Par François Jarraud
Ambiance apathique au premier « Rendez-vous pour la France » organisé par l’UMP le 3 novembre à Paris. « Tout commence par l’éducation » explique le parti présidentiel. A quelques mois de l’élection présidentielle, l’UMP a mobilisé ses ténors pour présenter un programme conservateur pour l’éducation nationale : autorité, mérite, sélection. L’UMP ancre ses militants et son programme bien à droite.
Pas de triomphalisme ni même d’enthousiasme au « Rendez-vous pour la France » organisé par l’UMP le 3 novembre. Deux ou trois cents militants UMP seulement étaient venus assister au lancement de la campagne présidentielle. Une assistance assez âgée qui a applaudi mollement ses leaders.
La matinée a été consacrée à deux tables rondes portant sur les « savoirs fondamentaux » et « l’autorité du professeur », deux thèmes que l’on devait retrouver en conclusion de la journée. Pour évoquer le mérite et l’autonomie, l’après midi a vu défiler les ténors de l’UMP : Gérard Longuet, président du groupe au Sénat, Guy Geoffroy, auteur d’un rapport sur le collège, Jean-François Copé, président du groupe à l’Assemblée, Benoist Apparu, secrétaire d’Etat chargé du logement et auteur d’un rapport sur le lycée, tous ministrables à l’éducation nationale, et, en conclusion, Xavier Bertrand , secrétaire général de l’UMP.
Des patrons pour mater ou « exfiltrer » les méchants profs
Pour Gérard Longuet ce qui manque à l’Ecole ce ne sont pas des moyens mais des chefs. « On a besoin de vrais établissements au primaire, avec de vrais directeurs et des élus locaux impliqués », réclame-t-il. Il faut un patron qui puisse rentrer dans les classes et exfiltrer les enseignants en rupture avec le projet de l’établissement ». Cette image forte du directeur omnipotent lui tient tellement à coeur qu’il la répétera plusieurs fois. « Pour qu’il y ait établissement, il faut comprendre qu’il n’y aura d’autonomie que si le chef rentre dans les classes et évalue les enseignants. Ce travail doit déboucher sur la cohésion ou la séparation ». Voilà les enseignants prévenus !
L’idée devait être reprise par Jean-François Copé, son homologue à l’Assemblée. « Il faut faire du chef d’établissement le pivot de l’organisation. Il doit être le patron et gérer les enseignants. Il faut qu’il puisse constituer son équipe », a-t-il ajouté sous les applaudissements des militants.
A chaque problème, son exclusion…
« Il faut arrêter l’automaticité des bourses« , explique Guy Geoffroy qui ouvre le second volet idéologique du programme UMP : celui des exclusions. « C’est le mérite qui doit être accompagné plutôt que la situation sociale de la famille ». Le député UMP souhaite que les enseignants participent à la suppression des bourses qui ne seraient pas méritées. Mais là aussi c’est Jean-François Copé qui devait développer le thème. « Le collège unique ne répond plus aux attentes de notre société », déclare-t-il. Il propose pour « casser les ghettos scolaires » de regrouper les élèves par niveau. Tel collège n’aurait que des 6èmes, tel autre que des 5èmes etc. et cela devrait assurer un brassage social en l’absence de carte scolaire. On imagine les kilomètres à parcourir en zone rurale ! Mais l’idée est vivement applaudie par les militants. JF Copé est également revenu sur sa proposition d’examen d’entrée en sixième. « On ne peut pas se satisfaire de la montée de l’illettrisme… Il ne faut mettre au collège aucun élève qui ne sache lire, écrire et compter. L’examen assurerait que personne ne reste au bord du chemin » affirme-t-il.
Le projet UMP
Il revenait à Xavier Bertrand de synthétiser ces propositions et d’en faire un programme pour les présidentielles. Condamnant l’Ecole (« le problème de notre système éducatif ce n’est pas le manque de moyens, c’est bien le manque de résultats »), le secrétaire général de l’UMP a promis « un Idéal » pour l’école qu’il a résumé en trois mots : savoir, autorité et mérite.
Le savoir c’est en fait les fondamentaux du primaire. « A l’entrée en 6ème 40% des élèves n’ont pas acquis l’ensemble des savoirs fondamentaux.. c’est le problème fondamental », croit-il savoir. « Ce qui n’est pas appris en CP CE1 ne l’est jamais ensuite », affirme-t-il. Il veut « une mobilisation totale de la Nation pour que 100% des enfants sachent lire et écrire à la sortie du CE1 ». Et pour cela l’UMP croit connaître la solution. D’abord il faut « responsabiliser les recteurs et les directeurs d’école primaire sur les performances et les progrès en lecture de leurs classes de CP et CE1 en leur fixant des objectifs clairs ». Ils disposeraient d’une « plus grande autonomie…, l’utilisation de l’enveloppe horaire pourrait être plus souple à condition qu’elle profite à l’enseignement des savoirs fondamentaux ». La France, qui est déjà le pays de l’OCDE qui consacre le plus de temps à l’apprentissage de la langue nationale, devrait réduire l’enseignement aux fondamentaux .. . du moins dans les écoles populaires… Les élèves en retard auraient droit à « des stages intensifs de remise à niveau » durant les vacances de février. Un « observatoire des pratiques pédagogiques » devrait « diffuser rapidement les meilleures pratiques » que l’UMP a déjà repérées…
L’autorité est promise à travers ces directeurs sous contrat d’objectif. Mais l’UMP veut aussi généraliser les « préfets des études », « un véritable responsable de la discipline qui soutient les professeurs en cas de problème », pour X Bertrand. « Nous devons généraliser le principe de sanctions vraiment éducatives » promet-il. Tout cela cache en fait la mise à l’écart. « Pour les perturbateurs à répétition et les décrocheurs nous soutenons le développement des établissements de réinsertion scolaire ». Les ERS sont des établissements spécifiques où les élèves sont mis à l’écart dès le collège et échappent donc de facto au socle commun. Il faut « passer du collège unique au collège pour chacun » estime X Bertrand. En 6ème et 5ème les élèves devraient avoir des enseignants bivalents. A partir de la 4ème il y aurait « des prépa pro permettant aux élèves plus attirés par les matières technologiques de poursuivre l’acquisition du socle commun dans un cadre préparent mieux ) la voie professionnelle ». L’expérience des dispositifs imaginés par Robien puis Darcos montre qu’en fait ces classes n’attirent pas des élèves « attirés » mais participent de leur mise à l’écart et bloquent toute possibilité autre que l’apprentissage précoce, une voie où l’emploi est rare. L’UMP est donc prête à enterrer Fillon et la loi Fillon de 2005 !
Et le mérite ? Pour l’UMP c’est la distribution des prix aux élèves méritants pour récompenser « l’attitude scolaire ».
Cela clôt un projet qui réinvente l’Ecole du XIXème siècle dans le tri précoce et social des enfants. Et qui fixe à l’Ecole comme ambition éducative unique d’un second septennat un projet d’une rare modestie pour un pays développé : apprendre les fondamentaux. Alors que les autres pays développés mettent des moyens pour hisser les enfants du peuple vers les diplômes du supérieur, l’UMP envisage de construire l’avenir du pays en multipliant les sélections et donc en diminuant leur nombre.