Charlotte Auperin, enseignante en maths est arrivée au lycée Jules Fil avec dans sa besace le site « Wicky maths » créé avec son compagnon, enseignant en maths lui aussi mais dans un lycée de Castelnaudary. Avec Wiky, les élèves accèdent à toute une variété de contenus. Le cahier de textes renseigne les élèves, en particulier les absents sur les thèmes abordés lors des séances. Ils peuvent ensuite accéder aux cours et réaliser des exercices. Dès la lecture du bandeau «Mater les maths, yes we can », on devine que l’humour est un des ingrédients utilisés par les auteurs pour faire partager leur passion des maths. Leur approche ouverte de la discipline associe la musique, la philosophie et l’histoire. Le site est particulièrement prisé par les élèves de la filière S puisqu’il leur permet de réviser, de revoir des notions et de les compléter. Charlotte Aupérin apprécie la simplicité de son site construit à deux patiemment, petit à petit. Elle n’a pas encore pris la décision d’intégrer ou non son site dans l’ENT de l’établissement, craignant un surcroit de travail pour une liberté pédagogique moindre.
Serge Sangrane, enseignant en SVT, a choisi des options différentes. Il ne met pas ses cours en ligne, préférant inciter ses élèves à les recopier et il utilise l’Ent de l’établissement. On retrouve cependant cette même envie de donner aux élèves les moyens d’aller plus loin dans leurs apprentissages, de s’appuyer sur les outils numériques pour partager les intérêts de leur discipline. Les sorties sur le terrain donnent lieu à des comptes-rendus numériques réalisés et partagés par les élèves de Serge Sangrane. Les travaux des élèves sont mis en ligne sur le site du lycée. On peut ainsi avoir accès à un exposé sur la vigne et le vin.
Depuis l’ENT, ses élèves ont accès à la plateforme moodle qui lui permet de mettre en ligne des exercices et des activités. Les activités sont des exercices à réaliser avec une date buttoir. Si l’élève rend l’exercice avant, il bénéficie d’une première correction qui lui permet d’améliorer éventuellement son devoir. L’utilisation du numérique par Serge Sangrane vise aussi à offrir la possibilité pour l’élève d’aller plus loin grâce aux ressources proposées en ligne.
Christophe Dos Santos, enseignant en génie électrique, en particulier pour les terminales S Sciences de l’Ingénieur, utilise également l’ent et Moodle. Dans sa discipline, les manuels manquent à l’appel, aussi l’enseignant doit constituer ses documents de référence. Mettre en ligne ses cours formalise la tâche surtout lorsqu’ils sont complétés de travaux pratiques et de travaux dirigés. En ligne, tous ces éléments sont constamment à disposition des élèves, qu’ils aient été absents, aient égaré leur cours ou simplement souhaitent vérifier leur note. Christophe Dos Santos propose également des exercices interactifs avec des réponses commentées permettant à l’élève de comprendre ses éventuelles erreurs. Ce sont ces exercices qui lui demandent le plus de travail et il appelle de ses vœux l’enrichissement d’une base nationale qui permettrait de mutualiser et de se répartir la charge de travail.
Christophe utilise d’autres fonctionnalités de Moodle, comme les forums avec lesquels il peut traiter une question en direct en donnant rendez-vous à ses élèves. L’outil lui permet de garder un lien avec les élèves même en dehors des cours. L’arrivée du wifi dans l’établissement améliorera encore le système en permettant aux élèves qui ne peuvent se connecter chez eux de visiter la plateforme. Il suit également les statistiques de connexion pour mieux cerner d’éventuelles difficultés d’apprentissage. Une baisse des résultats est elle due à un manque de travail révélé par un nombre de connexion faible ou à une mauvaise compréhension du cours ? Une utilisation pertinente du suivi des connexions favorise un dialogue et un accompagnement de l’apprenant dans son apprentissage.
De même, des pages sont prévues sur la méthodologie de travail pour les PPE (projet pluri technique encadré). Le projet est complexe à conduire et doit respecter des étapes bien précises pour être mené à son terme. Des repères chronologiques permettent aux élèves de consulter le contenu des étapes et de vérifier qu’ils l’ont respecté.
Toutes ces fonctionnalités de la plateforme Moodle, Christophe Dos Santos les a découvertes à l’IUT de Toulouse où il enseigne également. Il préfère l’accès libre depuis le site du lycée à l’ent où l’on doit nécessairement se munir de ses codes pour consulter les cours. Il utilise peu les outils du web 2.0 dans sa sphère professionnelle. Selon lui, Facebook rend floue les frontières avec la sphère privée et twitter ne garantit pas une information simultanée avec tous les élèves, contrairement au SMS.
Virginie Bertoni, enseignante en économie gestion, a elle adopté Facebook pour communiquer avec ses classes. Professeur principal d’une classe de seconde, elle a choisi cet outil pour garder le contact avec des élèves qu’elle cotoyait trop peu pour mener à bien son rôle. Progressivement, elle a instauré ses groupes sur Facebook avec ses différentes classes. Ils s’avèrent particulièrement utiles pendant les périodes de stage pour garder le contact et répondre aux questions, prendre des nouvelles et résoudre d’éventuels problèmes surtout lorsque les stages se déroulent pendant les périodes de congés.. Ils s’imposent comme un outil de régulation du groupe voire de résolution de conflit. Facebook permet à chacun de s’exprimer auprès du groupe ou uniquement auprès du prof par le biais de la messagerie. Pour ne pas favoriser une immixtion dans sa vie privée, Virgine Bertoni s’impose des règles strictes sur les informations qu’elle distille sur son mur Facebook : très peu d’informations personnelles et aucune photo de sa famille. Elle a constaté une seule fois un dérapage : un élève a cherché à joindre des membres de sa famille de façon assez dérangeante. Elle a désinscrit l’élève comme elle s’en réserve le droit. Dans l’ensemble, elle constate une évolution de ses relations avec ses élèves comme si la communication informelle permise par Facebook l’avait fait sortir de sa posture « prof derrière le bureau », comme si, en adoptant un langage commun avec ses élèves, celui du web 2.0, elle favorisait un accès plus direct, moins sacralisé aux savoirs qu’elle dispense.
