Par François Jarraud
A deux semaines du premier tour de l’élection présidentielle, le candidat de l’UMP dévoile un programme sans surprise. Ses propositions éducatives correspondent au programme de l’UMP, repris dans les discours de N Sarkozy, par exemple à Montpellier le 28 février.
Sur 32 propositions, 3 concernent directement l’éducation.
La première c’est la généralisation de l’alternance en terminale de CAP et de bac pro. Une mesure présentée comme un remède à un chômage qui a énormément grossi sous le quinquennat mais qui est très décriée car elle soumettrait l’examen aux choix patronaux et compromettrait le niveau en enseignement général et l’accès à des études supérieures.
La seconde est plus problématique encore. « Ne plus accepter qu’uns eul enfant rentre au collège sans savoir lire, écrire et compter » devrait logiquement conduire au rétablissement d’un examen d’entrée en 6ème. Cette mesure a été portée dans l’UMP par JF Copé. Cet examen aggraverait les inégalités sociales dans l’Ecole comme le montrent les travaux de l’OCDE.
La dernière mesure concerne la « revalorisation Sarkozy » : effectuer 40% de temps supplémentaire pour percevoir en théorie 20% de salaire supplémentaire. La mesure est critiquée déjà sur le plan salarial : le professeur travaillerait nettement plus pour gagner nettement moins que les heures supplémentaires actuelles.
Le programme Sarkozy
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Notre dossier : Les programmes des candidats
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Sport scolaire : Sarkozy n’est pas fair play
Alors que le candidat de l’UMP promet de doublé l’expérience « cours le matin sport l’après-midi », le ministère réduit brutalement le financement de l’UNSS.
En déplacement le 12 avril dans le Val d’Oise, Nicolas Sarkozy a fait un certain nombre de propositions concernant le sport. Une concerne le sport scolaire. « Le programme « Cours le matin, sport l’après-midi » (lancé en 2010) concerne aujourd’hui 10 000 élèves et 200 établissements. Il sera doublé pour concerner au moins quatre établissements par département – deux collèges et deux lycée », a promis N. Sarkozy. Pour lui il s’agit « d’améliorer le bien-être des élèves et leurs résultats scolaires ». Evalué par la Depp fin 2011, le dispositif n’a pourtant pas fait ses preuves. Si les collégiens sont globalement satisfaits, » l’expérimentation n’a pas d’effet notable sur la ponctualité, les absences et les sanctions, et n’influe pas sur les capacités déclarées de concentration, d’attention, de mémorisation et d’effort ». Par contre, « elle semble développer la sociabilité, le respect des règles et l’autonomie ».
Mais on relèvera surtout la misère organisée du sport scolaire dans son ensemble. » Les subventions accordées à la fédération UNSS sont une nouvelle fois en net recul. Si en 2011, elle a dû absorber une baisse de 253.000 euros, pour le budget prévisionnel 2012, ce sont plus de 538.000 euros que la fédération UNSS devra trouver pour arriver à boucler son budget », note le Se-Unsa à la sortie du conseil d’administration de l’UNSS le 12 avril. » Dans le même temps, la DEGSCO a demandé par circulaire aux chefs d’établissements de prêter une attention particulière aux associations sportives à faible taux de licenciés et les incite à supprimer les forfaits UNSS des enseignants d’EPS (3h hebdomadaires dans leur service) pour récupérer ces heures en ces temps de disette budgétaire. »
Communiqué Se Unsa
http://www.se-unsa.org/spip.php?article4252
Etude Depp
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Sarkozy accusé d’entretenir les inégalités scolaires
L’Etat doit-il corriger les inégalités d’accès à l’éducation ou doit-il les entretenir ? Si l’on penche pour la première proposition, alors la publication par Le Monde d’un rapport provisoire de la Cour des Comptes porte une accusation grave sur l’action du gouvernement Sarkozy. Le rapport montre que les élèves bénéficient de moyens très inégaux selon les académies, les zones populaires étant désavantagées par rapport aux départements sociologiquement plus favorisés. Pire il donne à penser que les inégalités sont entretenues par le gouvernement.
