En prévision des CAP qui se dérouleront en mars pour les mutations inter-académiques et des vœux que vous serez pour certains amenés à faire aux mois de mars et avril pour les mutations intra-académiques, soit par désir personnel, soit à la suite de la suppression de votre poste, nous allons, ce mois ci, étudier le cadre juridique de la mutation dans l’Education Nationale.
I) Le cadre juridique
La demande de mutation est volontaire lorsque c’est le fonctionnaire qui la demande, obligatoire lors de la titularisation, d’une mesure de carte scolaire (suppression de poste) ou d’une réintégration, et forcée (sans vœux du fonctionnaire) lorsqu’il s’agit d’un déplacement d’office qu’il soit ou non dû à une mesure disciplinaire.
Attention : si vous êtes titulaire de votre grade, vous ne l’êtes pas de votre poste. Par conséquent, ce dernier peut parfaitement être supprimé et vous muté dans un autre établissement.
En cas de suppression de poste par mesure de carte scolaire, la règle veut que les professeurs soient informés puis consultés afin de rechercher si l’un d’entre eux est volontaire pour une mutation. Si aucun ne l’est, c’est en général le poste du dernier collègue nommé dans l’établissement qui est supprimé.
L’affectation qui suit s’effectue selon des règles départementales pour les professeurs des écoles, et académiques pour les autres professeurs sachant que, en principe, elle sera prononcée sur le poste vacant le plus proche.
La mutation est régie par les dispositions des articles 60 à 63 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 :
Article 60 (Modifié par loi n°2009-972 du 3 août 2009 – art. 7)L’autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires.
Dans les administrations ou services où sont dressés des tableaux périodiques de mutations, l’avis des commissions est donné au moment de l’établissement de ces tableaux.
Toutefois, lorsqu’il n’existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l’intéressé sont soumises à l’avis des commissions.
Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelle du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité lorsqu’ils produisent la preuve qu’ils se soumettent à l’obligation d’imposition commune prévue par le code général des impôts, aux fonctionnaires handicapés relevant de l’une des catégories mentionnées aux 1°,2°,3°,4°,9°,10° et 11° de l’article L. 323-3 du code du travail et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Priorité est également donnée aux fonctionnaires placés en situation de réorientation professionnelle pour les emplois correspondant à leur projet personnalisé d’évolution professionnelle.
Dans le cas où il s’agit de remplir une vacance d’emploi compromettant le fonctionnement du service et à laquelle il n’est pas possible de pourvoir par un autre moyen, même provisoirement, la mutation peut être prononcée sous réserve d’examen ultérieur par la commission compétente.
Ainsi donc, les priorités de mutation, qui sont au nombre de trois, sont accordées dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service.
Ces priorités de mutation sont :
· Le rapprochement des fonctionnaires séparés de leur conjoint(e) ou de leur partenaire pour des raisons professionnelles. Cette priorité vous sera accordée si votre conjoint(e) réside dans un autre département ou une autre académie. Vous devrez fournir un certificat de travail de son employeur attestant soit d’une durée d’emploi passée au minimum de plusieurs mois, soit d’une durée future indéterminée ou de longue durée. Il lui faudra donc justifier soit d’un long C.D.D., ou équivalent, soit d’un C.D.I., un emploi saisonnier ne suffisant pas au rapprochement de conjoint. Si votre conjoint(e) est inscrit au chômage dans une autre région, il vous faudra démontrer qu’aucun emploi correspondant à ses compétences n’est disponible dans la région de votre affectation mais que des opportunités réelles d’embauche existent dans la région ou il(elle) s’est installé(e) (exemples : aérospatiale, raffinerie pétrolière, port, etc.…).
· Le handicap reconnu par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Il s’agit là des handicaps attestés par un taux d’invalidité égal ou supérieur à 80% et non des priorités médicales qui n’ont aucune existence légale puisque accordées par le médecin conseil du rectorat et non par la commission précitée. La satisfaction des demandes de mutation des travailleurs handicapés doit rechercher l’amélioration des conditions de travail afin de favoriser l’intégration professionnelle ou/et le maintien en activité de ces personnels. De même, cette affectation doit en principe, faire l’objet d’un suivi particulier. La proximité de l’établissement et du domicile familiale, l’accessibilité des locaux, le type d’établissement, les possibilités d’organisation du service, le nombre de lieux d’exercice et leur éloignement, etc. sont autant d’éléments à prendre en compte dans l’attribution de ces affectations. Enfin, les aménagements de poste, qui visent à rendre possible ou à faciliter l’exercice des fonctions dans les conditions habituelles de travail doivent aussi concerner le service de l’enseignant (emploi du temps, nombre de classes, niveau de classe, etc.)
