Par Lucie Gillet
Un projet de fichage des écoliers de maternelle mobilise syndicats et parents
Le ministère a présenté aux inspecteurs un dispositif de « repérage de élèves présentant des risques pour les apprentissages » destiné aux enseignants de grande section de maternelle. Il prévoit le dépistage de façon froidement bureaucratique des enfants « à risque » et leur traitement par l’enseignant avant une évaluation finale. Ce document, qui rappelle le rapport de l’Inserm de 2005 et le rapport Benisti, fait l’unanimité des syndicats qui appellent déjà à son boycott.
Ce sont en fait deux documents qui ont été réalisés par le ministère. Le premier présente les phases du repérage et du traitement de « l’aide à l’évaluation » des enfants. Dès cette année, en novembre et décembre les enseignants devraient faire passer des « épreuves étalonnées » identiques portant sur le comportement à l’école, le langage, la motricité et la conscience phonologique. Ces tests ont été réalisés par le laboratoire cognisciences de l’université de Grenoble. La seconde phase serait celle des « entraînements » où les élèves jugés « à risque » ou « à haut risque » seraient regroupés de façon homogène durant les heures d’aide personnalisée, de façon quotidienne, selon « une ritualisation forte ». La dernière phase serait celle des évaluations des acquis entre mai et juin. Elle porterait aussi bien sur la compréhension de consignes que sur la compréhension de texte lu, la connaissance des nombres ou le « devenir élève ».
Le second document est le guide destiné aux enseignants comportant l’outil de repérage appelé « Matris GS ». Inspiré d’un outil médical, le BSEDS 3, il transforme les enseignants en apprentis médecins en leur demandant de remplir des grilles d’observation du comportement de l’élève , de sa motricité et de sa conscience phonologique. ON aboutit ainsi à une fiche élève qui permet de statuer si l’élève est « à risque » ou « à haut risque ». La période « d’entraînement » où l’enseignant est sensé aider l’élève n’est pas documentée. Le document revient sur l’évaluation finale avec des fiches précises sur le langage, la compréhension et le devenir élève. On évalue par exemple si l’élève est « courtois », s’il ne monopolise pas la parole, s’il respecte l’intégrité des personnes ou des biens, s’il utilise « les formules habituelles de politesse ».
Ce document n’a qu’une apparence scientifique puisque le dépistage médical est proposé à des enseignants. C’est d’autant plus regrettable qu’il aboutit à une classification d’ enfants de 5 ans entre « à risque » et « à haut risque », avec toutes les conséquences sociales que l’on peut imaginer d’une telle qualification. C’est aggravé par le dispositif dit d’entraînement qui invite clairement à regrouper les enfants « à risque » de façon « rituelle » de façon quotidienne : on peut craindre une forte stigmatisation et des tentatives de formatage des enfants. Enfin l’importance accordée aux comportements, dont on sait bien à quel point ils peuvent varier, dans les observations, l’appel à des critères aussi flous que la courtoisie, montre que l’on s’éloigne du domaine scolaire.
Les syndicats montent au créneau. Le dispositif recueille une opposition assez universelle. Les parents de la Fcpe estiment qu’il s’agit « d’un dispositif de normalisation des enfants de 5 ans » et exigent « le retrait immédiat » de ce « projet honteux ». Le Sgen Cfdt le juge « absurde, contre productif et un peu effrayant ». « Le ministère s’apprêterait à enfermer tous les petits français de 5-6 ans dans des catégories dont tous les adultes de bon sens savent qu’elles ne peuvent avoir que des effets ravageurs sur la motivation et la capacité de grandir et d’apprendre ». Le Sgen demande l’abandon du projet. Le Snuipp demande aux enseignants de boycotter ce dispositif. Pour le syndicat, « la maternelle n’est pas une école de la compétition ». Le Se-Unsa évoque « une conception erronée des apprentissages » avec des épreuves « inadaptées ». « Ce programme nie les compétences des enseignants de maternelle qui savent reconnaître les élèves rencontrant des difficultés en les évaluant dans des activités signifiantes au moment opportun ». Le Se-Unsa appelle à signer une pétition contre ce projet.
