Par François Jarraud
Philippe Meirieu sait ce qu’est une réforme du lycée : il a été associé à la consultation sur la réforme des lycées en 1998. Il nous livre son sentiment sur la réforme Sarkozy.
S’agit il d’une vraie réforme ?
On n’a pas de réforme. On a un lifting du lycée et la mise en place de quelques prothèses.
La mesure phare, les deux heures d’accompagnement individuel et collectif, reste évasive : où va-t-on prendre ces heures ? Dans les heures de soutien et de vie de classe en 2de ? Il est à craindre qu’elles soient rapidement récupérées et utilisées pour des enseignements disciplinaires.
Tant qu’on ne touche pas à l’équilibre central du lycée entre heures de cours et heures d’études, tant qu’on ne touche pas au bac, à l’organisation des disciplines, on a pas véritablement de réforme. La réforme oublie la question de la maîtrise de l’écrit. Pour l’acquérir il faut mettre en place de véritables études dirigées où les élèves apprennent à faire leurs devoirs. Ce n’ets visiblement pas l’orientation de cette réforme.
Il y a quand même la question du redoublement qui est soulevée…
C’est vrai que le texte propose un droit à l’erreur. Mais la seule vraie réponse à cette question, à mes yeux, ce serait de s’acheminer vers une évaluation par unité capitalisable, comme cela se pratique dans de nombreux pays. Pas un contrôle continu qui ne fait qu’instituer un examen permanent. Le bac actuel a des points absurdes : comment un 12 en français peut-il répondre à un 8 en maths ? Je suis pour un système où les élèves devraient obtenir des unités capitalisables en présentant des travaux, par exemple de type TPE. C’est la seule réponse qui soit cohérente pour une évaluation terminale et qui prépare à l’autonomie dont on a besoin dans le supérieur. Pour le moment on ne touche pas a l’examen et par suite à une formation qui restera académique.
Dans cette perspective les heures de soutien ne seront que des prothèses. Cette promotion des dispositifs hors classe, présentés comme un outil d’égalité des chances parce que gratuits, en fait font croire aux familles qu’ils sont indispensables pour réussir et renforcent les dispositifs payants ! Cela dévitalise la classe.
Bien d’autres points ne sont pas pris en compte comme la redéfinition du service des enseignants. Par exemple, en seconde, on devrait avoir un vrai professeur principal, ayant une décharge, un bureau, un fichier pour accompagner l’orientation, recevoir les familles et les élèves. Sans cela on ne peut pas réellement espérer de progrès sur l’orientation. L’Ecole a besoin de s’enrichir de davantage de cadres intermédiaires. Ce n’est pas le chemin qui est pris.
La réforme Sarkozy prétend lutter contre les inégalités. Est-ce le cas ?
Je remarque déjà que la réforme met à part le lycée professionnel. Cela renforce l’idée qu’il y a de vrais lycées, général et technologique, et de faux… On sait que pour lutter contre les inégalités il faut avoir une pédagogie plus différenciée. Est-ce mis en place dans la réforme ? Il faut permettre des réorientations : la réforme en parle mais on ne sait rien des passerelles en question. Il faut des profs en équipe et un encadrement plus proche : on ne le voit pas apparaître.
Enfin le texte est muet sur les instances lycéennes alors que justement elles se délitent. Il faudrait que les CBL (conseils de la vie lycéenne) puissent s’emparer d’autres questions que la couleur des bancs pour traiter du calendrier des contrôles par exemple, toutes ces questions qui font le quotidien du lycéen et qui ne sont jamais mises en débat.
Philippe Meirieu
Entretien : F Jarraud
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