· L’exercice pendant quelques années dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. C’est le décret n°95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l’avantage spécifique d’ancienneté accordés à certains agents de l’Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles qui reprend les dispositions de cette priorité fixée par l’article 60 sus mentionné : Article 3 (modifié par les décrets nos 95-724 du 9 mai 1995 et 2001-48 du 16 janvier 2001) Le droit de mutation prioritaire prévu au quatrième alinéa de l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée en faveur des fonctionnaires de l’Etat affectés dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles est ouvert :
1o Aux fonctionnaires de police qui justifient de sept ans au moins de services continus accomplis dans un quartier urbain déterminé en application du 1o de l’article premier du présent décret ;
2o Aux autres fonctionnaires civils de l’Etat qui justifient de cinq ans au moins de services continus accomplis dans un quartier urbain déterminé, selon le cas, en application des 2o et 3o de l’article premier du présent décret.
Les années de services ouvrant droit à la priorité de mutation mentionnée à l’alinéa précédent sont prises en compte, pour les fonctionnaires visés aux 1o et 2o de l’article 1er, à compter du 1er janvier 2000.
Cela dit, la priorité dont bénéficient les fonctionnaires mentionnés dans ce décret n’est pas toujours évidente dans les faits. Soyez donc attentif.
Comme vous pouvez le constater, les autres situations, telle que le nombre d’enfant, les priorités sociales ou médicales, les mesures de carte scolaire n’ont aucune base légale. De ce fait, il n’est pas difficile d’en déduire que nombre de circulaires ministérielles et académiques ont été, ou sont, peut être, encore, dans l’illégalité.
C’est d’ailleurs pour cette raison que la note de service du 21 octobre 2004 du Ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche relative aux règles et procédures du mouvement national à gestion déconcentrée des personnels enseignants du second degré et des personnels d’éducation et d’orientation pour la rentrée scolaire de septembre 2005 a été annulée par le Juge administratif, en l’occurrence le Conseil d’État, qui a considéré » qu’en fixant des règles assorties d’un barème à appliquer pour le classement des demandes de mutation et en établissant à cette fin des priorités non prévues par l’Article 60 de la loi du 11 janvier 1984, la note de service attaquée ajoute illégalement aux dispositions de cet Article ; qu’en outre, s’agissant des pouvoirs des recteurs en matière d’affectation à caractère prioritaire justifiant une valorisation, elle comporte des dispositions à caractère statutaire relevant du décret en Conseil d’État ; que cette note de service est ainsi entachée d’illégalité ; qu’elle doit, pour ce motif, être annulée ».
Sachez aussi que le barème de mutation n’a aucune existence légale puisqu’il n’est prévu par aucune loi ni aucun règlement mais par une note de service.
Il n’est donc qu’un simple outil de gestion.
C’est pourquoi, aucune contestation des éléments du barème ne pourra être invoquée à l’appui d’une demande d’annulation de mutation au Juge administratif. La jurisprudence est d’ailleurs abondante sur ce point ce que l’Administration ne manquera pas de vous opposer…mais seulement au stade du recours contentieux, parce qu’avant, vous serez prié de croire aux vertus du barème !
Attention : Même si votre affectation ne vous convient pas, vous devez rejoindre votre poste au plus tard le jour de la rentrée des professeurs pour signer votre Procès Verbal d’installation. Dans le cas contraire, vous serez considéré en abandon de poste et radié des cadres de la fonction publique après mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception si vous ne pouvez justifier de votre absence pour un motif recevable par l’Administration.
Venons en maintenant à l’Article 61 : Les autorités compétentes sont tenues de faire connaître au personnel, dès qu’elles ont lieu, les vacances de tous emplois, sans préjudice des obligations spéciales imposées en matière de publicité par la législation sur les emplois réservés.
Cet article de loi pourrait laisser espérer aux professeurs qui constatent chaque année une différence entre les postes vacants au mouvement inter académique et ceux qui le sont au mouvement intra académique.
Malheureusement, le Conseil d’Etat a posé dans un arrêt en date du 25 novembre 1994 (n°134216, Mme Poulain) le principe selon lequel la publication n’est pas un principe général et que les statuts particuliers peuvent déroger à la loi.
Il apparaît donc que la contestation d’un refus de mutation inter-académique sur ce motif est d’avance vouée à l’échec.
Quant à l’Article 62 (Modifié par loi n°2009-972 du 3 août 2009 – art. 2), il dispose des modalités de détachement applicables aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles : Si les possibilités de mutation sont insuffisantes dans leurs corps, les fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, les fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité et les fonctionnaires handicapés relevant de l’une des catégories visées aux 1°,2°,3°,4°,9°,10° et 11° de l’article L. 323-3 du code du travail peuvent, dans toute la mesure compatible avec les nécessités de fonctionnement du service, compte tenu de leur situation particulière, bénéficier, en priorité, du détachement défini à l’article 45 et de l’intégration directe définie à l’article 63 bis du présent titre et, le cas échéant, de la mise à disposition définie à l’article 41 de ce même titre.
