Par Julie ANNE
Cathy Rigal est la doc’ du collège Joliot-Curie à Aubagne (Provence, ville de Marcel Pagnol… pour situer !). Elle est, pour les personnes qu’elle a pu avoir en formation (initiale ou continue), ainsi que pour ses collègues, une référence tant en matière d’activités pédagogiques que de petites astuces pour que ça tourne mieux au quotidien. Et toujours avec le sourire!
Très modestement, elle a accepté une petite interview, entre quelques élèves qui l’interpellent toutes les 2 minutes et les collègues qui passent dire le bonjour et discuter un peu.
Café : Quelques mots sur ton parcours professionnel ?
Cathy Rigal : J’ai passé une maîtrise de lettres modernes, étudié la psychologie de l’adolescent, fait une formation en littérature jeunesse, puis j’ai passé le CAFB (Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Bibliothécaire) qui n’existe plus , option documentation scientifique. J’ai été recrutée à Bibliothèque Municipale de la Ciotat dont j’ai été la responsable de la section Jeunesse pendant 10 ans.
J’ai alors travaillé énormément dans les établissements scolaires des maternelles aux lycées (présentation de romans, défis-lecture, rallyes lecture, rencontres d’écrivains…) : ça s’est fait en parallèle du plan » 100 livres pour une école » de Jack Lang pour les BCD. Je me suis mise alors à former les instituteurs: sur la littérature jeunesse, sur que faire avec un livre, etc…
Mais à force d’être sur le terrain avec les enseignants, j’ai été frustrée au bout d’un moment par les limites de mon travail ! d’autant plus que je m’étais vraiment tournée vers la formation pédagogique (tant vers les élèves que vers les professeurs), chose que justement on ne fait pas en médiathèque.
J’ai alors, sur les conseils de beaucoup, passé le CAPES interne, tout en ne pensant pas l’avoir. J’ai reçu beaucoup d’aide de toutes les rencontres que j’avais faites (chefs d’établissement, agents, conseillère pédagogique…) pour passer l’oral…que j’ai réussi, à ma grande surprise!
Après avoir été affectée dans différents établissements, je suis depuis six ans à mon poste actuel : le CDI du collège Joliot-Curie.
Café : Quels ont été les apports de ce parcours pour le métier de doc’ ?
CR : La fonction territoriale, c’est vraiment différent de l’Education Nationale : beaucoup plus de moyens mais un poids politique plus lourd à supporter aussi, avec une forte tentation d’exercer un » regard » sur notre politique d’acquisition. On a le poids de l’image de la ville aussi, avec le devoir de réserve.
Mais cela m’a apporté énormément de rigueur dans mon travail et en particulier de trouver normal de » rendre des comptes » : en médiathèque, on est tenu à rendre régulièrement des rapports d’activités et ça oblige de fait à monter le plus finement possible les projets (le flou n’est pas toléré !). J’ai donc l’habitude de toujours faire des projets CDI et des bilans réguliers, tant pour moi que pour les autres partenaires…et mon chef d’établissement. Je pratique également beaucoup l’autoévaluation, avec les élèves à la fin des séances par exemple.
Je suis intimement convaincue que le manque de lisibilité chez mes collègues documentalistes génère souvent ce manque de reconnaissance dont se plaint la profession (oups! je vais me faire huer!).
Autre apport de mon parcours en bibliothèque : l’habitude de travailler en équipe, de déléguer, mais aussi de partager son espace. Je considère ainsi que ce n’est pas MON CDI mais celui avant tout des usagers de la cité scolaire.. Réflexion similaire mais touchant là l’établissement dans son ensemble : nous, documentalistes, avons énormément de mal à mobiliser les collègues pour une animation en soirée (vernissage d’exposition par exemple) alors que, lorsqu’il y avait une animation dans la bibliothèque, les autres services venaient, pour participer ou tout simplement regarder, ce n’est pas le cas au CDI. Un autre état d’esprit…
J’ai aussi l’habitude de travailler en réseau : je suis en contact avec tous les partenaires de la ville (institutionnels et associatifs) et avec certains d’entre eux des projets se montent .
Enfin, ces expériences m’ont appris qu’il faut, avant toutes choses, répondre aux besoins des usagers, de l’établissement, des circonstances (manifestations, projets..), et que donc l’emploi du temps comme la politique d’acquisition doit pouvoir être modulables.
