Par Justine Margherin
Avec le web 2.0 ce n’est pas seulement le métier qui évolue… la question que pose cet ouvrage au fond est celle-ci : que proposer comme services aux usages avec les nouvelles possibilités qu’offrent le web 2.0 et le web sémantique. Et question subsidiaire pour bien faire ses devoirs : comment amener, mener les équipes, vers ces nouveaux services pour les usagers ? C’est ce qui ressort de la lecture de cet ouvrage Créer des services innovants sous la direction de Marie-Christine Jacquinet aux presses de l’Enssib. Alors pourquoi se lancer dans cette démarche ? Par nécessité : « il n’est plus question de se battre sur les coûts, il ne reste plus qu’une solution : rendre les produits plus attractifs. […]. Partout l’offre est pléthorique. Il faut plus que jamais déployer des trésors d’imagination pour séduire ». (Patrick Barnu, p. 20-21)
Des stratégies qui reposent sur l’analyse
Sans grande surprise on trouvera dans cet ouvrage la nécessaire analyse des besoins et la nécessaire mise en œuvre d’une stratégie pour une meilleure connaissance des usagers de la bibliothèque. Si la bibliothèque reste éloignée du centre de documentation, elle reprend la finalité commune ainsi notée : « La pénétration massive d’Internet a mis en concurrence les services de bibliothèque jusque dans sa mission fondamentale d’accès à la culture et à la recherche informationnelle. D’autant plus que la facilité d’accès à l’information et aux produits culturels renforce chez l’usager un sentiment d’autonomie qui l’incite à se détourner des médiateurs traditionnels [ndlr : on n’oubliera pas de mettre dans cette catégorie les enseignants aussi !] dont font partie les bibliothèques. Avec l’émergence du Web social, l’internaute est utilisateur de services Web, producteurs d’informations et de métadonnées qu’il partage au sein de communautés d’intérêt. Les bibliothécaires doivent considérer et recentrer leur attention sur ces nouveaux usages numériques dans l’élaboration de leurs services en ligne. » (p.70).
Cependant à la différence –non sans importance- de la bibliothèque, on trouve dans les CDI du personnel souvent unique. L’ouvrage propose parfois de s’appuyer sur la diversité des compétences des équipes en bibliothèque. C’est une excellente idée effectivement que de regrouper son équipe et de lier compétences, appétence des uns et des autres et capacité à mettre en œuvre un nouveau service. Au CDI, on dira que si le professeur documentaliste se sent à l’aise avec l’outil, la technologie, le projet et qu’il a la chance de pouvoir travailler avec quelques personnes de l’établissement sur un projet qu’il aura ardemment défendu dans les lieux ad hoc, alors il pourra essayer de mettre en œuvre ce projet-ci.
Quels sont ces services ?
Un encadré permet de donner des éléments de définition pour bien guider sa lecture. Car l’ouvrage se décompose en plusieurs services innovants, tous illustrés et mis en application.
Créer un service innovant c’est (P. 14) :
– un processus empirique dont la démarche est enclenchée progressivement (les tâtonnements sont bénéfiques et conduisent souvent à laisser de côté tout préjugé ou a priori) ,
– une relation durable entre les professionnels et les publics (évaluation, écoute, enquêtes… ; le but est de faire évoluer le service en fonction de la satisfaction des utilisateurs),
– un levier de motivation des équipes.
… Et de montrer des services innovants à faire pâlir d’envie le lecteur qui restera certainement sur sa faim. C’est sans importance, la graine est semée dans l’esprit et permet de construire sur du long terme un projet plus innovant. Il faut penser notamment aux services nomades et à tout ce qui accroît la personnalisation des services. Deux voies s’offrent pour innover : développer une offre de service ou la repenser.
L’ouvrage ne présente pas que des révolutions majeures. Il a l’avantage de présenter des exemples qui peuvent se réaliser simplement et facilement… On est donc décomplexé, mais il faut construire cette démarche et pour l’auteure de cette introduction (directrice de l’ouvrage) cela passe par définir, structurer, observer, mobiliser.
L’exemple présenté par David Liziard de prêter des liseuses électroniques est d’un grand intérêt car il permet de se préparer à une évolution de pratique des usagers et donc d’anticiper les modifications professionnelles qui seront impactées à divers niveaux (gestion, coûts, droits, …). Scénographie des contenus documentaires, projet présenter par Véronique Mesguich est à lire et relire pour les professeurs documentalistes ! Elle se place dans le cœur de nos problématiques : lier l’ENT et les ressources pédagogiques… et plusieurs solutions ont été envisagées comme celle d’utiliser les réseaux sociaux de partage. En s’appuyant sur des outils qu’on connaît : les cms, les outils de gestion de flux, le bookmarking social, Netvibes… il repose notamment sur la compétence professionnelle du bibliothécaire de mettre en œuvre une veille pour des usagers dont les besoins sont identifiés.
La volonté d’utiliser un blog, une page Facebook comme support de l’innovation, n’est pas un discours étranger à notre rubrique du Café Pédagogique, mais l’exemple présenté par Jean-Christophe Brochard, permet de mieux construire son projet, de faire ses choix de communication avec ces outils.
Perturber, redéfinir, se décentrer…
Une professionnelle des musées en bibliothèque : à service innovant, personnel innovant ! Tel est l’intitulé du chapitre présenté par Laetitia Touchard. Ah… on rêve, on admire et on sait bien que ce n’est pas possible. Mais pourtant… Le contexte est tellement différent qu’il n’est pas transposable évidemment. Pourtant… pourtant… ça sème des idées dans la tête… Un projet bien construit, une collaboration nourrie des deux côtés, des professeurs d’arts plastiques qui construisent le projet avec l’histoire des arts… N’arrêtez pas tout. Prolongez l’idée, suivez votre intuition. C’est risqué. Ce sera évidemment beaucoup, beaucoup, beaucoup d’énergie. C’est un projet bien lourd ? Cherchez de quels appuis vous pouvez disposer. On ne sait jamais, une ressource inconnue qui se révèle partante ! Qui ne tente rien…
D’autres idées, concrétisées avec les démarches du projet présentées, sont mises en avant dans cet ouvrage. On n’en fera pas l’inventaire. Pas question non plus de dire que c’est transposable, que c’est facile, loin de là. Mais ce qui reste particulièrement intéressant c’est de lire toutes ces mises en projet. De montrer qu’on ne met pas en marche une idée sans prendre le temps d’analyser les appuis, les risques et les avantages… et que les transformations sont parfois bien plus faciles à programmer que ce qu’on imagine !
Jacquinet, Marie-Christine, sous la direction de. Créer des services innovants : stratégies et répertoire d’actions pour les bibliothèques. Enssib, 2011
Présentation de l’éditeur
http://www.enssib.fr[…]services-innovants-strategies-et-repertoire-d-actions-pour-les-bibliotheques