En période de suppression massive de poste, les dispositions de cet article de loi ne sont pas à négliger ; je vous renvois donc à la rubrique juridique du numéro 115 qui traite des dispositions spécifique au détachement.
Le cas particulier de la mutation d’office dans l’intérêt du service
C’est la mutation qui intervient généralement dans les cas de relations conflictuelles graves dans un établissement, de comportement portant atteinte à l’image du service, de conflit entre les intérêts privés du fonctionnaire et l’intérêt public, de réorganisation du service d’enseignement.
Elle doit être prononcée par le Chef de service dans le seul intérêt du service. Une mutation qui a pour seul but de sanctionner implicitement un fonctionnaire, d’éloigner un représentant syndical, de libérer un poste pour y affecter un agent désigné d’avance, etc. est, de fait, entachée d’excès de pouvoir et annulable.
Cette procédure de changement d’affectation, qui implique la consultation de la commission paritaire compétente et la consultation par le fonctionnaire de son dossier administratif, ne relève pas de la procédure disciplinaire puisqu’elle ne fait pas suite à une faute commise par l’agent. De ce fait, elle ne doit pas porter une atteinte disproportionnée à ses droits fondamentaux au sens de la Convention européenne des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales et de la Charte des droits fondamentaux.
II) Les procédures de mutations en métropole
1) Pour les professeurs des écoles
a) Les mutations inter-départementales
Le principe est de répartir les enseignants le plus harmonieusement possible sur le territoire. C’est pourquoi, les mutations ou permutations de professeurs des écoles entre départements ne sont possibles que lorsque les possibilités de sortie du département d’origine sont en adéquation avec celles de l’entrée du département sollicité.
De ce fait, il vous sera, théoriquement, difficile de quitter un département déficitaire pour entrer dans un département excédentaire.
Tous les professeurs des écoles peuvent y participer s’ils sont titulaires au moment de la demande ce qui exclut les professeurs des écoles stagiaires. La saisie de vos vœux est informatique, de même que le traitement des mutations.
Ces permutations informatiques faites, vous pourrez participer à une session de rattrapage dite des « Ineat et Exeat non compensés ». Les ineat sont des autorisations d’entrée alors que les exeat sont des autorisations de sortie.
Ces permutations manuelles ont pour but d’atténuer les trop grandes disparités entre les départements en termes de sous- ou sur-effectifs et de résoudre les cas personnels les plus délicats. Elles s’adressent, en principe, aux professeurs des écoles qui ont participé aux permutations informatisées et qui font état d’une séparation d’avec leur conjoint ou partenaire.
Pour bénéficier d’une mutation inter-départementale au titre des ineat et exeat non compensés, vous devez faire une demande d’exeat auprès de l’I.A. du département d’exercice, accompagnée d’une demande d’ineat à destination de l’I.A. du ou des départements sollicités. Ces demandes doivent obligatoirement transiter par la voie hiérarchique. Ces permutations manuelles sont généralement traitées en commission administrative paritaire départementale courant juin.
Attention : Aucun ineat ne peut être prononcé sans la délivrance d’un exeat.
b) Les mutations intra-départementales
Elles sont décidées par l’inspecteur d’académie, après avis de la commission administrative paritaire départementale, et repose sur les mêmes critères de satisfaction des vœux que les mutations inter-départementales.
Les nominations sont, en principe, prononcées à titre définitif mais une nomination prononcée en cours d’année sur un poste qui n’était pas vacant l’année scolaire précédente ne peut être effectuée qu’à titre provisoire.
2) Pour les professeurs certifiés, agrégés et de lycées professionnel
Le principe est le même puisque le mouvement se fait en deux temps.
a) Les mutations inter-académiques
Le principe est, à nouveau, de répartir les enseignants sur le territoire. Cela étant, la règle applicable aux professeurs des écoles qui veut qu’une mutation n’est possible que lorsque les possibilités de sortie d’un département d’origine sont en adéquation avec celles de l’entrée du département sollicité n’a pas cours.
Chaque académie définie, par matière, les postes qui seront vacants à la rentrée suivante et les professeurs y sont mutés si leur classement, leur barème de points le leur permet.
Tous les professeurs peuvent y participer et c’est même une obligation pour les professeurs stagiaires.
La saisie des vœux est informatique de même que le traitement des mutations.
Il n’y a pas de procédure de compensation d‘Ineat et d’Exeat.
b) Les mutations intra-académiques
Elles sont décidées par le Recteur d’académie, après avis de la commission administrative paritaire académique et repose sur les même modalités que les mutations inter-académiques..
Les nominations sont prononcées à titre définitif sur un poste ou sur une zone de remplacement.
Laurent Piau
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF
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