Par Rémi Boyer de l’association Aide aux Profs
Ce mois-ci, nous attirons votre attention :
– Sur le nombre de détachés de l’Education nationale sur des postes d’enseignants et de non enseignants, dans le 1er et le 2nd degré, selon les dernières données de 2012 qui nous soient parvenues : que compte faire Vincent Peillon pour les secondes carrières des enseignants, dossier en souffrance ?
– Sur les effets de la pénurie d’enseignants, alors que les concours annoncés en 2013 auront des difficultés à inverser la tendance décennale sur la désaffection du métier ;
– Sur les salaires des enseignants, et les idées d’Aide aux Profs pour leur permettre de maintenir leur pouvoir d’achat sans que cela coûte une centime d’euro à l’Education Nationale ;
– Sur la démission de Franck Girard, professeur des écoles pendant 32 ans, ancien Président d’Avenir Ecoles, qui est devenu psychanalyste ;
– Sur quelques sites web qui ont attiré notre attention, car ils peuvent rendre de grands services aux enseignants actifs, et à ceux qui s’interrogent sur leur reconversion.
Sur le nombre de détachés de l’Education nationale sur des postes d’enseignants et de non enseignants, dans le 1er et le 2nd degré, selon les dernières données de 2012 qui nous soient parvenues : que compte faire Vincent Peillon pour les accroître et rendre possibles les issues du métier d’enseignant hors concours ?
En août 2009, dans « Enseignant et après ? Comment préparer et réussir sa seconde carrière, j’indiquais dans un tableau en page 65 que le nombre de détachés au 31.12.2005 dans l’Education nationale était de 16 727, et le nombre de professeurs mis à disposition, de 5217. En septembre 2007, nous avions rencontré la Mission Seconde Carrière de la DGRH, avec Didier Augeral et Philippe Garnier, lequel nous avait indiqué que le nombre d’enseignants en détachement sur postes administratifs était d’environ 3500.
Cette année, après la campagne présidentielle, au fil de nos nombreux contacts associatifs, des statistiques plus précises et plus récentes nous sont parvenues, nous permettant d’apporter un éclairage complet et très instructif sur ce dossier, montrant très bien que la question des secondes carrières des enseignants est le cadet des soucis de l’Education nationale, malgré le «changement » annoncé à tous les étages…
A la rentrée 2012, il y a exactement 17 261 enseignants en détachement, soit 534 de plus seulement qu’il y a 8 ans (+3.1%). Le nombre d’enseignants sur postes administratifs temporaires atteint 3675, conforme au chiffre qui nous avait été annoncé en 2007 par la MISECA.
Pourtant, en août 2006 a été créée une mission Seconde Carrière, qui ne s’est jamais intéressée à l’accroissement des emplois en détachement, s’occupant plutôt de diminuer le nombre des postes en MAD, qui n’est par exemple au 01.09.2012 plus que de 106 pour les professeurs du 1er degré, et de 48 pour les enseignants du 2nd degré, soit une diminution de ces possibilités de reconversion temporaire de 97% en 7 ans, uniquement pour dégager des économies de bouts de chandelle, en regard du potentiel très important que pouvaient constituer ces opportunités de seconde carrière pour l’ensemble des enseignants.
L’Education nationale, ainsi, entre 2005 et 2012, a agi à l’inverse de ce qu’on attendait d’elle en matière de création de possibilités de reconversion pour les enseignants. Depuis 2010, les solutions trouvées par les services de la DGRH se sont seulement concentrées sur le détachement des enseignants dans une autre discipline que la leur, comme si, après le métier d’enseignant, il n’y avait que…le métier d’enseignant !
