Par François Jarraud
La maternelle traumatise-t-elle les enfants ? La question est posée par la majorité. Plus que la bonne santé mentale des enfants, l’enjeu semble d’abord financier : récupérer le budget de la maternelle et transmettre ces coûts aux communes et aux familles.
Malgré un rapport neutre de la Cour des comptes, la majorité semble décidée à en finir avec la scolarisation à deux ans. Quelques jours après la publication du rapport Papon, mardi 18 novembre, la Commission des finances du Sénat auditionnait le ministre de l’éducation nationale sur le rôle et la gestion de l’école maternelle en s’appuyant sur un nouveau rapport de la Cour des comptes. Xavier Darcos, absent, était représenté par Jean-Louis Nembrini, directeur de la Dgesco. Le président de la commission, Jean Arthuis s’était déjà exprimé contre la scolarisation à 2 ans. Son département accueillera les premiers « jardins d’éveil » imaginés par les rapports Tabarot et Papon. Le rapporteur spécial , Gérard Longuet, estime que la scolarisation à deux ans fait peser sur l’éducation nationale des dépenses qui relèvent de la famille ou de la Ville.
Les autres critiques sont portées par JL Nembrini. « L’école maternelle est une école » revendique-t-il. Le ministre veut en faire « une véritable école propédeutique aux apprentissages fondamentaux ». Dans cette conception de l’école, « à partir de quel âge peut-on entrer dans une école qui permette à l’enfant de se comporter comme écolier ? » interroge-t-il « Avant trois ans c’est difficile ». Il évoque également les pédopsychiatres « très réservés sur la possibilité de l’enfant à être socialisé à deux ans » et pour qui l’école à deux ans est source de traumatisme. L’éducation nationale s’accuse elle-même de mal traitance….
« La principale conclusion de notre rapport c’est qu’on continue à mal connaître l’école maternelle » affirme Jean Picq, président de la 3ème chambre de la Cour des comptes. Le rapport souligne la grande hétérogénéité des situations d’une commune à l’autre. Le taux de scolarisation à deux varie très fortement, en fonction des priorités communales. L’opposition qui est traditionnellement faite entre le jardin d’enfant nordique basé sur l’épanouissement et la socialisation et l’école maternelle française, qui se présente comme école, lui semble moins tranchée qu’il n’y parait, ce qui balaie l’argument du « traumatisme ». Quant à l’efficacité, le rapport égrène les rapports pour conclure qu' »il est difficile d’en tirer des conclusions définitives ». Le rapport n’omet pas les études positives , comme celle de C. Moisan et J. Simon, ou celle de la Depp en 2001, les travaux d’Agnès Florin ou ceux de l’Iredu. Tous concluent positivement sur l’efficacité de l’école maternelle particulièrement pouir les enfants défavorisés. Ils « trouveraient à l’école maternelle davantage de stimulations quant au vocabulaire ». Mais une étude de l’insee va en sens contraire.
Les sénatrices socialistes MC Blandin et F Cartron rappellent les conclusions des rapports en faveur de l’efficacité de l’école maternelle et de son coût : elle est trois fois moins cher que la crèche. D’où deux interrogations. Le ministère s’engage-t-il à scolariser tous les élèves dès les trois ans ? Et enfin qui paiera les frais du jardin d’éveil ? Aujourd’hui, si l’école maternelle coûte 12 milliards seulement 0,7 sont payés par les parents. Qu’en sera-t-il demain ?
Le dossier scolariser à 2 ans
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L’Unicef défend l’éducation de la petite enfance
Alors que l’école maternelle est mise en cause en France, l’Unicef publie une étude réalisée par le Centre de recherche Innocenti qui révèle « un changement décisif s’opérant dans les pays les plus riches du monde depuis dix ans : parmi la nouvelle génération d’enfants vivant dans ces pays, la majorité passe une grande partie de ses premières années en dehors du domicile familial ». L’étude montre l’intérêt des services d’éducation des jeunes enfants. Elle recense pas moins de 8 études montrant l’intérêt de la scolarisation précoce. » La bonne qualité de l’accueil et de l’éducation de l’enfant améliore son potentiel de développement cognitif, linguistique, émotionnel et social ».
Mais elle établit également que « la qualité de son environnement et des interactions avec son entourage, la « dose » d’amour et d’attention qu’il reçoit dès les premiers mois de sa vie ont un rôle décisif sur son développement. La qualité insuffisante des modes d’accueil et/ou d’éducation des très jeunes enfants peut donc nuire à leur croissance ». L’étude montre que la France est particulièrement bien classée parmi les pays de l’OCDE dans cet accueil des enfants grâce à son école maternelle : elle est 3ème.
Unicef
Le débat des maternelles
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L’Andev regrette la fin de la scolarisation à deux ans
« La fin annoncée de la scolarisation des deux ans impacte doublement les communes » écrit l’ANDEV, association des directeurs de l’éducation des villes de France, dans un communiqué. « D’une part, en renvoyant vers le développement des structures petite enfance l’ensemble de la prise en charge de cette tranche d’âge, l’Etat se décharge financièrement sur celles-ci et sur la CAF. Les communes seront dans l’incapacité d’apporter des réponses rapides tant en termes organisationnel que budgétaire. D’autre part, et cet aspect est rarement souligné, les efforts effectués à l’école (sur les temps scolaires ou non) pour l’accueil des plus petits, tant en investissement qu’en fonctionnement, deviennent inutiles et ne pourront pas être redéployés sur les structures petite enfance ».
