Par Jeanne-Claire Fumet
Deux moments forts pour la célébration parisienne de la journée mondiale de la philosophie à l’UNESCO : les 10èmes rencontres internationales des Nouvelles Pratiques de la Philosophie, les 17 et 18 novembre et le colloque « Philosophie de l’enseignement, enseignement de la philosophie : de la transmission des savoirs à la formation des compétences », en association avec le Collège International de Philosophie, le 19 novembre.
Coordonnées par Michel Tozzi, professeur à l’Université Montpellier III, les rencontres des Nouvelles Pratiques proposent un point précis sur les formes alternatives de la philosophie qui croissent en marge des institutions, portées par un fort engouement du public. Avec le succès des premiers cafés philo et de l’université populaire, de multiples expériences d’ateliers de réflexion ont fleuri : dans les prisons, les hôpitaux, les écoles, les théâtres, les entreprises… Pas toujours évident, dans ce foisonnement, de distinguer les travaux sérieux des effets de mode éphémères.
Pourtant, les démarches de recherche s’affirment et progressent, dans ce vaste domaine. La constitution d’un cursus progressif d’enseignement à partir des petites classes, en particulier, s’élabore progressivement selon la demande de l’UNESCO. Le rôle citoyen de la philosophie, sa fonction éthique au sein de l’entreprise, ses vertus de « thérapie de l’âme » puisées à sa source antique, sont autant d’autres domaines d’analyse que les partenaires des Rencontres enrichissent de leurs contributions depuis un an, dans le cadre des chantiers lancés par l’association Philolab lors des 9èmes rencontres (voir dossier du Café ci-dessous).
A l’heure des premiers bilans, qui s’annoncent fructueux, on peut espérer l’intervention d’enseignants et de chercheurs accoutumés à des pratiques plus académiques pour nourrir le débat de leurs attentes et de leurs réserves, forgées à l’épreuve du terrain et de l’exigence institutionnelle. Alors que la philosophie scolaire traverse une grave période d’incertitude didactique, nul doute que ces échanges devraient apporter aux uns comme aux autres de précieux éclairages.
Le colloque du CIPh, en clôture de l’événement, le 19 novembre, s’interroge aussi sur les incertitudes actuelles de l’enseignement de la philosophie : à l’heure où l’on semble exiger de l’école la formation de compétences plutôt que la transmission de savoirs, comment l’enseignement philosophique peut-il s’inscrire dans cette évolution sans se perdre ? Comment peut-il et doit-il évoluer ? A quelles conditions l’adaptation des cours, des exercices, du rapport aux œuvres et aux auteurs, à la tradition, peut-il se montrer efficace sans perdre sa légitimité ?
Au programme des conférences de ce colloque : Le succès mondial des compétences dans les politiques éducatives – histoire d’un détournement, Une approche par compétences en didactique de l’apprentissage du philosopher ? De l’acquisition des savoirs au développement des compétences – l’École en défaut persistant de sens ? En quoi former des élèves et des enseignants à des compétences modifie la didactique de la philosophie ; La compétence et l’oubli du sujet.
A l’image du statut paradoxal de la philosophie, à la fois idéalisée pour sa hauteur de vue et maudite pour son aridité conceptuelle, tour à tour objet de fascination et de haine (Platon déjà mettait en garde ses élèves contre la misologie, cette haine de la rationalité qui frappe le néophyte déçu), les journées de l’UNESCO, qui devraient osciller entre les pôles de la rigueur et de l’innovation, promettent de réveiller les passions qui animent et déchirent le monde des pratiques actuelles, nouvelles ou classiques, de la philosophie vivante. A ne pas manquer, donc !
Le compte-rendu des 9èmes Rencontres des Nouvelles Pratiques Philosophiques dans le Café :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/NellesPrat[…]