1) Dans le 1er degré, au 01.09.2012, la répartition des enseignants en détachement est la suivante :
Pour exercer des fonctions enseignantes : 3890
A l’étranger (3833) :
– auprès de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger : 2446
– en contrat local : 950
– auprès de la Mission laïque française : 284
– auprès de la Principauté de Monaco : 78
– auprès du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL) : 75
En France (57) :
– auprès du ministère de la défense (SEFFECSA : http://www.seffecsa.net/ ) : 35
– auprès du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (LEGTA), du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social : 12
– comme ATER : 10
Pour exercer des fonctions non enseignantes temporaires : 1273
A l’étranger (101) :
– dans le cadre du réseau de coopération et d’action culturelle (MAE) : 95
– auprès d’organisations internationales : 6
En France (1139) :
– auprès du secteur associatif (MGEN, Ligue de l’enseignement, CEMEA, OCCE, FOEVEN, les FRANCAS, Jeunesse au plein air, les Eclaireuses et éclaireurs de France, etc.) : 617
– auprès d’établissements publics (ENS Lyon, CNED, réseau CNDP, CNRS, CNOUS, CIEP) : 286
– auprès de collectivités territoriales : 109
– auprès d’une administration de l’Etat : 82
– pour exercer des mandats électifs et comme assistant parlementaire : 45
Pour exercer des fonctions non enseignantes définitives (en position de stage avant titularisation après réussite à un concours interne, ou sur des postes où l’intégration définitive est possible) : 730
– détachements après concours de l’éducation nationale (chefs d’établissements, corps d’inspection) : 700
– après concours, dans les IRA, l’ENA, et autres administrations : 30
Soit un total de 5163 professeurs des écoles en détachement au 1er septembre 2012. Il est important de noter qu’il y en avait 5833 en décembre 2011 , ce qui signifie que l’ancien gouvernement avait commencé à les supprimer (-11.5% : quelles secondes carrières pour les enseignants ?)
2) Pour les enseignants du 2nd degré, nos données remontent au 01.03.2012 : 12 098 postes
Pour exercer des fonctions enseignantes :
A l’étranger (4814)
– Enseignement dans les réseaux de l’AEFE et du MAE : 4727
– Coopération auprès d’un organisme international : 80
– Mission d’intérêt public : 7
Pour exercer des fonctions non enseignantes temporaires :
En France et Dom (3132)
– Dans le cadre d’emplois administratifs ne conduisant pas à pension (CNED, CNDP, CRDP, CDDP, ONISEP, CEREQ, CLEMI, ex-INRP, etc) : 1968
– Dans un autre corps de l’Education nationale (ex : SAENES, IGE, IGR, etc) : 402
– Dans des associations et organismes privés d’intérêt général : 391
– Auprès de collectivités territoriales (communes, départements, régions) : 250
– Dans le cadre de fonctions électives : 86
– Dans les GIP de l’Education nationale : 21
– Auprès de députés ou de sénateurs : 13
– Auprès de syndicats : 1
Pour exercer des fonctions non enseignantes définitives (en position de stage avant titularisation après réussite à un concours interne, ou sur des postes où l’intégration définitive est possible) : 4152
– Dans le cadre de stages avant titularisation (chef d’établissement, inspecteur, etc.) : 1890
– Sur des emplois administratifs conduisant à pension : 1818
– Dans le cadre de stages avant titularisation (corps administratif) : 444
Sur les effets de la pénurie d’enseignants, alors que les concours annoncés en 2013 auront des difficultés à inverser la tendance décennale sur la désaffection du métier : mais quel changement pense ici apporter le Ministre ?