Laurent Imart enseigne le français et l’histoire-géographie dans les classes du lycée professionnel. Il développe un projet utilisant les nouvelles technologies pour chacune des ses classes en utilisant l’outil du web 2.0 adapté au projet. Depuis la rentrée, il utilise twitter pour communiquer avec ses élèves, donner des notes ou des informations pratiques par exemple. Les élèves adhèrent moyennement à la démarche mais elle favorise une expression littéraire dans des sections professionnelles et créé un espace de parole libre.
Pour les travaux de publication avec ses élèves, il utilise les blogs de blog 4ever intégrant une fonction forum que Laurent a assortie d’une charte d’utilisation. Les travaux sont dans un premier temps envoyés sur l’espace privé de l’enseignant qui les corrige, propose la correction aux élèves avant de les publier dans la partie publique. Pour Laurent Imart, les élèves doivent prendre conscience de la nécessité de produire un document de qualité et soigné pour une publication sur le net.
Pour les dossiers thématiques produits par les élèves, Laurent préfère les blogs du web pédagogique qui incluent la possibilité pour l’administrateur de modérer les pages des élèves. L’an dernier, un groupe de Terminale BEP Carrière sanitaire et sociale a ainsi participé au concours national de la résistance en produisant un blog comprenant des témoignages filmés, des images, des textes. Les élèves sont volontaires pour participer au concours, une catégorie de travaux qui encourage à l’écriture, à l’exploration des différents supports d’expression et pourquoi pas qui révèle de nouveaux choix d’orientation. Une élève a l’an dernier bifurqué vers une première L, effet du concours ou non, l’expérience a mis en lumière les passerelles possibles entre enseignement professionnel et enseignement général..
Magali Bossuyt est depuis peu documentaliste à Jules Fil. Elle a pris le relais de ses prédécesseurs dans l’utilisation des outils numériques mais en allant un peu plus loin avec l’intégration des réseaux sociaux en complément du site du CDI. L’idée est de favoriser la diffusion de l’information auprès des enseignants et de poursuivre débats et échanges initiés dans l’enceinte du CDI. Des cafés lecture sont organisés régulièrement. Le prochain aura lieu le 22 novembre sur le thème du roman policier. Sur le groupe Facebook, les élèves pourront échanger leurs impressions de lecture, conseiller des romans, donner leur avis sur ceux présentés, etc. Le groupe est conçu comme un espace d’échanges autour de la lecture. Avec le fil twitter, Magali Bossuyt informe ses abonnés à la fois sur les activités du CDI et sur les actualités culturelles et pédagogiques.
Catherine Lecubain a opté pour twitter afin de sensibiliser les élèves aux intérêts de sa discipline, la physique-chimie. Elle a créé trois twitters, un disciplinaire et deux pour des classes, une seconde et une terminale. Tous les élèves n’ayant pas Internet à la maison, elle a choisi d’initier les élèves et de leur faire crééer un compte lors d’une séance de cours. Premier obstacle à l’utilisation : la séance a été émaillée d’incidents techniques, seule une dizaine d’élèves a pu s’inscrire. Deuxième obstacle : les élèves ont du mal à s’approprier twitter, ne comprennent pas le système d’abonnement, de « suivre » et l’intérêt de l’outil par rapport à Facebook ou aux SMS. Catherine Lecubain avoue sa déception car twitter ne lui a pas permis à ce jour de réveiller une motivation par rapport à sa discipline absente singulièrement en seconde. Elle recherche l’élément déclencheur qui poussera ses élèves à s’abonner. Le fil twitter disciplinaire qu’elle a créé est apprécié de ses abonnés, souvent des personnels du lycée, car il donne à voir les réalisations pédagogiques, les thèmes traités. Dans un établissement où près de 180 enseignants interviennent, avoir accès à ce type d’informations permet de renforcer la connaissance de son propre lycée et de consolider les fondations de la communauté éducative.
D’autres projets numériques existent au sein du lycée Jules Un enseignant a par exemple utilisé Sketchup avec ses élèves pour modéliser le lycée en 3D. Les projets présentés sont un exemple des utilisations des outils du web 2.avec en filigrane un certain nombre d’interrogations. Comment harmoniser les pratiques et éviter la création de zones blanches en matière d’initiatives pédagogiques associant les Tice ? Comment motiver les élèves à les utiliser ? Comment prendre en compte les législations des droits d’auteur ou du droit à l’image ? Comment instaurer une limite entre sphère privée et sphère publique ? Comment gérer son image numérique en tant qu’enseignant et élèves ? L’émergence d’un lycée web 2.0 draine un certain nombre d’interrogations qui contraint l’établissement à une véritable prise de risques.
En prenant le parti de la communication et de la liberté pédagogique, le lycée Jules Fil a choisi de vivre dans son époque, risques numériques compris.