Cette année, le forum a choisi de donner à ses ateliers un objectif concret. Autour de la table 15 enseignants cogitent sur un thème précis et ont pour mission de faire émerger un projet qui sera mis en œuvre dans une classe et accompagné à la fois par le CNDP et par une communauté d’enseignants.
L’atelier 8, animé par Laurence Juin, avait pour thème « comment le numérique peut il favoriser l’individualisation de l’enseignement et l’évaluation des élèves ? ». L’assemblée est une mosaïque de profils, d’univers, de pratiques numériques. Alors forcément, le terme individualisation provoque débats et interrogations, renvoie à l’hétérogénéité du public enseignant. Comment construire un outil commun lorsqu’on est si différents ? Le thème prend pied dans la réalité du groupe. Car dans individualisation il y a individu, il y a aussi collectif. L’apprentissage social semble essentiel pour ne pas renvoyer l’apprenant à une triste solitude. Le premier principe est acquis : l’individualisation des enseignements doit renvoyer au groupe, au collectif.
Numérique est le deuxième mot qui se prête à la dissection collective. Dans l’atelier le niveau de pratiques est divergent. Certains explorent aisément les potentialités des réseaux sociaux, d’autres ne bénéficient que d’un équipement sommaire dans leur école. Le lexique du numérique est intégré ou parfaitement inconnu transformant les noms des applications utilisées fréquemment par les plus avertis en barrière de langage. Les échanges se font pédagogiques pour amenuiser ce qui pourrait séparer et rendre l’objectif de l’atelier totalement inaccessible. La question des usages des réseaux sociaux, par les élèves, les enseignants, les parents, en classe et hors de la classe est débattue en prenant soin de ne pas s’arrêter aux poncifs de rigueur : danger, inconséquence versus communautés et nouvelles frontières de l’apprentissage.
On apprend partout et, dans les propos échangés, le numérique s’impose comme un outil de liaison entre les temps et les lieux d’apprentissage, entre l’école et la maison, entre la vie privée et la vie publique. Le numérique peut aussi permettre de faire des choix entre des supports, des chemins d’apprentissage, de moduler les temps et les contenus. Il nécessite aussi de maitriser son identité numérique, de comprendre quels sont ses ressorts. Que doit on apprendre let que doit on enseigner en présence du numérique ? Qui enseigne, qui apprend ? La maitrise des outils des numériques peut placer les élèves en posture de formateurs pour l’enseignant amenant des changements dans la relation pédagogique. Et la formation des enseignants appellent des nouveautés pour prendre en compte les contextes locaux, d’introduire l’individualisation et l’accompagnement.
Mais, précise un participant, l’utilisation du numérique n’est pas obligatoirement synonyme d’innovation pédagogique. Il faut déterminer la plus-value pédagogique de l’usage pour en évaluer la pertinence. Une enseignante souligne que ce dont elle a besoin c’est aussi de pouvoir choisir un outil qui correspond à ses besoins et qu’elle aimerait pouvoir s’appuyer sur un catalogue explicatif ou sur l’appui d’experts.
Les mots «numérique », « individualisation » ont été pesés, triturés, retournés, partagés. L’évaluation n’a pas eu le plaisir d’être débattue faute de temps. Exploiter les traces pour diagnostiquer les difficultés des élèves et proposer des solutions a été suggéré et partagé par l’assemblée. Le temps avançait sur la montre et les participants de digressions en doutes, de consensus en évidences, montraient quelques signes d’épuisement. L’objectif d’ébaucher un projet s’éloignait à mesure que la complexité de la question n’en finissait plus d’ouvrir ses tiroirs.
Alors, en reprenant les points essentiels de l’échange, une piste s’est imposée. Pourquoi ne pas créer un outil de simulation, un jeu qui s’appellerait « la formation numérique dont vous êtes le héros ». Il s’adresserait à tous ceux qui souhaitent acquérir les bases de la maitrise de l’identité numérique. Il permettrait d’évaluer les compétences à acquérir, proposerait des ressources pour le faire et des références d’experts. Voilà, l’atelier 8 avait trouvé son projet, il restait maintenant à en définir les objectifs précis, les contenus, les supports, bref il restait beaucoup à faire pour mettre au point selon un participant « le kamasutra du numérique ». Mais en trois heures, beaucoup s’était dit et dans un sourire fatigué chacun repartait la tête pleine de ces échanges.
Monique Royer