L’Education nationale préfère le taire, mais tous les échos qui nous sont parvenus depuis 2010 plaident en faveur d’une pénurie progressive d’enseignants, du fait de la politique dramatique qu’a été le non renouvellement d’un enseignant sur deux. Pour masquer l’ampleur du désastre, les académies se sont débrouillées pour retenir leurs « ressources humaines » en freinant le plus possible toutes leurs possibilités de mobilité interne et externe :
– Refus des disponibilités pour convenances personnelles de manière systématique, en invoquant la « nécessité de service », qui est le prétexte « passe-partout » des services dits de « GRH » pour refuser tout ce qui pourrait être un peu trop positif ou permissif aux enseignants dans leur mobilité ou leur formation continue ;
– Refus systématique, dans la quasi-totalité des académies, de la prise en charge financière de bilans de compétence, même quand l’agent public remplissait les critères pour y être éligible ;
– Temps d’attente extrêmement long pour obtenir un congé de formation professionnelle (plus de 5 ans en moyenne quelle que soit l’académie, avec des « pointes » de 14 ans (Versailles) à 18 ans d’attente (Créteil). L’interview de Franck Girard, conseiller au prud’hommes pendant une période de sa vie, nous éclaire sur le fait que l’administration est loin de respecter le Code du Travail pour ses propres agents, faute de budget, et de politique réelle de GRH au profit de la formation et de la mobilité au choix de ses « ressources humaines » ;
– Refus d’accorder le Droit Individuel à la Formation (DIF) dans quelques académies au prétexte que la formation n’a aucun rapport avec la discipline enseignée, alors que Josette Théophile, ancienne DGRH, avait fait du DIF un dispositif destiné justement à faciliter les mobilités externes !
– Refus de demandes de démissions, refusées en cours d’année par les IA et les Recteurs et parfois refusées tout court au prétexte qu’un enseignant s’engage « pour la vie » dans son métier !
– Refus d’accorder l’Indemnité de Départ Volontaire dans certaines académies pour le Projet Personnel, pourtant prévu dans la loi ;
– Application du plancher d’indemnisation pour l’IDV en cas de création ou de reprise d’entreprise, en imposant « la loi du plus fort » qui consiste à ne pas reconnaître l’investissement qu’aura pu avoir un enseignant dans son métier, au moment où il demande à en partir. L’Education Nationale prouve ainsi qu’elle n’a pas développé parmi ses cadres de politique de la reconnaissance et que la valorisation des personnels n’existe pas dans la conception actuelle et depuis plusieurs décennies de ce que l’on appelle toujours à tort « Gestion des ressources humaines ».
Plus les refus se multiplient, parfois sans délicatesse de la part des DASEN, des DRH, avec l’imposition d’une loi du plus fort qui laisse les enseignants impuissants, frustrés, découragés, déprimés, plus le nombre d’enseignants perdant confiance dans leur administration augmente, et de ce fait le nombre de ceux prêts à démissionner pour quitter leur métier.
Depuis septembre 2012, c’est du jamais vu en 6 ans d’activité pour Aide aux Profs, plus de 30% des 508 enseignants qui nous ont contactés envisagent de démissionner, car ils en ont marre de ce système qui les retient prisonniers, alors qu’une GRH intelligente, de proximité, proche des souhaits des agents, redonnerait confiance et motivation aux principaux acteurs de l’Ecole, ce qui conserverait par là même à ce métier son attractivité ! CQFD…
Sur les salaires des enseignants, et les idées d’Aide aux Profs pour leur permettre de maintenir leur pouvoir d’achat sans que cela coûte une centime d’euro à l’Education Nationale
Vincent Peillon l’a dit très clairement : il n’a pas les moyens de mieux payer les enseignants avant au moins deux ans, alors qu’ils le mériteraient. Le classement de l’OCDE place en effet le salaire moyen des enseignants français bon avant-dernier…car les enseignants ont beaucoup perdu dans ces politiques de revalorisation des seuls débuts de carrière, qui depuis une quinzaine d’années ont complètement négligé les fins de carrières, ce qui nous conduit progressivement vers le salaire unique de l’enseignant, puisque, depuis le Pacte de Carrière de Luc Chatel, un professeur certifié, agrégé, ou des écoles, ne peut voir son salaire s’accroître en classe normale que de 50% en 41.5 années (contre 100% à 150% auparavant).
