Par Nicolas Smaghue
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il s’agit d’un livre dont la sortie aura été médiatisé à l’extreme et dont la promotion est au final réussie… Les accusations de Claude Allègre (auxquelles il faut ajouter celles du paléomagnéticien Vincent Courtillot) ont été à l’origine d’une initiative sans précédent où plus de 600 chercheurs en sciences du climat ont signé une pétition contre l’auteur « d’accusations mensongère » et de véritables entorses à l’éthique scientifique. Le ministre de l’enseignement supérieur (leur ministre de tutelle) a été sollicité pour intervenir en quelque sorte comme un médiateur dans cette situation inédite. L’ouvrage de l’ancien ministre de l’éducation nationale, qui se présente sous la forme d’un entretien avec Dominique de Montvalon, soutient la thèse d’une véritable conspiration de chercheurs qui cherchent à faire croire à l’origine humaine du changement climatique. La communauté scientifique internationale se trouve « ulcérée » devant ce qu’elle considère comme un ouvrage qui travestit leurs idées et leurs travaux. Dans l’intervalle, l’ouvrage aurait déjà été vendu à plus de 100 000 exemplaires…
Le résultat est au rendez-vous : un «vrai débat scientifique» en bonne et due forme sera organisé sur la question du climat. Ce que les signataires n’apprécient guère est que les deux géologues ne sont pas passés par « les filtres standards des publications scientifiques », soit se soumettre à l’expertise de leurs pairs. Ils ont en effet préféré une exposition plus médiatique et une publication « sans concertation ». Toujours est-il que les ouvrages de Claude Allègre et Vincent Courtillot font d’ores et déjà l’objet d’un démantèlement par point de leurs thèses que leurs collègues « outragés » réfutent… Comment le néophyte peut-il se retrouver dans ce débat d’experts ou jugé comme tels? La presse par ailleurs s’empare du débat, en particulier le journal Le Monde qui précise à chaque fois que les auteurs incriminés n’ont pas souhaité répondre à leurs questions. Précisons au passage que Claude Allègre ne ménage pas dans son ouvrage ledit journal: « (…) lorsqu’on me dit que les paysans des mangroves du Bangladesh sont menacés par une migration des tigres à cause des émissions de CO2, on se moque du monde ! Pour parachever le tout, que lit-on dans Le Monde ? Qu’il ne faudrait plus manger de boeuf parce que c’est mauvais pour… Le climat. Trop, c’est trop !».
Petite liste des griefs envers les auteurs mis au banc des accusés proposés par le journal L e Monde :
– Liste de ce que les chercheurs considèrent comme des « erreurs » dans le livre L’Imposture climatique (Plon) de Claude Allègre.
– Liste des « dénigrements » auxquels Claude Allègre s’est livré selon les chercheurs dans son ouvrage.
– Liste de ce que les chercheurs considèrent comme des « erreurs » dans le livre de Vincent Courtillot Nouveau voyage au centre de la Terre, (Odile Jacob) et dans un certain nombre de conférences qu’il a données ces derniers mois (souvent disponibles en ligne).
Dans le même journal, Hervé Morin titrait le 8 avril que la vérité scientifique est éclipsée par le bruit médiatique. Là encore le manque de rigueur intellectuelle et d’éthique est lancé à l’encontre de l’ancien ministre de l’éducation nationale : «Quant au tribunal populaire, la sentence est plus incertaine. Symptôme d’une époque qui veut s’entendre dire que le progrès n’est pas mort, M. Allègre se vante d’avoir déjà vendu 120 000 exemplaires de son pamphlet. Il s’exonère de tout jugement scientifique en le qualifiant de « politique ». Ses lecteurs ont été trompés. Ils seraient en droit de lui en demander raison. C’est ainsi que fonctionne la science : les chercheurs dont le raisonnement a été invalidé apportent des correctifs – voire rétractent les travaux défaillants».
Lire aussi la position de Brice Lalonde, représentant français à Copenhague : http://www.lepoint.fr/actualites-societ[…]
Il n’est pas simple de faire le tri dans un tel débat d’experts qui ont tous des arguments solidement travaillés. Certes, Claude Allègre n’en est pas à son coup d’essai dans ce qu’il convient d’une certaine façon d’appeler un buzz médiatique. Qui sont les imposteurs dans tout cela ? La lecture de celui qui se positionne comme le défenseur de la vérité n’apporte pas de réponse claire. Ce qui l’est ou le sera sans doute, c’est le véritable succès de librairie d’un ouvrage qui dénonce au final une imposture durable…