Bien qu’elle soit rarement engagée contre un enseignant, il apparaît utile, afin de couper court aux rumeurs les plus alarmistes, d’étudier les principales actions pour faute pénale qui peuvent être engagées contre l’enseignant dans le cadre de ses fonctions.
Il y a faute pénale lorsque l’accomplissement ou l’omission d’un acte par un fonctionnaire constitue une infraction prévue par la loi pénale (crime, délit, contravention) et que son auteur peut être poursuivi devant les tribunaux répressifs (Tribunal de police ou correctionnel, Cour d’assises) sur le fondement du code pénal.
Il convient, tout d’abord, de se pencher sur les dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale :
Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l’article 40-1.
Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.
En application des dispositions cet article du code de procédure pénale, si, dans l’exercice de vos fonctions, vous avez la connaissance de situation d’enfant en danger, d’absentéisme scolaire répété ou de tout incident grave ou pénalement répréhensible commis dans un établissement scolaire, vous êtes tenu d’en aviser immédiatement votre Chef d’établissement ou l’Inspecteurs d’académie pour qu’ils saisissent le Procureur de la république.
Il n’entre donc pas dans vos compétences de professeur d’adresser directement au Procureur un signalement de crime ou d’un délit.
Vous noterez avec intérêt que la loi ne fait aucune distinction selon la nature du crime ou du délit, et qu’en outre, il est indifférent que le crime ou le délit porté à la connaissance de l’intéressé, qu’il ait eu lieu à l’intérieur ou à l’extérieur d’une administration publique ou qu’il ait été éventuellement commis par un fonctionnaire ou un agent, en service ou hors service.
Le code pénal fait également obligation à toute personne ayant connaissance d’un crime dont il est « encore possible de prévenir ou de limiter les effets » ou « dont les auteurs sont susceptibles d’en commettre de nouveaux » qui pourraient être empêchés, d’en informer les autorités judiciaires.
C’est pourquoi, il appartient à toute personne, et a fortiori à tout professeur, ayant eu connaissance de mauvais traitements ou de privations infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne particulièrement vulnérable, en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, d’en informer les autorités administratives et éventuellement judiciaires.
Enfin, la loi sanctionne quiconque qui pouvait empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime (par exemple, un viol), soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne, mais qui s’est abstenu volontairement de le faire.
Suite à l’affaire du Drac mais aussi à d’autres affaires semblables moins médiatisées, la loi n°2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, a actualisée et adoucie la notion de faute involontaire applicable entre autre aux professeurs de l’Education Nationale, faute qui concerne surtout les cas de blessures ou d’homicide par imprudence.
A) La faute involontaire
Elle est définie par l’article 121-3 du code pénal qui dispose qu’« Il y a également délit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer. »
Néanmoins, ces dispositions générale du code pénal sont en partie limitées par les dispositions de l’article 11 bis A de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant statut général de la fonction publique qui dispose que les fonctionnaires et agents publics ne peuvent être condamnés pénalement « que s’il est établi qu’ils n’ont pas accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi leur confie. »
Par conséquent, pour condamner un professeur qui a commis une faute involontaire, le Juge pénal devra établir que l’enseignant a exposé la victime à un risque particulièrement grave qu’il ne pouvait ignorer ou qu’il a violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.
En cas de condamnation, le Juge fera application des articles suivants du code pénal :
Article 221-6 : Le fait de causer dans les conditions et selon des distinctions prévues à l’article 121-3 par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.
Article 222-19 : Le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende.
Article 222-20 : Le fait de causer à autrui, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à trois mois, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
L’enseignant sera alors seul à supporter les condamnations (amendes ou emprisonnement avec ou sans sursis) prononcées contre lui. Toutefois les peines prévues par ces trois articles du code pénal sont des peines maximales qui ne sont que très rarement appliquées.
Cela étant, dans le cadre de la défense que vous aurez préparé avec votre avocat, vous pourrez tenter de dégager ou de minorer votre responsabilité civile ou pénale en tentant de mettre en cause celle de l’État ou des collectivités publiques locales.
Ainsi, vous pourrez utilement exposer au Juge le mauvais fonctionnement de l’établissement d’enseignement, la mauvaise organisation du service ou le mauvais agencement des locaux ou des matériels, l’absence de mise aux normes des machines ou matériels, etc.
Mais vous pourrez aussi utilement mettre en cause l’éventuelle responsabilité des personnels administratifs des établissements ou des collaborateurs occasionnels du service public, si une partie de la faute leur incombe.
Terminons en rappelant qu’il ne faut jamais toucher physiquement un élève mais que dans certaines circonstances cela est parfois nécessaire.
Il en sera ainsi lorsqu’un élève sujet à des crises de diabète ou d’épilepsie oublie de prendre ses remèdes… En cas de crise, vous ne pourrez pas rester inactif sous peine de vous voir condamner pour non-assistance à personne en péril, appelé plus communément non-assistance à personne en danger, en application de l’article 223-6 du code pénal :
Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende.
Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.
Si cette connaissance de données d’ordre médical propres aux élèves peut être de nature à permettre la prévention d’accidents, la mise en œuvre de mesures d’aide psychopédagogique voire l’élaboration d’avis d’orientation adaptés, ces données ne peuvent, en principe, pas être obtenues des infirmières ou des médecins qui sont tenus au secret professionnel.