Le Ministre cherche donc des « hussards noirs » (un peu bénévoles ?) qu’il n’a pas les moyens de payer honorablement sur la durée, puisque, après ce salaire symbolique de 2000 € bruts pour les certifiés, les enseignants découvrent à partir de l’échelon 6, atteint au bout de 10 ans de carrière, que leur pouvoir d’achat est très rapidement plombé par l’inflation, et que leur salaire évolue à l’allure d’un encéphalogramme quasiment plat pendant les 15 années suivantes.
Les hors classe constituent un vrai trompe-l’œil puisqu’elles ne valorisent pas du tout les enseignants les plus dynamiques ni les plus investis, étant donné que les syndicats privilégient les enseignants proches de la retraite afin qu’ils aient un meilleur indice en prévision de leur future pension de retraite. Il n’existe donc pas de processus de méritocratie ni de valorisation du dynamisme dans l’Education nationale, puisque l’on s’aperçoit qu’après une inspection, la note délivrée doit en fait « entrer dans la fourchette » déterminée par les services RH et DPE en fonction de l’échelon détenu par l’enseignant. Il devient donc de plus en plus difficile, avec un pareil système de nivellement, quel que soit le mérite de l’enseignant et son investissement dans son métier, qu’il puisse progresser plus rapidement que l’enseignant qui se sera contenté juste d’enseigner, sans projet, sans créativité, sans dynamisme.
Le système de progression salariale de l’Education nationale est devenu profondément inique au fil des ans, ralentissant le plus possible l’atteinte du 11e échelon afin de s’adapter à l’allongement de la durée de carrière.
Comment un enseignant diplômé d’un Bac+5, comparativement à un ingénieur avec le même niveau de diplôme, peut-il être tenté de rester 41.5 années dans un tel avancement de carrière ?
Actuellement, ce que l’on nomme « services RH » dans l’Education nationale se résume à l’établissement de tableaux de bords sous format Excel pour annoncer à chaque agent, quand c’est son tour, son passage d’échelon « au grand choix », « au choix », ou « à l’ancienneté. Il n’y a quasiment pas de surprise, et si peu de différences entre ces extrêmes…que c’en est démotivant financièrement, et précarisant à l’approche de la retraite, puisque, vers 55 ans l’enseignant atteint son 11e échelon, et, s’il n’atteint jamais la hors classe, y stagnera jusqu’à ses 62 à 65 ans.
Les idées d’Aide aux Profs, pour permettre aux enseignants de gagner plus, puisqu’ils ne pourront pas être augmentés avant au moins 2015 à tous les échelons et dans tous les corps, sont:
– d’accepter sans passer dans l’usine à gaz administrative des lettres de motivation d’un échelon hiérarchique à un autre, que les enseignants puissent cumuler plusieurs emplois publics jusqu’à pouvoir doubler leur rémunération principale, comme l’autorisent les textes ;
– d’accepter sur simple déclaration que les enseignants puissent créer leur auto-entreprise sous forme d’activité accessoire, donc 6h au plus par semaine en moyenne annuelle, tout en poursuivant leur enseignement à mi-temps ou temps partiel ou plein temps s’ils le souhaitent, comme l’autorise le décret n°2011-82 du 20 janvier 2011. On s’aperçoit dans les faits que certains rectorats réinterprètent à leur manière ce texte pour l’assimiler aux dispositions du décret n°2007-658 du 2 mai 2007 qui limite à 2 à 3 ans le cumul.
Avec en la personne d’Arnaud Montebourg, un Ministre du Redressement Productif qui espère un sursaut de l’économie française et un plus grand dynamisme entrepreneurial, on est en droit de s’étonner sur l’entreprise de découragement institutionnel auxquels se livrent depuis près de deux ans les IA, les DASEN, les DRH, quand il s’agit d’examiner les demandes de cumuls d’activité accessoire.
