« Le bac a-t-il encore un sens? » interroge un quotidien du matin. Chaque année le marronnier du « bac au rabais » revient dans les médias. Cette régularité n’arrive pas par hasard. Rien n’est plus politique et social que la question du bac.
Le bac est-il donné à tous ? C’est ce que laissent entendre des médias qui glosent sur le taux de réussite de 80%. Il a même atteint 83,7% en 2008. Est-ce à dire que le diplôme est donné à tous ? Remarquons d’abord que ceux qui tiennent ces propos ont obtenu leur bac à une époque, dans les années 1970, où le taux de réussite oscillait entre 65 et 70%. C’était déjà un taux élevé qui tient à deux raisons. La première c’est que cet examen sanctionne un niveau moyen de fin d’étude. Ce n’est pas un concours. On peut attendre du système éducatif qu’il assure 80% de réussite comme il assure 90% pour les compétences en maths ou français en fin de primaire ou de collège. Ce taux est d’autant plus facile à attendre qu’en fat la sélection a lieu avant le bac. Ce taux de 80% cache que seulement 63,8% d’une génération obtient le bac. Un jeune sur trois quitte l’école sans le bac. Ce taux de réussite n’est pas seulement faible. Il est stable depuis 1995 où déjà on atteignant 63%. Pire il est en baisse légère mais régulière depuis 3 ans. C’est d’ailleurs la même chose pour le taux d’étudiants.
Dans l’intérêt général, si on veut avoir par exemple une économie plus compétitive, on devrait plutôt s’inquiéter de la faiblesse de ces taux. Mais il y a une explication à cette attitude malthusienne. Ce qui défrise dans un fort taux de réussite au bac c’est quand même que certains qui n’y arrivaient pas y arrivent. Or on sait bien que statistiquement on a d’autant plus de chances de réussir le bac que l’on est issu d’un milieu favorisé. L’élévation du taux de réussite au bac renvoie à sa démocratisation. Ce n’est pas tolérable pour tout le monde… Ceux qui critiquent le bac rêvent d’un examen d’entrée en université qui garantirait à leurs enfants, seuls capables déjà de payer les frais d’examen, le monopole des études supérieures.
Faut-il réformer le bac ? Les mêmes font campagne pour une réforme du bac. A vrai dire ils ont des arguments. Le bac est une machine colossale et couteuse. Et d’ailleurs la RGPP a fixé comme objectif des économies sur son organisation. Le Figaro rappelle que quelques épreuves seulement sont prédictives du résultat pour 90% des candidats. Enfin R Apparu, dans son projet de réforme du lycée, demande une simplification du bac. 4 disciplines seulement resteraient matière à contrôle final. Si elle apparaît logique, la réforme proposée semble surtout susceptible d’augmenter l’injustice. En effet on sait, depuis les travaux de D Oget, que si le bac était passé au contrôle continu les résultats finaux seraient largement différents. Le fait qu’au bac on corrige une copie anonyme augmente les chances de certains candidats : les garçons, les jeunes des milieux populaires. R Apparu ne demande d’ailleurs pas de contrôle continu mais un CCF où les élèves seraient notés par un professeur qui ne serait pas son professeur.
Mais pour bien estimer si le bac a de la valeur, voyons ce qu’il coûte à celui qui ne l’a pas. Si en France personne ne s’est attaché à ce calcul, le caractère pragmatique des Anglo-Saxons nous permet de trouver plusieurs études en ce sens. La plus récente provient de l’Alliance for Excellent Education (AEE) , une association charitable qui milite pour la scolarisation. Pour elle « tout le monde bénéficie des progrès de qualification ». Elle a pu calculer la différence de salaire entre un bachelier et un non bachelier (26 923 $ contre 17 299) et partant de là estimer le manque à gagner collectif : si tous les jeunes Américains de 2008 avaient poursuivi leurs études jusqu’au bac, ils auraient apporté 319 milliards de dollars en plus à l’économie américaine durant leur vie. Mais puisque les diplômés vivent plus longtemps, deviennent des citoyens plus posés, L’AEE estime également d’autres retombées : « les économies régionales et locales souffrent plus quand elles ont des populations moins éduquées car il leur est plus difficile d’attirer des investissements. En même temps elles dépensent davantage en dépenses sociales ». L’AEE a pu calculer qu’en poussant tous les Américains jusqu’à la fin des études secondaires, l’Etat économiserait de 8 à 11 milliards chaque année en aide sociale, 17 milliards en aide médicale. Si le taux de sortie sans qualification des garçons baissait de seulement 5% cela représenterait 5 milliards de dépenses policières en moins. Vendredi dernier la valeur du bac ne faisait aucun doute pour trois lycéens d’Argenteuil (95) qui ont tenté de dérober les sujets dans le coffre de leur lycée.
Oui mais comment augmenter la part des bacheliers ? Comment faire ? Ce n’est pas à Neuilly qu’on pourra l’augmenter significativement. Il faut évidemment aller chercher les nouveaux bacheliers là où ils sont : dans les ghettos défavorisés. Il faut que dès la maternelle, dès deux ans, il y ait un effort important de fait pour ces enfants. Or on sait que la scolarisation à deux ans régresse justement dans ces quartiers. Il faut, nous dit T Pickety, réduire le nombre d’élèves par classe significativement en ZEP. Or, là aussi, on sait que la réduction est marginale. Mieux que la prédiction du résultat à partir de certaines matières, on peut déjà prédire que le taux d’échec ne sera pas le même si l’on est fils de cadre ou d’ouvrier. C’est justement cela qu’il faudrait changer.
Les chiffres du bac
http://media.education.gouv.fr/file/06_juin/19/3/Baccalaureat-[…]