Par François Jarraud
Selon Le Monde, la Conférence des Grandes Ecoles (CGE), un organisme qui fédère les grandes écoles françaises, est parti en guerre contre une demande du gouvernement de porter à 30% la proportion de boursiers dans ses établissements. La CGE « désapprouve la notion de « quotas » et réaffirme que les niveaux des concours doivent être les mêmes pour tous ». Pour elle cette politique « amènerait inévitablement la baisse du niveau moyen ».
Des écoles de riches ? Or actuellement on est loin des 30%. D’après une étude de Klaus Peter Walter, citée par Inegalites.fr, pour l’ensemble des grandes écoles on trouve 5% d’enfants d’ouvriers et 62% d’enfant de cadres supérieurs et de professions libérales, alors que la population française en compte respectivement 31% et 14%. Les grandes écoles participent donc de la reproduction des élites, même si elles le contestent arguant du fait que la sélection commence dès le primaire.
Pour Richard Descoings, directeur de Sciences Po, « c’est la réaction antisociale dans toute sa franchise ! L’intelligence, la curiosité intellectuelle, la capacité de travail seraient donc l’apanage des « riches »… puisque faire une place aux élèves boursiers, c’est-à-dire aux classes populaires et au bas des classes moyennes, ferait « baisser le niveau ». Il s’appuie sur le programme qu’il a lancé à Sciences Po, qui accueille déjà 21% de boursiers et récuse l’idée qu’elle ait fait baisser le niveau de Sciences Po. « La mixité sociale a été accompagnée par l’augmentation du nombre de candidats et l’élévation du niveau scolaire des candidats reçus. Notre méthode ? Compléter la bourse du Crous et confier aux enseignants de 70 lycées de ZEP le soin de discerner parmi leurs élèves les potentiels les plus élevés ».
Cette politique est aussi pratiquée par une partie des grandes écoles membres de la CGE. Certaines ont lancé des programmes d’aide aux lycéens défavorisés, en les accompagnant grâce à des tutorats et des programmes spécifiques comme ceux de l’Ensam. En novembre 2009, Paristech avait organisé un colloque pour mettre en avant ces politiques et montré leur efficacité. Mais mise au pied du mur par le gouvernement, les plus conservateurs l’ont emporté dans la CGE. Elle a opté pour la fermeture sociale.
Un débat truqué pour le Sgen-Cfdt. « La proposition du ministère d’amener 30% de boursiers dans les grandes écoles fixe un objectif apparent de démocratisation ; cependant cet objectif n’est qu’un trompe-l’œil », affirme le Sgen Cfdt dans un communiqué du 8 janvier 2010. En effet, « le relèvement récent du salaire familial plafond, ouvrant droit à la possibilité d’obtenir une bourse d’enseignement supérieur, a abouti à l’octroi de celles-ci à de nombreux étudiants issus des classes moyennes, même si pour beaucoup il s’agit de bourses à taux 0 n’ouvrant droit qu’aux exonérations de frais d’inscriptions (le taux de boursiers est ainsi de 30% dans les classes préparatoires aux grandes écoles à la rentrée 2009) ».
Le Sgen va plus loin. « Ni les ardents défenseurs de l’égalité formelle, ni les défenseurs des quotas de boursiers ne se posent la question de ce que mesure réellement le concours d’entrée aux grandes écoles, le mérite étant assimilé par les défenseurs du système à la capacité de réussir le concours. Or, chacun sait, ou devrait savoir, que dans leurs formes actuelles, les concours d’entrée aux grandes écoles sont un formidable outil de reproduction sociale. Les qualités nécessaires pour les réussir sont plus la rapidité que la réflexion, l’endurance que la profondeur intellectuelle, l’habitude d’apprendre et de restituer les connaissances plutôt que l’imagination…. Sans parler de l’aisance dans le discours oral et de la bonne présentation… Peut-on raisonnablement fonder un tri social quasi définitif ouvrant les meilleurs postes de la société sur quelques semaines d’épreuves passées à vingt ans ? »
Pour le Sgen, « ouvrir et généraliser des cursus de seconde chance faisant appel à des capacités différentes que celles utiles pour réussir un concours est pour le Sgen-CFDT un enjeu autrement important que celui de 30% de boursiers dans les grandes écoles ».
Tribune de R Descoings
http://www.lemonde.fr/societe/article/2010/01/04/richard-desc[…]
Article du MOnde
http://www.lemonde.fr/societe/article/2010/01/04/les-grandes-[…]
La politique d’ouverture sociale de la CGE
http://www.cge.asso.fr/Societe/ouverture_sociale.phtml
Colloque. Du lycée aux grandes écoles quelle égalité des chances ?
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/10/271009p[…]
Etude sociale sur les grandes écoles
http://www.inegalites.fr/IMG/pdf/ouverture_sociale_des_Grande[…]
Le Guide post bac des lycéens
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/109_Sommaire.aspx
Chatel choqué par les grandes écoles
Selon une dépêche AFP du 5 janvier, le ministre de l’éducation nationale se dit « profondément choqué » par le refus des quotas de boursiers par les grandes écoles. Sur France Info, le ministre a souhaité que cette mesure soit imposée aux grandes écoles. « »Imaginer que cela abaisserait le niveau parce qu’on ferait appel à des élèves de milieux défavorisés, je trouve ça profondément choquant », a dit Luc Chatel. « Il y a un prédéterminisme dans notre pays… On ne peut pas continuer comme ça. Et le seul moyen de l’imposer, c’est effectivement de mettre en place les quotas dans les classes préparatoires d’abord ».
Dépêche AFP
http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous/l_[…]
Sur le refus des quotas par les grandes écoles
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/01/050[…]
L’Inspection générale étudie les concours d’entrée
Selon AP, Luc CHatel a demandé à l’Inspection générale de faire des propositions sur la nature des épreuves des concours d’entrée.
Dépêche AP