Aide aux Profs plaide pour ce magnifique moyen, pour l’enseignant, notamment après 45 ans, à un âge où sa mobilité externe devient très difficile, de créer une activité qui le fera sortir du cocon de l’Education nationale, sans chercher à quitter son métier, son expérience de la création d’entreprise lui permettant alors d’adopter un langage de terrain, plus authentique, avec ses élèves, quand il leur parlera de la « mobilité », de « l’entreprise », puisqu’il aura lui-même vécu ce type d’expérience. L’Education nationale est actuellement en train de passer à côté d’un formidable élan d’énergies positives, dont elle pourrait bénéficier en terme de remotivation d’enseignants, parmi ceux qui, temporairement, ne croient plus dans leur métier. Leur permettre de vivre à quart temps voire à mi-temps d’une auto-entreprise, aurait l’avantage qu’ils acquièrent des compétences sans dépenses de formation par l’Education nationale, qu’ils pourraient ensuite réinvestir dans leur métier.
L’Education nationale est-elle prêt à ce grand saut avant-gardiste, à vivre de son temps, en gérant ses ressources humaines autrement, en osant investir dans la capacité créative de ses enseignants ?
Franck Girard, professeur des écoles pendant 32 ans, et Président du syndicat Avenir Ecoles, a démissionné pour devenir psychanalyste en auto-entrepreneur
Quel a été ton parcours professionnel ?
Après avoir tenté deux fois mon Bac Littéraire en fin de scolarité, je l’ai décroché la 3e fois avec mention Bien grâce aux cours que j’ai alors suivis auprès du CNED, par correspondance. A l’époque, j’y ai trouvé une véritable écoute bien précieuse car mon adolescence avait été houleuse, beaucoup de pédagogie, et un véritable échange avec des professeurs correcteurs disponibles. En parallèle, j’ai suivi une année de BTS en immobilier, sans passer le concours d’entrée en 2e année, et le concours de l’Ecole Normale que j’ai alors réussi, pour devenir instituteur. A 21 ans, j’ai donc été affecté à Mende, pour trois années de formation rémunérée à l’Ecole Normale, ce qui était bien plus appréciable qu’actuellement, me permettant d’obtenir un Deug, puis de commencer à enseigner dans le 1er degré. Très vite, je me suis rendu compte que je n’étais pas encore capable d’être prof en direct, et en 1983 j’ai passé le concours de Contrôleur à l’Insee auquel j’ai été reçu, et ai été détaché, puisque j’étais déjà fonctionnaire. Au bout d’une année, déçu, j’ai préféré renoncer, pour revenir dans l’enseignement. J’ai alors été affecté en Lozère en 1984, et pendant 5 ans comme Directeur d’une école à classe unique. En 1989-90, après une mutation vers les Yvelines, je suis devenu Directeur d’école. J’ai muté ensuite en Seine-et-Marne.
Le 31 décembre 2012, après 32 ans d’ancienneté comme professeur des écoles, j’ai obtenu ma démission de l’Education nationale pour démarrer un projet professionnel qui me tient à cœur depuis longtemps : créer un cabinet libéral comme psychanalyste.
J’ai eu aussi durant mon parcours des activités syndicales, à partir du 17 mars 1986 quand les législatives ont placé Jacques Chirac comme 1er Ministre de cohabitation de François Mitterrand, en entrant au Syndicat national des instituteurs et des Professeurs d’enseignement général de collège (SNI-PEGC), devenu par la suite le Syndicat National des Instituteurs (SNI). Lors de la scission de la FEN en 1992, qui a engendré le SNUIPP proche du parti communiste et le Se-Unsa proche du parti socialiste, j’ai cessé mes activités syndicales jusqu’en 1999. Après, à la faveur d’une question que j’avais adressée à différents secrétaires généraux de syndicats (je proposais de rémunérer les enseignant(e)s des écoles de classes à cours multiples, et je demandais aux syndicats s’ils étaient prêts à le revendiquer), Avenir Ecoles m’a répondu, et j’y suis entré en 1999. En 2003 je deviens Secrétaire Départemental de la Seine-et-Marne, puis Secrétaire Général en 2006, et Président en 2009. J’y suis resté actif jusqu’au 8 janvier 2013, date de la fusion effective que nous avons souhaitée avec le SGEN-CFDT.
