Evolution professionnelle et deuxième carrière
La fin de l’année scolaire approchant à grands pas, nous allons envisager la prochaine rentrée scolaire en nous intéressant aux diverses possibilités offertes par les textes en vigueur, soit pour se former à des compétences supplémentaires, soit pour envisager ce que l’on appelle la deuxième carrière.
Plusieurs étapes sont à franchir avant de pouvoir envisager l’un ou l’autre ; ce sera donc notre plan d’étude pour cette rubrique juridique d’avril.
I) le bilan de compétence
C’est la première étape vers une seconde carrière puisqu’il vise à faire le point sur vos diverses compétences professionnelles.
Le décret d’application est le décret n°2007-1470 du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l’Etat
Article 22. – Le bénéfice d’un bilan de compétences peut être accordé sur leur demande, dans la limite des crédits disponibles, aux fonctionnaires ayant accompli dix ans de services effectifs, afin de leur permettre d’effectuer une mobilité fonctionnelle ou géographique. Un agent peut prétendre à un seul autre bilan de compétences, au moins cinq ans après le précédent.
Les fonctionnaires bénéficient d’un congé pour bilan de compétences, éventuellement fractionnable, qui ne peut excéder vingt-quatre heures de temps de service.
Pour compléter la préparation ou la réalisation de ce bilan, ils peuvent utiliser leur droit individuel à la formation prévu au chapitre III du présent décret.
Les modalités d’organisation du bilan de compétences sont précisées par arrêté du Ministre chargé de la fonction publique.
Un article suffisamment simple pour ne pas être commenté plus avant. Vous remarquerez seulement l’utilisation récurrente des termes « peut » et « peuvent ».
II) Le congé de formation professionnelle
C’est la deuxième étape qui doit vous permettre de vous former à d’autres compétences que les vôtres ou, plus réalistement, de compléter ou renforcer vos compétences actuelles.
Il est intéressant de constater que, au contraire des autres corps de professeurs, les professeurs de lycée professionnels ont, statutairement, la faculté de demander l’ouverture d’un compte formation destiné à leur permettre d’accumuler des droits à congé de formation professionnelle en milieu professionnel.
Cette facilité est prévue par les articles suivants du décret n°92-1189 du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel auquel je vous renvoi pour les détails (articles 31-1 et 31-2).
Sachez, tout de même, que le professeur de lycée professionnel peut, au plus tard à la date de la rentrée scolaire, demander à bénéficier d’un compte formation, destiné à lui permettre d’accumuler des droits à congé de formation professionnelle en milieu professionnel. Ce droit à congé est ouvert sans préjudice des autres droits à formation auxquels peuvent prétendre les personnels enseignants du second degré.
Ce compte est alimenté par les heures que le professeur consacre aux actions de formation dispensées dans le cadre des missions dévolues aux membres de son corps.
Au terme d’une période minimale de cinq ans après l’ouverture du compte formation et sous réserve qu’au moins soixante-douze heures soient inscrites à son crédit, le compte formation ouvre droit à un congé. La durée de ce congé, exprimée en semaines, est égale au crédit d’heures, majoré de 25 % et divisé par 18. La demande de congé doit être formulée avant la fin de l’année scolaire précédant celle au cours de laquelle commence la formation.
Tous modestes qu’ils soient, les avantages offerts par ce compte formation ne sont pas à négliger pour une remise à niveau, une réorientation professionnelle ou une autre carrière d’autant, qu’à la différence du congé de formation professionnel général, le traitement est maintenu en totalité durant la formation.
L’article suivant qui peut aussi vous être utile en cas de non utilisation des heures inscrites au crédit du compte formation individuel.
Pour en revenir au congé de formation professionnelle, il est prévu par le décret n°2007-1470 du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l’Etat.
Article 24. – Les fonctionnaires peuvent bénéficier, en vue d’étendre ou de parfaire leur formation personnelle :
1° Du congé de formation professionnelle mentionné au 6° de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, pour une durée maximale de trois ans sur l’ensemble de la carrière, et dans la limite des crédits prévus à cet effet ;
2° D’une mise en disponibilité pour effectuer des études ou recherches présentant un caractère d’intérêt général.
Article 25 I. – Le congé prévu au 1° de l’article 24 ne peut être accordé qu’à la condition que le fonctionnaire ait accompli au moins l’équivalent de trois années à temps plein de services effectifs dans l’administration. Ce congé peut être utilisé en une seule fois ou réparti au long de la carrière en stages d’une durée minimale équivalant à un mois à temps plein qui peuvent être fractionnés en semaines, journées ou demi-journées.
Durant le congé de formation professionnelle, le fonctionnaire perçoit une indemnité mensuelle forfaitaire égale à 85 % du traitement brut et de l’indemnité de résidence afférents à l’indice qu’il détenait au moment de sa mise en congé. Le montant de cette indemnité ne peut toutefois excéder le traitement et l’indemnité de résidence afférents à l’indice brut 650 d’un agent en fonctions à Paris. Elle est versée pendant une durée limitée à douze mois. Cette indemnité est à la charge de l’administration dont relève l’intéressé.
