avec Claire Pontais, professeur d’EPS, responsable nationale du
syndicat des professeurs d’EPS (SNEP) :
« Les formulations ne donnent quasiment
plus d’indication sur ce que l’élève doit apprendre »
Quel
regard potez-vous sur les contenus pour les quatre heures d’EPS prévus
par le projet de programmes du primaire ?
Comme
l’ensemble du projet de programmes, les programmes EPS sont
énormément raccourcis et révèlent une conception
peu ambitieuse de l’école : un recentrage sur des « fondamentaux » qui
n’en sont pas, un rapport à la culture fortement minimisé au
profit d’apprentissages parcellisés, une régression de la dimension
artistique, une idéologie de l’ordre moral … Nous sommes loin d’une
émancipation des élèves par l’appropriation de savoirs !
Faites-vous une différence entre
ce qui est annoncé pour la maternelle et l’élémentaire ?
Pour la
maternelle, les contenus proposés sont un énorme retour en
arrière. Les activités concrètes (gymniques, athlétiques, … )
ne sont plus citées, par conséquent tout ce qui faisait référence aux
intentions et au sens que les élèves doivent donner à leurs actions
disparait. Sont supprimées par exemple les activités
athlétiques (courir vite, lancer loin) qui permettent aux enfants de
mesurer leurs actions et prendre des repères dans l’espace et le temps
de manière très concrète. A la place, « des activités libres ou
guidées, dans des milieux variés » qui sont censées permettre aux
enfants de « distinguer les notions de devant, derrière, au dessus, au
dessous… ». Cette visée utilitariste ne peut que conforter
des retours à une psychomotricité conçue comme le B A BA
sommaire et réducteur d’une « grammaire corporelle », alors que la
référence aux activités physiques et sportives avait permis –dans les
programmes de 2002 – d’aider les enseignant-es à construire des
contenus ayant du sens pour les élèves.
En élémentaire,
les compétences attendues sont un raccourci simpliste des programmes de
2002. Les formulations ne donnent quasiment plus aucune indication sur
ce que l’élève doit apprendre (d’ailleurs doit-il apprendre
?). Un enseignant qui voudra faire un module de « course
longue » ne trouvera comme repère qu’un simple « courir longtemps » au
cycle 2 comme au cycle 3 !
De plus, toutes les compétences
dites générales , c’est-à-dire ce qui permet à l’élève d’apprendre à se
connaitre, connaitre les autres et connaitre les activités (s’engager
lucidement dans un projet, mesurer les effets de son action, construire
des principes de vie collective…) disparaissent. Certaines
réapparaissent, de manière très instrumentalisée et avec un tout autre
sens, dans le chapitre « instruction civique et morale » dont une des
compétences est « pratiquer un sport collectif », comme si l’enjeu d’un
sport collectif n’était que d’apprendre à respecter des règles ! Et
pourquoi pas danser ensemble, courir ensemble … pour atteindre des
objectifs de tolérance et de solidarité ?!
Avec de tels
programmes, l’EPS peut se réduire à une simple animation quotidienne
destinée à «l’épanouissement », terme peu ambitieux utilisé dès
l’introduction des programmes.
Jugez-vous positive la décision
de porter l’horaire EPS à 4 heures hebdomadaires ?
Cet
horaire pourrait être une avancée correspondant à une
nécessité (4h, c’est l’horaire obligatoire des 6è depuis
longtemps), mais comment les enseignants vont-ils s’y
conformer dans une semaine réduite, sachant que l’horaire
réel effectué n’est que 2h15 en moyenne actuellement ? Ne doit-on y
voir qu’un effet d’annonce, dont la mise en œuvre ne relèverait que de
la seule responsabilité des enseignants alors qu’elle nécessiterait une
politique volontariste de formation et d’accompagnement,
ainsi qu’un plan de construction d’équipements sportifs
adaptés?
En tout état de cause, si le développement des
horaires d’EPS que le SNEP estime nécessaire à tous les niveaux
d’enseignement doit devenir réalité, il doit s’inclure dans une
réflexion d’ensemble sur l’augmentation du temps scolaire.