Selon le rapport provisoire de la Cour des Comptes dévoilé par Le Monde, l’éducation nationale accorde plus de moyens aux académies favorisées qu’aux défavorisées. Ainsi l’Etat dépense 47% de plus pour former un élève à Paris qu’il ne le fait à Créteil ou Versailles. Cela commence dès le primaire où l’Etat dépense 3134 € par élève parisien contre 2861 € pour l’académie la moins bien dotée. De plus les inégalités ont croissant, affirme encore la Cour. Ainsi dans la répartition des postes, Créteil avec 4000 élèves supplémentaires a perdu à la rentrée 2011 426 postes quand Paris, avec 1000 élèves de plus gagnait 20 emplois. Au primaire, la possibilité de scolariser un enfant de moins de 3 ans à Créteil est 14 fois inférieure en Seine Saint-Denis qu’en France en général.
Délibérément, selon la Cour, l’Education nationale laisse les inégalités se creuser. » Au vu de ces chiffres et de leur évolution récente, aucun élément attestant d’une politique particulière en matière de réduction des inégalités n’apparaît donc de manière flagrante », écrit la Cour. « Alors même que les outils sont disponibles, le ministère ne se met pas en position d’analyser précisément les inégalités territoriales, leurs causes et leurs moyens de les limiter. »
Comment se creusent ces inégalités
Cette analyse officialise des signaux déjà envoyés par la Cour des Comptes en 2010 ou visibles dans les données officielles. L’analyse des suppressions de postes à la rentrée 2012 montre des inégalités dont le Café s’est fait l’écho. On peut, est-ce un hasard, opposer le traitement d’une académie populaire comme le Nord-Pas-de-Calais et celui des Hauts-de-Seine par exemple. En 2010, la Cour des Comptes avait publié un rapport demandant « un nouveau management » pour l’éducation nationale. Déjà la question du financement de l’éducation prioritaire était posée. A propos du milliard dépensé pour l’éducation prioritaire, le conseiller Jean Picq précisait que « ce chiffre n’est pas confirmé par la Cour ». Il expliquait déjà que l’essentiel du déséquilibre entre académies tient au fait que les enseignants des grades les plus élevés avec l’ancienneté la plus forte se trouvent dans les départements privilégiés et inversement les établissements zep accueillent des enseignants plus jeunes et moins gradés. Ces effets sont aggravés par les suppressions de postes où l’on part toujours de l’existant sans jamais remettre en questions les déséquilibres antérieurs.
Les explications de Luc Chatel
Accusant Le Monde d’être le « petit soldat de F Hollande », Luc Chatel a réagi vivement contre la publication du rapport. Pour lui l’écart entre Paris et les autres académies s’explique par la présence de nombreuses classes préparatoires à Paris. Et son ministère aurait déjà doté largement les zones prioritaires (selon lui 4 élèves de moins en collège ZEP que dans les autres établissements). Ces explications ne sont pas suffisantes pour justifier les écarts au primaire ou dans les suppressions de postes.
H. Zoughebi : « Un effet de la RGPP »
Interrogée par le Café, Henriette Zoughebi, vice-présidente de la région en charge des lycées, juge la situation décrite par le rapport « grave et violente ». Pour elle, elle corrobore ce qu’elle observe sur le terrain et le sentiment d’injustice exprimé par les lycéens lors de la consultation menée en 2011, y compris dans les beaux quartiers. « Il n’y a pas de vraie volonté de lutte contre les inégalités dans ce gouvernement et les inégalités se renforcent avec la RGPP au moment où la crise fragilise certaines familles. C’est la notion même de service public d’éducation qui est mise en cause ». Pour H Zoughebi c’est d’autant plus grave que la montée des inégalités tire le niveau vers le bas alors que les politiques de réduction des inégalités, comme le montre Pisa, tirent tout le monde vers le haut. La région Ile-de-France est consciente de ces évolutions et vient de se doter d’un Observatoire des inégalités et de la réussite scolaires. Elle a augmenté la dotation de solidarité versée aux lycées des quartiers défavorisés. Mais « c’est une goutte d’eau si la politique nationale va en sens inverse ». « J’accepterais volontiers des classes préparatoires dans les lycées de banlieue », propose H Zoughebi. « Mais ce n’est pas uniquement avec cela qu’on va lutter contre les inégalités. Il faut aussi ouvrir des classes de BTS dans les lycées périphériques. D’une façon générale il faut changer le regard sur les élèves de banlieue. Avoir conscience que ces élèves peuvent réussir et le méritent ».