(…)
Ainsi, soit la formation est de courte durée et des congés limités vous sont accordés, soit vous vous engagez dans une formation longue et c’est alors une disponibilité ou un congé de formation.
Dans tous les cas, l’administration peut mettre fin au congé en cas de constat d’absence en formation sans motif valable, ce qui semble logique.
Lorsque vous êtes placé en congé de formation professionnelle, vous continuez à cotiser pour la retraite et à bénéficier de la Sécurité sociale et des prestations familiales, à concourir pour l’avancement de grade et d’échelon dans votre corps d’origine, vous pouvez bénéficier d’une indemnité mensuelle forfaitaire, vous avez droit aux congés de maladie, longue maladie, longue durée, maternité, adoption, etc.
Enfin, notez que si ce congé formation est de longue durée, vous perdez votre poste et devez donc être réaffecté dans l’Académie ou le département à votre retour de formation.
Terminons ce chapitre en évoquant le décret n°2002-634 du 29 avril 2002 portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l’Etat et dans la magistrature.
Ce compte est ouvert à la demande des agents titulaires et non titulaires dont les obligations de service ne sont pas définies dans les statuts particuliers de leur corps ou dans un texte réglementaire relatif à un ou plusieurs corps.
Les professeurs des écoles, les professeurs certifiés, les professeurs de lycée professionnels et les professeurs agrégés ayant des obligations de service définies dans les statuts particuliers de leur corps, ne peuvent donc prétendre au compte épargne temps.
III) La période de professionnalisation
Cela peut être la dernière ou l’avant dernière étape de votre parcours de reconversion vers une deuxième carrière, que vous soyez obligé ou non de passer un examen, un concours ou une sélection.
Une fois encore, ce sont les dispositions du décret n°2007-1470 du 15 octobre 2007 qui s’appliquent.
Les périodes de professionnalisation sont des périodes d’une durée maximale de six mois comportant une activité de service et des actions de formation en alternance. Elles ont pour objet de prévenir les risques d’inadaptation des fonctionnaires à l’évolution des méthodes et des techniques et de favoriser leur accès à des emplois exigeant des compétences nouvelles ou correspondant à des qualifications différentes. Elles sont adaptées aux spécificités de l’emploi auquel se destine l’agent et peuvent se dérouler dans un emploi différent de son affectation antérieure.
Les périodes de professionnalisation peuvent en outre donner accès à un autre corps ou cadre d’emplois de même niveau et classé dans la même catégorie. Pour bénéficier de cette voie d’accès, les fonctionnaires doivent être en position d’activité dans leur corps.
Peuvent bénéficier de ces périodes :
· Les fonctionnaires qui comptent 20 ans de services effectifs ou âgés d’au moins 45 ans ;
· Les fonctionnaires en situation de reconversion professionnelle, de reclassement ou d’inaptitude physique ;
· Les fonctionnaires dont la qualification est insuffisante au regard de l’évolution des technologies et de l’organisation du travail ;
· Les femmes fonctionnaires qui reprennent leur activité professionnelle après un congé de maternité et aux fonctionnaires ayant bénéficié d’un congé parental ;
· Les fonctionnaires entrant dans l’une des catégories mentionnées à l’article L. 323-3 du code du travail.
Après avoir accompli la période de professionnalisation et avoir satisfait à l’évaluation qui établit son aptitude à servir dans le corps ou cadre d’emplois considéré, le fonctionnaire fait l’objet, après avis de la commission administrative paritaire ou de l’organisme paritaire compétent, d’une décision de détachement dans ce corps ou cadre d’emplois, nonobstant toutes dispositions contraires du statut particulier le régissant.
Après deux années de services effectifs dans cette position de détachement, le fonctionnaire est, sur sa demande, intégré dans le corps ou cadre d’emplois d’accueil, nonobstant toute disposition contraire du statut particulier applicable audit corps ou cadre d’emplois.
Quelques précisions s’imposent :
· La période de professionnalisation peut être engagée à l’initiative de l’administration ou sur demande du fonctionnaire. Ce faisant, vous pouvez être « invité » à suivre une telle période sans possibilité de refus.
· Les actions de formation incluses dans la période de professionnalisation peuvent se dérouler pour tout ou partie hors du temps de service et s’imputer sur le droit individuel à la formation, après accord écrit du fonctionnaire. Ce qui veut dire que vous pouvez être amené à faire tout ou partie de votre service hebdomadaire en sus de cette période de formation mais sans paiement d’heures supplémentaires. Cela étant, il faudra votre accord écrit.
· La convention peut prévoir que la durée de formation incluse dans une période de professionnalisation et excédant la durée de service réglementaire de l’agent donne lieu à un complément de droit individuel à la formation dans la limite de cent vingt heures s’ajoutant aux droits qu’il a acquis. Les dispositions de l’article 13 sont applicables à cette durée de droit complémentaire à la formation. Donc, pas d’heures supplémentaires mais un complément de droit individuel à la formation. Cela étant, une fois encore, il faudra votre accord écrit.
