Par François Jarraud
C’est le petit livre rouge des parents. Dans son ouvrage « Les droits de l’élève », l’avocate Valérie Piau explique quels sont les droits des enfants et des parents par rapport à la surveillance, aux sanctions, aux notes, aux décisions d’orientation, etc., bref, de tout ce qui fait la vie de classe. Elle ne se borne pas à expliquer mais fournit aussi des munitions : en l’occurrence des lettres types à envoyer au chef d’établissement, au directeur ou à l’inspecteur d’académie. Tout un arsenal imparable qui ne manquera pas d’avoir des effets dans les classes…
« Nous sollicitons par la présente l’annulation pure et simple du zéro que le professeur M ou Mme…. (nom du professeur) a mis (à notre enfant) de façon totalement illégale parce qu’il était absent lors du devoir sur table ». Cette lettre là votre chef d’établissement pourrait bien la recevoir dès cette année. Ou alors une autre demandant de revenir sur une décision d’orientation. Ou une lettre au recteur pour lui demander de trouver rapidement une affectation convenable à un enfant ou un remplaçant pour faire cours. Avocate spécialisée dans le droit de l’éducation, V Piau a regroupé dans cet ouvrage les cas les plus fréquents et les documents qu’elle donne aux parents et les mises en demeure qu’elle envoie en leur nom…
En effet l’ouvrage indique aux parents ce qu’il faut faire quand les cours ne sont plus assurés. Mais aussi comment faire respecter le principe de gratuité par exemple lors des sorties. Comment définir les responsabilités en cas de défaut de surveillance ? Comment lutter contre le « scandale des sanitaires » ? Quels recours sont possibles contre une décision de conseil de classe ? Quelles punitions sont autorisées ? Comment éviter une exclusion lors d’un conseil de discipline ? Très pratique, l’ouvrage consacre la moitié de ses pages à des lettres types immédiatement recyclables dans l’établissement ou l’école de ses enfants.
Valérie Piau se garde pourtant bien de régler ses comptes avec l’éducation nationale. Certes l’ouvrage est destiné en premier lieu aux parents, nous a-t-elle expliqué. « Mais il est tout autant utile aux enseignants car la connaissance de la loi profite à tous. Un exemple typique c’est l’enfant qu’on exclut de sa classe et qui va dans le couloir. S’il n’y a pas de surveillant c’est la responsabilité de l’enseignant qui est engagée ». V Piau trouve une autre justification à son livre : lutter contre le sentiment d’ injustice que peuvent ressentir les élèves quand les décisions apparaissent arbitraires et la violence qu’il peut susciter.
C’est que l’Ecole reste une vraie machine à sanctions. V PIau rappelle quelques chiffres. 66% des collégiens ont été punis. Dans 39% des cas ils ont eu des colles et dans 29% des lignes à copier, une punition interdite depuis une décennie… Les trois quarts des collégiens pensent pourtant que les enseignants les plus autoritaires sont ceux qui punissent rarement…
Vers une judiciarisation de la vie scolaire ? V Piau s’en défend. « Je n’ai presque jamais assigné. Les parents ne cherchent pas à nourrir des contentieux. Ils veulent trouver des solutions à leurs problèmes ». Pourtant les affaires ne manquent pas. C’est la demande croissante qui l’a amenée à s’intéresser à ce secteur du droit très mal connu.
Un vrai défi pour le système éducatif. Pendant très longtemps l’Ecole, comme institution, disait son droit. L’élève était considéré comme un être destiné à être affranchi par l’Ecole mais sans droits tant qu’il n’aurait pas atteint le but de son éducation. Si personne n’ignore que cette représentation s’est évanouie, la connaissance du droit et surtout des ses principes fondateurs n’est pas encore entrée dans l’Ecole. Les exemples abondent. Un exemple récent me vient à l’esprit : un enseignant amené à porter plainte contre son chef d’établissement qui l’a accusé publiquement de vol suite à la confiscation d’un téléphone portable. L’accusation était grave mais l’enseignant lui-même a obéi à une instruction illégale même si elle est inscrite au règlement intérieur.
Un livre utile. Contrairement à ce que semble penser V Piau, ce ne sont pas les circulaires qui sont capables de changer cette situation. L’impact des très récentes circulaires, par exemple, sera loin d’ être immédiat. La base du droit reste un contrat et ce sont les résistances des acteurs du contrat qui le font évoluer. Il a fallu mai 68 pour que les pratiques changent dans les établissements. A une autre échelle, le livre de V Piau, par les problèmes qu’il va générer, parce qu’ il est pratique, peut faire évoluer la vie dans les établissements. Certes il va peut-être amener la machine scolaire à justifier davantage ses décisions. Mais il sera aussi utilisé par les parents pour obtenir le remplacement des enseignants ou des toilettes décentes. A l’Ecole comme ailleurs c’est la loi qui affranchit.
Valérie Piau, Les droits de l’élève, à l’école, au collège, au lycée, François Bourin éditeur, Paris 2011, 216p.
Le sommaire
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