Par François Jarraud
La presse dévoile les conclusions du rapport Varinard sur la réforme de l’ordonnance de 1945 organisant la justice des mineurs. Il recommande de fixer l’âge de la responsabilité pénale à 12 ans, de créer un tribunal correctionnel pour mineurs, une garde à vue de 12 heures pour les mineurs de moins de 12 ans.
« Où peut bien aller un pays qui a si peur de sa jeunesse… » interroge la FCPE. Cette interrogation sur la place de l’enfant est au cœur de ce qui devrait être un des débats majeurs de l’année, la justice des mineurs. Le rapport de la Commission Varinard, chargée de réformer l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs, a été présenté au conseil des ministres du 3 décembre. Il instaure une minorité pénale à 12 ans. On pourra donc prendre des sentences pénales, comme l’emprisonnement, à partir de 12 ans. La majorité pénale restera à 18 ans. Il instaure un nouveau tribunal. Un jeune de16 à 18 ans , s’il est récidiviste, pourra être jugé par un « tribunal correctionnel pour mineurs », une nouvelle juridiction composé majoritairement de magistrats non-spécialisés dans les mineurs.
Pour Rachida Dati, « un mineur a besoin d’autorité… Dire qu’un mineur d’aujourd’hui peut justifier une sanction pénale à partir de 12 ans me semble correspondre au bon sens ».
Cet avis n’est pas partagé par tous les magistrats. Ainsi Thierry Baranger, juge des enfants, dans Le Monde, » la création d’un tribunal correctionnel spécialement composé est une profonde régression, qui nous ramène avant 1945, quand le tribunal de la Seine siègeait tous les jeudis, avec un juge des enfants parmi ses membres. C’est un moyen d’avoir plus de répression. Ce tribunal jugerait aussi les personnes devenues majeures au moment de leur jugement. Cela risque de poser des problèmes constitutionnels. En France, on juge en fonction de l’âge au moment des faits, non au moment du jugement. Un jeune qui commet des délits à 17 ans ne sera pas jugé de la même façon en fonction du moment où il passe au tribunal ! »
La Fsu a pris position contre ce texte. » La FSU dénonce ces orientations dont les effets risquent d’être désastreux pour les jeunes et leur éducation…Elle exige notamment le maintien d’une Justice spécifique pour les mineurs séparée de celle des majeurs et de la double compétence civile et pénale de la PJJ, la fermeture des EPM qui font de l’incarcération la réponse privilégiée ».
L’Unicef, qui mène campagne contre ce rapport avec un dossier très intéressant, s’interroge sur le sens des mots utilisés dans le rapport. « La substitution systématique du terme « enfant » pour celui de « mineur » interroge sur sa raison d’être. Cette modification… désincarne l’enfance ». C’est bien l’image de l’enfant entre individu à protéger et éduquer et délinquant potentiel qui est en train de diviser l’opinion. Pour la majorité, ce projet de loi est tout aussi logique que la détection des criminels à la naissance.
Déclaration de Dati sur le site officiel et rapport Varinard
http://www.premier-ministre.gouv.fr/chantiers/justice_856/rappor[…]
Rapport Varinard
http://www.premier-ministre.gouv.fr/IMG/doc/Rapport_Commissio[…]
La Fcpe
http://www.fcpe.asso.fr/ewb_pages/a/actualite-fcpe-2243.php
Unicef
http://www.unicef.fr/accueil/je-m-informe-sur-les-droits-des-[…]
Sur le Café
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2008/04/1504200[…]
L’analyse contradictoire de L Mucchielli
« Il n’est pas vrai que la délinquance des mineurs ne cesse d’augmenter tandis que celle des majeurs baisse ». Le sociologue Laurent Mucchielli passe au crible les propos de Rachida Dati sur la délinquance des mineurs dans Rue 89. « En comparant l’évolution de la part des majeurs et de celle des mineurs parmi les personnes « mises en cause » par la police, l’on constate en effet que, après avoir fortement augmenté entre 1994 et 1998, la part des mineurs dans l’ensemble des personnes mises en cause par la police et la gendarmerie n’a au contraire cessé de baisser depuis dix ans, passant de 22% en 1998 à 18% en 2007.
Un exercice qui démonte l’argumentaire de la ministre alors que se prépare une révision des textes existants. « Il n’est pas prouvé », continue L Mucchielli, que les mineurs délinquants sont « de plus en plus jeunes ». La seule statistique disponible est ici la statistique judiciaire, qui fournit depuis 1989 une ventilation des personnes condamnées par tranches d’âge: moins de 13 ans, 13-16 ans et 16-18 ans pour les mineurs, d’autres tranches pour les majeurs. Et la comparaison de cette répartition par âge montre une remarquable stabilité de la répartition par âge ».
L. Mucchielli ne comprend pas l’importance accordée aux enfants de moins de 13 ans. « On ne voit pas ce qui permet de dire qu’il existe un problème grave et particulier avec les mineurs de moins de 13 ans. En réalité, avec 2 022 personnes condamnées en 2006 sur un ensemble de 614 231, la part des enfants de moins de 13 ans représente seulement 0,3% de l’ensemble. Par comparaison, la part des plus de 60 ans est huit fois plus importante… »
Article Rue 89
http://www.rue89.com/2008/11/25/dati-et-les-mineurs-elle-defor[…]
http://groupeclaris.files.wordpress.com/2008/11/note-statistiq[…]
Nouvelles critiques pour la commission Varinard
« DEI-France, qui s’était interrogée en avril dernier sur l’opportunité et le bien fondé d’une nouvelle retouche de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, s’inquiète vivement des conclusions de la Commission Varinard ». L’association juge la réforme projetée « inutile, inopportune, dangereuse et non efficiente ». Elle estime que « la justice en sortira déséquilibrée ».
Un avis partagé par la défenseure des enfants. Celle-ci « tient à faire savoir que (certaines propositions de la commission) ne s’inscrivent pas dans le sens des engagements internationaux de la France et notamment de la Convention internationale des droits de l’enfant ».
Avis de DEI France
http://www.dei-france.org/DEI-communiques-commentaires/2008[…]
Avis Defenseure des enfants
http://www.defenseurdesenfants.fr/avis.php
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