L’Andev dénonce « le repli institutionnel » de l’éducation nationale. « En visant ainsi des économies de postes d’enseignants, l’Etat, aggraverait globalement les dépenses publiques pour le pays dans ce domaine. La scolarisation des 2 / 3 ans comme l’a récemment relevé la Cour des Comptes est le système le moins onéreux pour la puissance publique et pour les familles. Système peu onéreux, la scolarisation des 2/3 ans est aussi le mode d’accueil dont le financement est le mieux réparti entre les différents contribuables et usagers », puisque sa prise en charge est faite par l’Etats, les communes et les parents.
L »Andev relève également l’impact positif de la scolarisation à deux ans sur les écoles maternelles. « Les écoles maternelles on su construire leurs projets en fonction des plus petits. Il apparaît même, que c’est souvent à partir de leur accueil qu’elles ont développé des axes d’intervention forts et innovants : attention portée aux parents, travail d’équipe entre enseignants (décloisonnement) et avec les autres professionnels (ASEM notamment). C’est le plus souvent en maternelle que se fonde ainsi les bases de la « communauté éducative » et que la « co-éducation » prend tout son sens. Ce travail porte ses fruits, et la scolarisation précoce pour les enfants les plus en difficulté est majoritairement considérée comme positive par les études conduites sur ce sujet ».
Pour l’ANDEV, « la déscolarisation des 2/3 ans ne procède donc ni d’une logique éducative, ni d’une logique économique, mais bien d’une seule volonté de réduction budgétaire de l’Education nationale. Cette orientation révèle un repliement institutionnel de l’éducation nationale sur elle-même, et une totale absence de vision globale sur cette question ».
L’Andev
http://www.andev.fr/
Sur le Café, le dossier scolarisation à deux ans
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Signer la pétition de l’Ageem
http://marnesia.free.fr/phpPetitions/index.php?petition=2
Xavier Darcos s’excuse
« L’école maternelle est une véritable école, qui accueille la totalité des enfants de 3 ans : c’est bien pourquoi nous l’avons dotée d’un vrai programme d’enseignement ! Quand j’ai dit, en réponse à une question sur la scolarisation des enfants dès 18 mois, qu’il ne fallait pas confondre le métier d’enseignant à la maternelle avec celui de puéricultrice, certains y ont vu une remise en cause des maîtres de maternelle ; mais telle n’était pas du tout mon intention, et si je les ai blessés, je m’en excuse auprès d’eux ! » Xavier Darcos a présenté ses excuses lors du débat sur le budget de l’éducation nationale au Sénat.
Le 3 juillet 2008, il avait déclaré en commission au Sénat. « Est-ce qu’il est vraiment logique, alors que nous sommes si soucieux de la bonne utilisation des crédits de l’Etat, que nous fassions passer des concours à bac + 5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches ? »
Le 3 décembre, à propos de la scolarisation à deux ans, en réponse au sénateur PS Jean-Luc Fichet, Xavier Darcos a annoncé son intention de geler la situation. « La scolarisation des tous petits pose deux types de questions. D’abord, est-elle utile à l’enfant et permet-elle d’améliorer les résultats scolaires ? Je n’ai pas d’avis définitif sur le sujet car les multiples controverses n’ont pas permis de trancher le débat. En revanche, l’école maternelle a ses programmes et ses ambitions et la scolarisation des tous petits risquerait de modifier la nature même de cette école. En second lieu, que faut-il faire pour les enfants de 18 mois à 3 ans ?… Dans l’attente de solutions collectives pour l’accueil des plus petits, le statu quo prévaudra… Il se situe ainsi en retrait par rapport au rapport Papon demandant la suppression de la scolarisation à deux ans. Saura-t-il pour autant résister à la tentation d’utiliser les crédits de celle-ci pour d’autres taches ?
Le compte-rendu des débats
http://www.senat.fr/cra/s20081203/s20081203_2.html#par_17
La pétition pour l’école maternelle explose
« OUI à l’école maternelle française publique, laïque et gratuite pour tous, qui accorde toute sa place à l’enfant, l’élève, le futur citoyen, qui considère l’enfant dans sa globalité, qui lui donne le temps de s’approprier les savoirs, qui vise la construction et l’épanouissement de sa personne ». La pétition de l’Ageem, association d’enseignants en maternelle, a collecté plus de 160 000 signatures.
Pour signer la pétition
http://marnesia.free.fr/phpPetitions/index.php?petition=2
Pour que la maternelle fasse école
« Défendre l’école maternelle c’est la transformer pour que tous les élèves aient droit aux apprentissages ». Le 31 janvier 2009, à Paris, le GFEN, en partenariat avec le Café pédagogique, organise à Paris ses Rencontres nationales pour l’école maternelle.
Conférences (P. Meirieu, Bruno Suchaut, S. Cèbe etc.) et ateliers alternent pour réfléchir ensemble au vocabulaire, au lire-écrire, à la pensée scientifique.. Les Rencontres sont ouvertes à tous les parents, enseignants, éducateurs, élus des collectivités locales.
Le programme
http://www.gfen.asso.fr/activites/maternelle.htm
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