Café :Comment fonctionnes-tu au quotidien ?
CR : J’ai un principe, comme je l’ai dit : ce n’est pas MON CDI, mais le CDI de toute la communauté scolaire: il n’y a donc pas de soucis pour moi si je dois » prêter » mon espace à un collègue quand je n’y suis pas…Je demande donc juste à chacun d’être respectueux de l’espace.
Je fournis chaque jour une » feuille de route » à la vie scolaire, indiquant mon emploi du temps de la journée : cours, temps de saisie, etc…
En fait, je communique énormément : par oral, par écrit (affichages, mots dans les casiers). Auprès de l’administration, de la vie scolaire, de la loge…En fournissant des informations sur où je suis, ce que je fais. Et régulièrement, je fais des sélections de livres, des activités poétiques,…qui prennent place dans l’établissement à n’importe quel moment.
Le CDI doit toujours pour moi être au coeur de tout ce qui se passe au collège, mais aussi autour : je tâche ainsi de participer aux réunions ou encore d’être en salle des profs pendant la récréation du matin..
Et je tiens à faire participer les élèves à la vie du CDI : ça m’aide avant tout parce qu’il manque du personnel (je suis seule pour plus de 500 élèves), mais aussi parce qu’ils sont très demandeurs et que cela les responsabilise. Ils m’aident ainsi à couvrir les livres, à taper les textes d’informations, à répondre parfois au téléphone en cas de rush…
Café : Tes rapports avec les élèves ?
CR : Pour eux, je suis » Mme esprit critique » ou » Mme méthodologie « , la » prof de méthodo » en somme. Ils savent que s’ils ont un problème d’information ou besoin de conseils quelconques, ils peuvent s’adresser à moi. Je suis une personne- ressources qui va aussi bien les aider pour rédiger une lettre de motivation que pour avoir des renseignements sur telle ou telle filière. Mais ils savent qu’il y a un retour : tel élève qui sera venu demander des informations sur telle école sera invité à venir témoigner de sa formation actuelle auprès des élèves plus jeunes. La chose se fait fréquemment du fait que beaucoup d’anciens élèves (mon collège appartient à une cité scolaire avec lycée accolé) reviennent facilement me voir.
C’est l’idée, en somme, d’un réseau d’entraides et d’informations où nous sommes » passeurs de ressources « mais où même les élèves participent.
Café :Tes gros projets en cours ?
CR : Je continue les B.I.P (Brigades d’Intervention Poétique), avec des élèves de 6èmes responsables du projet : on fait des interventions libres dans les classes pour déclamer des poèmes selon les thèmes qu’ils ont choisis.
Je travaille beaucoup avec mes 28 délégués culturels (concept créé par le PIJ d’Aubagne) : ils font le lien entre la ville et le collège en participant aux activités culturelles de la ville (Salon du livre jeunesse, Festival international du Film etc…) et en rendant compte sur le blog du collège (actuellement en reconstruction).
Je participe également à la DP3 avec deux autres professeurs. Les cours ont lieu au CDI : on y fait découvrir les métiers aux élèves, en les plaçant dans la peau de » journalistes » au travers de rencontres avec des professionnels passionnés (maitre-verrier, informaticien, mécanicien…). Ils doivent prendre des notes, chercher des informations et faire des compte-rendus.
J’ai également un projet » Afrique » avec l’équipe du médiabus d’Aubagne pour le printemps : nous allons travailler sur le thème » Femmes et Afrique Noire » avec des classes et les délégués culturels.
Enfin, mais plus incertain : un collège-lycée expérimental Freinet se monterait sur La Ciotat. Un groupe de réflexions, auquel j’appartiens, a été formé. C’est l’idée, entre autres, de créer un autre climat de travail et de relations dans les pratiques pédagogiques….et tout ce travail dans la transversalité n’est pas pour nous, les documentalistes, très nouveau!
Café : Si tu devais dire quelques mots pour finir…
CR : Important : se faire connaître et faire connaître ce que l’on fait (d’où l’intérêt de faire et transmettre régulièrement des rapports d’activités), et pour cela travailler toujours plus en réseau, tant au sein de l’établissement qu’avec ce qu’il y a autour. En un mot : toujours être lisible !
Et puis, si l’usager (élève, professeur ou autre) est content et qu’on arrive à répondre à ses demandes, c’est qu’on a fait notre job!
Propos recueillis par Julie ANNE