Vincent Peillon, en charge de l’éducation dans l’équipe de F Hollande, s’engage sur un objectif d’égalité du droit à l’éducation. Pour cela il propose de bonifier les postes en éducation prioritaire en accordant des décharges horaires aux enseignants ou des avantages de carrière. « Il faut donner envie d’aller en zep ». Pour la sénatrice F Cartron, chargée de mission sur la carte scolaire, « la politique telle qu’elle est menée actuellement entérine des situations profondément injustes. Il est grand temps de remettre de la justice sociale au cœur de l’Ecole de la République !.. « Donner plus à ceux qui ont moins » doit redevenir le principe directeur d’une nouvelle politique éducative ». Au lendemain de la publication de ce rapport, au fronton des écoles et des établissements, la vieille devise républicaine fait grise mine.
L’article du Monde
http://www.lemonde.fr/ecole-primaire-et-secondaire/article/[…]
La Cour des comptes en 2010
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/05/13052[…]
Sarkozy prend le bac du numérique…
Le candidat UMP a proposé aujourd’hui un plan numérique en réponse au rapport remis par le Conseil national du numérique. Parmi les propositions un « bac numérique » censé repêcher les élèves en froid avec l’école.
Technophobe ou technophile ? Quel est le vrai visage de Nicolas Sarkozy ? Du discours de Montpellier le 28 février à ce plan numérique du 17 avril, le candidat UMP semble avoir découvert le numérique.
Dans son discours sur l’éducation, à Montpellier, les mentions d’Internet sont toujours négatives. » Tout a changé quand, pour tous les enfants, Internet a concurrencé le professeur dans l’accès au savoir », disait-il. « Avec Internet…l’enfant, qui a l’impression de pouvoir accéder directement à toute la connaissance du monde, ne voit plus spontanément pourquoi il devrait prendre la peine d’apprendre ». Internet était alors perçu comme un perturbateur de l’ordre scolaire, un empêcheur de transmettre en rond. Une opinion d’ailleurs entendue fréquemment chez ses conseillers.
Le plan numérique
Le nouveau plan numérique du président fait-il avancer la cause du numérique éducatif ? N Sarkozy reprend des propositions, au choix, du Conseil National du Numérique (CNN) ou du plan… Hollande. C’est le cas par exemple quand il propose une « plateforme nationale d’e-education » chargée d’éditer et de recenser les logiciels éducatifs ou encore quand il évoque « un grand plan de formation des professeurs au numérique ».
D’autres propositions marquent une certaine méconnaissance de l’existant. Ainsi il souhaite que chaque écolier valide le B2i, instauré en 2000. Il demande que » le collège et le lycée (soient) le lieu de la formation à la maîtrise du numérique », ce qui semble être le but du B2i collège obligatoire pour le brevet depuis 2008… Au lycée, où le B2i n’est pas non plus mentionné par N Sarkozy, il souhaite intégrer le numérique dans l’enseignement d’ECJS. Au collège il serait intégré dans celui d’arts plastiques. Les programmes officiels demandent eux une intégration dans toutes les disciplines et on sait que certaines (pas forcément celles désignées par le président) ont pris le virage numérique.
Un bac numérique
François Hollande, il y a une quinzaine de jours, avait lâché l’expression de « bac numérique » avant de redéfinir l’expression. Nicolas Sarkozy se l’approprie et la transforme à sa façon. Il souhaite « la création d’un baccalauréat numérique, dont la préparation se déroulerait dans des « académies du numérique » sous contrat avec l’Etat, mais très largement confiées à des professionnels ». La préparation de ce bac comprendrait « une partie d’enseignement général et un enseignement numérique ». Le contenu de ce baccalauréat serait construit « par une commission professionnelle des technologies du numérique, rassemblant tous les experts du secteur, ainsi que des représentants de l’éducation nationale. Le principe de la formation en alternance y serait systématique ». Comment ce bac, où l’on notera que les enseignements généraux restent traditionnels, se situerait par rapport au bac STI2D ? Cela reste dans le brouillard.
Pour tacler Hollande…
Le candidat semble plus à l’aise dans les chapitres de ce document consacrés au secteur du numérique que dans ceux dédiés à l’éducation. Si l’éducation au numérique est perçue dans ce texte comme une nécessité, le candidat semble moins soucieux de s’intéresser aux usages pédagogiques du numérique que de venir sur un terrain où F Hollande était jusque là seul.
Liens :
Discours de Montpellier
http://www.u-m-p.org/actualites/a-la-une/discours-de-nicolas[…]
Le plan numérique de N Sarkozy
http://www.lafranceforte.fr/sites/default/files/reponse_au_co[…]
Le plan Hollande
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/04/020420[…]
Le programme du CNN
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/20[…]
Sur le site du Café
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