IV) Les actions de préparation aux examens, concours et sélections diverses
C’est, en général, la dernière étape, celle qui consiste à intégrer le corps de fonctionnaire qui figure dans votre projet professionnel si ce dernier ne prévoit pas de liste d’aptitude.
Le décret n°2007-1470 du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l’Etat permet aussi de préparer cette deuxième carrière dans des conditions plutôt favorables.
Article 19. – Des actions de formation, organisées ou agréées par l’administration, ont pour but de préparer les fonctionnaires mentionnés à l’article 1er à une promotion de grade ou à un changement de corps par la voie des examens professionnels, des concours réservés aux fonctionnaires ou d’autres procédures de sélection.
Ces actions peuvent également préparer l’accès aux corps ou cadres d’emplois de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ainsi que les procédures de sélection destinant aux emplois des institutions de la Communauté européenne.
Les professeurs sont bien évidemment inclus dans les fonctionnaires mentionnés à l’article 1er
Article 20. – Les actions de formation prévues à l’article 19 peuvent s’exercer en présence des bénéficiaires, par correspondance, par voie électronique ou télématique.
Elles peuvent être prises en compte sur la durée de service des fonctionnaires en tout ou en partie.
Article 21. – Lorsque les actions de formation relevant du présent chapitre se déroulent pendant leur temps de service, les fonctionnaires peuvent être déchargés d’une partie de leurs obligations en vue d’y participer.
Dans la mesure où la durée des décharges sollicitées par un agent est inférieure ou égale à cinq journées de service à temps complet pour une année donnée, la demande à cette fin est agréée de droit. La satisfaction de cette demande peut toutefois être différée dans l’intérêt du fonctionnement du service ; un tel report ne peut cependant pas être opposé à une demande présentée pour la troisième fois.
Des décharges supplémentaires peuvent être accordées par le Chef de service dans la mesure où elles sont compatibles avec le bon fonctionnement du service. Lorsqu’une demande en ce sens a déjà été refusée, un nouveau refus opposé à une demande analogue ne peut être opposé qu’après avis de l’instance paritaire compétente.
Les agents peuvent également, pour participer aux actions prévues par le présent chapitre, utiliser leur droit individuel à la formation ou demander à bénéficier du congé de formation professionnelle prévu au 1° de l’article 24.
Peu de commentaire à faire si ce n’est, une fois encore, l’utilisation récurrente du terme « peuvent » et la soumission à la condition « de l’intérêt du service » pour l’octroi de ce congé.
V) Les emplois réservés aux professeurs
Même si les effets de cette mesure restent pour l’instant très limités de par le nombre de postes disponibles et l’inadéquation souvent constatée entre les compétences des enseignants et ces emplois, l’article 77 de la loi n°2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, prévoit de faciliter l’accès à certains emplois publics aux professeurs, soit dans les faits, les membres des corps enseignants de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur.
Article 77 – Les membres des corps enseignants pourront, sur leur demande et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, occuper, en position de service détaché, des emplois correspondant à leurs qualifications, nonobstant les règles relatives au recrutement de ces emplois dans les administrations de l’Etat ou des collectivités locales et les établissements publics à caractère administratif.
Ils percevront dans cette position une rémunération globale au moins égale à celle qu’ils auraient perçue s’ils étaient restés dans leur corps.
Après une année de service dans leur nouvel emploi, ces personnels pourront, sur leur demande, être intégrés dans le corps de fonctionnaires titulaires dont relève l’emploi considéré, sous réserve d’une vérification de leur aptitude dans des conditions qui seront fixées par décret en Conseil d’Etat.
(…) »
Pour postuler à ces emplois, deux conditions sont à remplir par les professeurs :
· Justifier d’au moins 15 années de services d’enseignement.
· Présenter un dossier (le plus souvent CV et lettre de motivation) à la commission rectorale d’instruction et d’orientation chargée d’examiner les dossiers de candidature des personnels enseignants du premier et du second degré.
Quant au détachement, il est prononcé à équivalence de grade et à l’échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont l’intéressé bénéficiait dans son grade d’origine. Le cas échéant, une indemnité compensatrice égale à la différence entre la rémunération globale perçue antérieurement et la rémunération globale calculée en est versée à l’agent par l’administration, la collectivité ou l’établissement d’accueil pendant la durée du détachement. Bien entendu, les indemnités de résidence et à caractère familial et, s’il y a lieu, les primes et indemnités spécifiques attachées à l’emploi occupé sont elles aussi versées.
Au plus tôt trois mois avant le terme du détachement et au plus tard un mois après ce terme, les fonctionnaires concernés doivent demander à être intégré dans le corps ou cadre d’emploi dans lequel, ils ont été détachés.
Au vu de ces demandes et compte tenu de l’aptitude professionnelle des intéressés, l’administration d’accueil, se prononce, après avis de la commission administrative paritaire compétente.
Laurent Piau
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF
Sur cet ouvrage :
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