Cintia Rodríguez,
Université Autonome de Madrid : « Il n’y
a pas de développements minuscules »
Persuadée qu’il
y a pas de «
développement naturel inné »,
comme le prétend la littérature anglo-saxonne
lorsqu’elle oublie trop souvent les objets de la culture qui
font partie de notre histoire, C. Rodríguez entend montrer
que les premiers gestes des petits enfants se se font pas « dans le vide
». Face à un problème
à résoudre, le bébé ne fait
pas que réagir, il agit. Le même geste fait dans
des circonstances différentes change de signification. Il
n’y a pas de «
significations naturelles,
mais des accords
d’usages,
des conventions publiques ».
Pour preuve,
l’enregistrement vidéo d’une filette de
dix-huit mois, essayant d’enfiler un anneau sur un petit mat,
à côté de sa mère. Voyant
qu’elle n’y parvient pas, la petite fille partage son activité
entre les gestes qu’elle fait en direction de sa
mère, mais aussi envers elle-même : elle se met
à observer la structure de l’anneau avant
d’essayer de l’enfiler, pointe avec son index le
haut du mat pour signifier qu’elle a compris ce qui lui
faisait défi…
Pour C. Rodríguez,
« on sait
très peu quelles sont les conditions
d’interactions pour que les enfants manifestent des
intentions communicatices ». Dans ses
premiers gestes
« proto-interrogatifs », l’enfant sollicite de
l’autre que sa conduite soit régulée
pour pouvoir continuer son action sur le monde. Ici, la
petite fille se retourne vers sa mère avec un petit bruit
interrogatif pour qu’elle lui permettre de continuer. Mais
dans un autre genre, dans les gestes privés (ostentifs,
indexicaux ou symboliques), l’enfant se donne les
moyens de réguler ses comportements grâce
à ses premières connaissances culturelles.
C’est la « communication
retournée vers soi-même »,
auto-réflexive.
Bref, ses indices corroborent
ses hypothèses : le développement se fait
toujours en Majuscule…
Jean-Paul Bernié,
Université Bordeaux 2 & 4 : « Diriez-vous
que l’air est l’instrument des oiseaux ? »
Explorant la question de son
point de vue de didacticien du français, J.-P. Bernier
reconnaît volontiers qu’au départ, sa
discipline ne posait que peu la question du développement.
Lorsque les didacticiens des maths parlaient des « milieux »,
ils parlaient du matériel didactique, des consignes, des
notions sur lesquelles on s’appuie, dans une vision
plutôt constructiviste. « Mais
dans les travaux plus récents, on
s’intéresse davantage au langage, à la
manière dont les élèves reconstruisant
à l’Ecole des rôles, des
règles de fonctionnement d’une
communauté humaine donnée (ici, les
mathématiciens) ».
« Diriez vous que
l’air est un instrument des oiseaux ? » feint-il de demander
à la salle. Oui et non : c’est l’air qui
fait que l’oiseau est volant. Le langage, comme milieu,
n’est-il pas dans une situation comparable ?
Pour
lui, le contexte est l’effet d’une interaction. Il
est remodelé, recréé par la dynamique
de l’apprentissage.
Pour preuve, J.-P Bernier
cite ce que son laboratoire observe chez les
élèves d’une classe de CE2 qui
travaille sur les échanges intra-utérins : « Au
départ, on constate que les élèves
pensent que le sang de la mère irrigue le sans du
fœtus ». Mais lorsque
l’enseignante écarte cette hypothèse,
au nom des savoirs scentifiques («
la science sait que le sang de la mère ne communique pas
avec celui du fœtus »), elle demande
à ses élèves de chercher de nouvelles
hypothèses.
Ils cherchent alors à s’appuyer sur les ressources
dont ils disposent : le langage descriptif quotidien, fortement
imagé. Ce n’est qu’en dernier recours, «lorsqu’ils
ne parviennent plus à s’en sortir»,
qu’ils ont recours à des
éléments du langage
« scientifique ». «
La pensée se meut avec difficulté dans la
forêt des signes » écrivait
Vygostski. «
C’est lorsqu’il passe par des positions
énonciatives différentes, au cours desquelles il
parvient à faire des liens entre les deux niveaux de langue,
qu’on peut considérer que
l’élève entre dans le
développement. Apprendre à
réfléchir comme un historien transforme,
réorganise les rapports entre la conscience de soi et
conscience du temps, comme l’écrit V.
Tartas… ».