Venant après l’ épisode des rapports Inserm et Bénisti, il est surprenant que l’éducation nationale se soit lancée dans un projet aussi peu raisonnable. Pour le moment le ministère ne fait pas de commentaires sur cette affaire. Un comportement à classer « à risque » ?
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoints/evaluationgs.pdf
L’avis de la fcpe
http://www.fcpe.asso.fr/index.php/actualites/i
http://www.snuipp.fr/Fiches-et-selectionnes-a-5-ans-C
http://www.se-unsa.org/spip.php?article3896
http://pasdetrienmaternelle.fr/
Menteurs, voleurs, sécheurs (2005)
http://cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages[…]
Repérage en maternelle : Le ministère s’explique
« Il n’y a aucune contrainte ». Interrogé par le Café le 13 octobre, René Macron, chef du bureau des écoles au ministère éclaire pour nous les conditions de publication et le contenu de la fameuse évaluation exigée en grande section de maternelle. On l’a mal compris : le ministère n’ envisage pas de rendre ses outils obligatoires, encore moins de ficher les élèves. Mais il est certain de proposer la seule bonne méthode… Pour les adversaires de ce projet il s’agit d’un « premier recul ». Ainsi, pour le SE-Unsa, les critiques vis-à-vis du dispositif restent valables… L’imposition d’une véritable « pression scolaire » dès 5 ans est insupportable ».
Quelles sont les finalités de ce dispositif ?
Il s’agit de prévenir les difficultés d’apprentissage de la lecture chez ces enfants d’école maternelle. Nous savons aujourd’hui que les élèves qui risquent d’avoir des difficultés d’apprentissage de la lecture sont les mêmes que ceux qui au début de la grande section ont des difficultés à apprendre et à maitriser la conscience phonologique. D’où l’idée, née de plusieurs études, que pour prévenir des difficultés il y a intérêt à apporter des aides grâce à une pédagogie particulière à des enfants de grande section qui ont du mal à maitriser la conscience phonologique. On propose de fournir aux enseignants deux outils : un outil de repérage et un outil d’aide à la conception de modules pédagogiques adaptés pour aider ces élèves.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/20[…]
Évaluation en maternelle : Chatel confirme le caractère facultatif de l’évaluation
« On n’a jamais eu l’intention de publier une instruction contraignante obligeant les enseignants à faire passer ces tests d’évaluation ou, pire encore, à alimenter un fichier des élèves. Sur la forme, il est vrai qu’il y a des mots comme « à risque », ou « entraînement » qui ne passent pas en français », nous confiait René Macron, chef du bureau des écoles au ministère le 13 octobre. Une semaine plus tard, Luc Chatel vient confirmer ces propos dans un entretien accordé au Monde. Le ministre confirme l’abandon des formules « a risque » et le caractère non obligatoire de ce qui est présenté comme « un test » et non une évaluation. Le Se-Unsa, qui avait lancé une pétition regroupant environ 15 000 signatures revendique « une victoire ».
Dans Le Monde
http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/10/19/luc-chat[…]
L’entretien du 13 octobre
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/10/[…]
Évaluation en maternelle : Une mesure « à risque » ?
Apparu en 2005 suite à la publication d’un rapport de l’Inserm, le collectif « Pas de 0 de conduite pour les enfants de moins de 3 ans » reprend vie suite à la publication du projet d’évaluation en maternelle. Il dénonce « le retour du carnet de comportement préconisé en 2005 par N Sarkozy ». » Sélectionner des enfants « à risque » comportemental reprend le projet de dépistage précoce des enfants agités, avec une démarche de prédiction inhérente à cette notion de risque », ajoute le collectif. « Un tel projet d’évaluation chez les enfants de grande section, s’il se mettait en place, ferait planer un climat de suspicion sur l’école maternelle vécue comme une école qui trie et désigne les enfants avant même qu’ils ne soient devenus des élèves assujettis à l’obligation scolaire ».