Quelles compétences as-tu acquises dans ton métier ?
J’ai surtout mis en œuvre des activités extra-scolaires, associatives notamment, que j’ai présidées. Par exemple pour trouver 30 000 sympathisants versant 10 francs pour monter une école de village. Ou pour monter des animations culturelles avec des animations d’ateliers d’écriture pendant 7 ans. J’ai aussi animé le championnat de France de la dictée de Pivot dans mon département.
A travers mes activités associatives, syndicales, j’ai développé des compétences relationnelles qui m’ont servi dans mes relations avec les parents d’élèves. Je les rencontrais en d’autres lieux, et ça leur donnait une autre image de l’Ecole. Comme directeur d’école, j’ai appris la comptabilité, à animer des réunions, à élaborer un budget de fonctionnement qu’il fallait négocier avec les élus. J’ai en fait appris mon métier de directeur d’école avec ces responsabilités associatives.
Justement, la fonction de directeur d’école pourrait-elle s’exercer à 100% ?
C’est l’une de nos revendications phares. Je ne sais pas si c’est le ministère de l’Education nationale qui refuse, mais j’identifie quand même un frein : un certain nombre de directeurs d’écoles ne verraient pas d’un bon œil de ne plus être en classe, d’être déconnectés du terrain. Pourtant l’Education nationale aurait tout à y gagner, ce serait source d’économies, avec la création de cités scolaires ou de groupement d’établissements, notamment écoles et collèges puisque l’on parle depuis trente ans de la liaison CM2-6e. On peut imaginer des groupements de 4 à 5 écoles aussi avec 30 classes, ce qui économise plusieurs postes de direction.
Quand est né ton projet de réaliser une seconde carrière ?
En 1999, après 20 ans de métier. D’abord, j’avais été prof en Lozère, et ça, c’est comme quand on part en Afrique, on s’en remet difficilement, surtout quand on enseigne ensuite en zone urbaine et qui plus est en région parisienne ! Le retour a été brutal avec des classes chargées (28 élèves au lieu de 12 en moyenne en classe unique en zone rurale du désert français !), et des parents d’élèves parfois agressifs. En Lozère les élèves avaient envie d’apprendre et les parents étaient respectueux, alors qu’en zone urbaine les taches des directeurs se sont complexifiées, c’est devenu délirant, sans intérêt, avec une agressivité croissante des parents qui ne manquent pas d’imagination pour reprocher tout ce qu’ils peuvent à l’école. Cela me choquait, et me fatiguait à la longue surtout quand en plus de ma fonction de directeur d’école j’enseignais dans des classes de plusieurs niveaux.
En 1997 j’ai repris des études en sciences de l’éducation, Licence puis Maîtrise, et j’ai eu des cours de psychanalyse, ce qui m’a conduit à en réaliser une de 1999 à 2006. A 10 ans je rêvais un jour de devenir psychiatre, et en Terminale, mes cours de philosophie ont été source de découverte, et je me suis dit alors « la psychanalyse, ce sera un jour pour moi ».
Administrativement, comment s’est déroulé ta demande de démission avec obtention d’IDV ?