Aussi, en l’absence de qualification d’ordre médical, de connaissance approfondie des pathologies des élèves, que vous soyez ou non en mesure d’établir un diagnostic médical ou que vous ayez ou non un brevet de secouriste, vous n’êtes pas qualifié pour pratiquer un acte médical, tel une injection d’insuline par exemple et ce, même en cas d’urgence.
C’est pourquoi, si un tel événement devait arriver dans votre classe, mettez immédiatement l’élève en sécurité (en position latérale de sécurité par exemple) et faites immédiatement prévenir, par deux de ses camarades, le Chef d’établissement ou son adjoint et l’infirmière. Si ces derniers tardent à intervenir, vous pourrez éventuellement avertir les secours extérieurs à l’aide de votre téléphone portable.
Ce seront les seules conditions d’exonération de votre responsabilité en cas de problème grave survenu dans votre classe.
B) La faute volontaire
C’est celle qui a été commise en parfaite connaissance du caractère délictuel ou criminel des faits.
Il en est ainsi de l’invitation à la consommation de stupéfiants ou d’alcool qui peut résulter de la seule évocation répétée de cette invitation.
Article 227-18 Le fait de provoquer directement un mineur à faire un usage illicite de stupéfiants est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.
Lorsqu’il s’agit d’un mineur de quinze ans ou que les faits sont commis dans les établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux, l’infraction définie par le présent article est punie de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
Article 227-19 Le fait de provoquer directement un mineur à la consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques est puni de deux ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Lorsqu’il s’agit d’un mineur de quinze ans ou que les faits sont commis dans des établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration, ainsi que lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux, l’infraction définie par le présent article est punie de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Bien sûr, il n’aura pas échappé à votre sagacité le renforcement substantiel des peines à l’intérieur ou aux abords des établissements. Et ce d’autant plus que la consommation d’alcool ou de substances hallucinogènes est un délit. D’où l’article suivant du code pénal.
Article 227-21 Le fait de provoquer directement un mineur à commettre un crime ou un délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
Lorsqu’il s’agit d’un mineur de quinze ans, que le mineur est provoqué à commettre habituellement des crimes ou des délits ou que les faits sont commis dans les établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux, l’infraction définie par le présent article est punie de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
Quant à la corruption des mineurs, elle est prévue par l’article suivant du code pénal.
Article 227-22 Le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d’un mineur est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Ces peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque le mineur est âgé de moins de quinze ans ou lorsque le mineur a été mis en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de communications électroniques ou que les faits sont commis dans les établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux.
Les mêmes peines sont notamment applicables au fait, commis par un majeur, d’organiser des réunions comportant des exhibitions ou des relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe.
Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 1 000 000 Euros d’amende lorsque les faits ont été commis en bande organisée.
Ce dernier article concerne, évidement, certains sites que l’on peut trouver sur Internet et dont il vous appartient de contrôler et de surveiller l’accès durant vos cours si ces derniers prévoient l’utilisation d’Internet.
Cela dit, Le Chef d’établissement aura en principe fait installer un logiciel filtrant l’accès à ces contenus.
Les articles suivants du code pénal concernent les atteintes sexuelles sur les mineurs :
Article 227-25 Le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende.
Article 227-26
L’infraction définie à l’article 227-25 est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende :
1° Lorsqu’elle est commise par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;
2° Lorsqu’elle est commise par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
3° Lorsqu’elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;
4° Lorsque le mineur a été mis en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de communication électronique ;
5° Lorsqu’elle est commise par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants.
Article 227-27 Les atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur âgé de plus de quinze ans et non émancipé par le mariage sont punies de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende :
1° Lorsqu’elles sont commises par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;
2° Lorsqu’elles sont commises par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.
Article 227-27-1 Dans le cas où les infractions prévues par les articles 227-22, 227-23 ou 227-25 à 227-27 sont commises à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l’article 113-8 ne sont pas applicables.
Si l’évocation de ces articles de loi peut, a priori, paraître désuète, voire inutile, à certains professeurs, elle s’explique en fait par le nombre non négligeable d’accusations d’abus sexuel contre les professeurs d’éducation physique.
Ces derniers doivent pourtant parfois toucher les élèves, ne serait-ce que pour parer un mouvement dangereux par exemple.
Dans de telles circonstances, le problème sera donc le suivant : quand y a-t-il intention érotique dans un touché d’élève par un professeur d’éducation physique et sportive sachant qu’il est difficile pour un non-spécialiste de distinguer le toucher accidentel du toucher intentionnel ?
Or, la réponse à cette question, déjà difficile pour un adulte, le sera tout particulièrement pour de jeunes adolescents dont le jugement est souvent subjectif, voire affectif.
C’est pourquoi, il sera indispensable, avant tout toucher sur un élève, de prendre la précaution d’expliquer, à l’avance, la manière dont on va parer ce mouvement dangereux et de ne surtout pas hésiter à faire pratiquer, sous son contrôle, ces parades par ses camarades de classe, si possible du même sexe.
Et ce d’autant plus, qu’un professeur ayant une relation d’autorité sur un(e) adolescent(e), il ne peut espérer invoquer les avances ou le comportement de séduction d’un mineur pour tenter d’échapper à sa responsabilité pénale en cas de mise en cause de son comportement.
Laurent Piau
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF
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