contrat (une démission), l’enseignant devait rembourser les sommes perçues pendant les années de formation.
[24] Les grilles indiciaires des instituteurs et des professeurs des écoles figurent en annexe.
[25] La relation statistique entre la valeur du point d’indice et les années est particulièrement forte comme le témoigne la courbe de tendance polynomiale (d’ordre 2) matérialisée en pointillés sur le graphique qui s’ajuste bien aux données temporelles (le R2 étant élevé).
[26] Pour simplifier, on considérera également que les deux enseignantes travaillent à temps plein et n’ont eu aucune interruption de carrière. Nous ne prenons pas non plus en compte ici dans les traitements le supplément familial lié aux éventuels enfants.
[27] Cette hypothèse est réaliste dans la mesure où l’accès au 9ème échelon nécessite une ancienneté de 19 ans et 6 mois pour un passage toujours à l’ancienneté, 17 ans pour une promotion toujours au choix et 14 ans pour un passage toujours au grand choix.
[28] La note pédagogique est attribuée lors des inspections des enseignants par l’inspecteur de l’Education nationale. Cette note dépend de plusieurs critères mais son amplitude est très faible pour un échelon donné. Les modalités d’évaluation des enseignants qui n’ont pas évolué depuis des décennies mériteraient sans doute aussi de faire l’objet d’une réflexion
[29] En l’occurrence ici, les taux respectifs sont de 0,49 (ancienneté), 0,35 (choix) et 0,15 (grand choix). Compte tenu des quotas de promotions différents, sur 100 enseignants promouvables, 49 seraient ainsi promus à l’ancienneté, 35 au choix et 15 au grand choix.
[30] On mentionnera que cette espérance de vie sans incapacité a d’ailleurs diminué ces dernières années, celle des hommes est passée de 62,7 ans à 61,9 ans entre 2008 et 2010 et de 64,6 ans à 63,5 ans pour les femmes selon l’INED.
[31] Les fonctions spécifiques comme la direction d’école, les indemnités liées a certaines situations familiales, les interruptions de carrière, les indemnités de résidence, les calculs précis de l’évolution des prélèvements sociaux sur les salaires, etc…
[32] Progress in International Reading Literacy Study.
[33] Programme for International Student Assessment
[34] Les expressions utilisées pour ces jeux de mots conclusifs renvoient bien sûr : 1) aux célèbres albums pour enfants intitulés Martine de Gilbert Delahaye et Marcel Marlier, publiés de 1954 (Martine à la ferme) à 2010 (Martine et le prince mystérieux) qui décrivent un univers de vie idyllique. On mentionnera évidemment l’album, paru en 1957, intitulé Martine à l’école ! 2) au roman philosophique intitulé Le monde de Sophie de Jostein Gaarder, publié en 1991, ce roman a connu un immense succès en proposant une introduction à la philosophie d’une manière originale.