Une position rejointe par l’association francophone de psychologie et psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent qui juge le projet « méthodologiquement insuffisant, scientifiquement douteux, pédagogiquement inutile et humainement dangereux ». Elle dénonce le caractère « manichéen » du tri effectué. « Le risque d’erreur est important et ne peut conduire qu’à des stigmatisations ».
La Fnaren , qui réunit des enseignants des Rased, souligne la différence entre dépistage et prévention. « Le dépistage précoce stigmatise les enfants » assure-t-elle. « Or le respect des règles, le contrôle de ses émotions , la socialisation ne sont pas innées ». La Fanren annonce l’organisation le 5 novembre du Forum des rased avec la participation de l’Ageem, la Fname, l’Afpen et l’Ancp.
Mis là encore en première ligne, les inspecteurs du Snpi Fsu demandent « d’attirer l’attention des enseignants sur les problèmes éthiques » soulevés par le texte ministériel. Pour eux « le risque de glissement vers un diagnostic médical sont importants et il importe que ces diagnostics restent strictement exclus de fonction enseignante ».
Communiqué Pas de 0 de conduite
http://www.pasde0deconduite.org/
Communiqué Snpi fsu
http://www.snpi-fsu.org/spip.php?article123
La scolarité obligatoire à 3 ans examinée par le nouveau Sénat
La proposition de loi déposée par la sénatrice socialiste Françoise Cartron fixant la scolarité obligatoire à partir de 3 ans sera examiné epar le Sénat le 3 novembre. Elle établit que » l’école maternelle joue un rôle primordial dans la réduction des inégalités sociales dès lors qu’elle accueille les enfants dès le plus jeune âge, particulièrement dans les territoires ruraux ou urbains sensibles » et que » la scolarisation précoce a un impact déterminant sur l’ensemble du parcours de l’élève et constitue un moyen « préventif » de lutte contre l’échec scolaire ». Déposée le 15 avril dernier, la proposition de loi avait peu de chances d’aboutir compte tenu d ela composition du Sénat à cette époque. Elle sera examinée par une assemblée qui , depuis, a basculé à gauche. Elle pourrait être adoptée par le Sénat. Resterait alors à affronter l’Assemblée nationale.
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-447.html
Pendant ce temps, au Québec : Les compétences acquises en maternelle prédisent la réussite scolaire
Une nouvelle enquête réalisée pour le gouvernement québécois montre l’importance des compétences acquises en maternelle en numératie et en motricité pour la réussite scolaire. » Les données révèlent que les compétences de base en mathématiques, la capacité d’attention et les habiletés de motricité fine à la maternelle permettent de prédire non seulement le rendement scolaire ultérieur des enfants, mais aussi leur niveau d’engagement en classe, soit des comportements tels que la centration sur la tâche, la persévérance et l’autonomie », déclare le ministère québécois de l’éducation.
Ces travaux confirment d’autres études comme celle de B.Suchaut en 2008. Il avait identifié des compétences précises acquises en maternelle et qui décident de l’avenir scolaire. » Les compétences dans l’acquisition de la langue écrite, dans la structuration du temps et dans la construction du nombre à la fin de l’école maternelle déterminent les capacités attentionnelles des élèves à l’entrée au cycle III. Par ailleurs, ces capacités attentionnelles sont liées aux compétences en calcul mental qui elles-mêmes vont déterminer les futures acquisitions des élèves en numération et calcul à l’entrée au collège et, de façon indirecte, les compétences en compréhension. Ce dernier domaine étant central pour expliquer la réussite ou l’échec des élèves à l’entrée au collège ». Ces travaux rendent d’autant plus regrettable le désengagement progressif de l’Etat de la maternelle.
Étude québécoise
http://www.jesuisjeserai.stat.gouv.qc.ca/pdf/publications/f[…]
Étude de B Suchaut
http://cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/Pages/2008/[…]
Repéré sur la toile
On ne saurait commenter chaque nouveau blog qui naît sur la toile, mais parmi la profusion, en voici un qui a retenu récemment notre attention…
le blog de Reinette pour les TPS-PS
http://reinette44.over-blog.com/
Sur le site du Café
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