J’ai d’abord pensé à prendre une disponibilité, car pour espérer vivre de son cabinet libéral, il faut bien 18 mois. Comme la politique de Nicolas Sarkozy était de supprimer des postes massivement, et de procéder sans le dire à la restructuration de la Fonction Publique, un véritable plan social, est apparu le dispositif de l’indemnité de départ volontaire (IDV), et je me suis dit que cette idée méritait d’être creusée. Comme j’étais syndicaliste, j’ai écrit à l’inspecteur d’académie pour présenter mon projet professionnel et courant 2011 j’ai fait ma demande selon les règles. L’Inspecteur d’académie voulait que je présente un projet professionnel précis, abouti. Ce qui est curieux, c’est que l’Education nationale se fout éperdument du déroulement de carrière des enseignants, qui se limite à celui du passage d’un échelon à un autre, et là, quand j’ai demandé à démissionner, l’IA m’a dit qu’il fallait absolument que je passe un « entretien professionnel » auprès de la DASEN. J’ai donc affiné mon projet pour présenter celui d’un cabinet libéral, en auto-entrepreneur. L’administration a eu 4 mois pour instruire mon dossier. En octobre 2011 j’ai eu l’entretien et en février 2012 m’a été proposée une IDV de 7 mois de salaire, soit 21 000 € bruts, desquels seraient défalqués ensuite les charges sociales, CSG, etc. Tout ça pour 32 ans d’ancienneté, alors que le décret évoquait pour un projet personnel 30 à 80% de 24 mois de salaire, et pour un projet de création/reprise d’entreprise de 50 à 100% de ces 24 mois de salaire. J’ai donc trouvé que l’IA avait eu là une interprétation toute personnelle et fort restrictive des textes pourtant officiels. Je m’en suis ouvert à Josette Théophile, DGRH, qui s’est chargée du dossier. Je lui ai fait valoir les incohérences de l’Education nationale, entre ses directives, et leur application effective sur le terrain. J’ai aussi adressé des courriers à Nicolas Sarkozy qui ont été transmis à Luc Chatel, pour les informer de ces contradictions entre leurs textes et leur application réelle.
En mai 2012, un courrier de la DASEN m’annonce que j’obtiens 18 mois de salaire mensuel, soit 54 000 €, et en janvier 2013, j’apprends que la somme me sera versée en une seule fois. Cela m’a permis de créer mon cabinet, en auto-entrepreneur, d’avoir rapidement un numéro de Siret, et surtout de me sentir enfin respecté et confiant pour l’année qui vient, le temps de constituer ma clientèle et de remplacer mon salaire de prof des écoles. Comme tout psychanalyste, je vais l’adapter aux revenus de mes clients, avec un tarif pour une séance de 45 mn variant entre 20 € et 80 €.
J’ai aimé enseigner, mais je ne regrette pas d’avoir démissionné. La psychanalyse me passionne, c’est une belle aventure que je commence, et je la poursuivrais au-delà de ma retraite, prévue vers 62 ans. Aujourd’hui, à 50 ans passés, je ne me suis jamais senti aussi jeune.
Sur quelques sites web qui ont attiré notre attention, car ils peuvent rendre de grands services aux enseignants actifs, et à ceux qui s’interrogent sur leur reconversion :
Les blogs d’enseignants qui ont changé de métier et s’expriment sur le web sont riches d’enseignements sur la manière de réaliser sa reconversion, et nous vous recommandons particulièrement :
Le moteur de recherche PEclic : http://peclic.com/
« PEclic est un moteur de recherche spécialisé pour les Professeurs de Ecoles, qui met toute la puissance de Google au service des enseignants de l’élémentaire. Son ambition est de faciliter la vie des profs des écoles et des instits qui cherchent des informations, des documents de travail, des idées de projets, des exercices (…) à proposer à leurs élèves ».
Le blog de Pascal le Mée, qui pour sa seconde carrière est devenu loueur de gîte urbain :
http://delazepauxetoiles.blogspot.fr/p/chronologie.html
Le blog de la Quadrature du cercle :
http://www.la-quadrature-du-cercle.com/blog/articles-cat-636008-626663-reconversion.html
Le blog d’Azeline :
http://azeline.fr/
Le blog de Pépina :
http://demissionen.canalblog.com/
Le blog d’Agnès Couturier :
http://soutien.perso.free.fr/img/temoignage.pdf
Le forum de « quitter l’enseignement » :
http://www.quitterlenseignement.org/
Sur le site du Café
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