Par François Jarraud
Le ministre vient d’en poser les bases. Avec des recettes simples il annonce une forte réduction rapide de l’échec scolaire. Est-ce possible ?
Darcos publie le cahier des charges de sa réforme du primaire
« La première étape de cette nouvelle ambition sera de diviser par trois, d’ici la fin de cette mandature, le nombre d’élèves en situation d’échec lourd. C’est le premier objectif de ce projet pour l’Ecole primaire ». En publiant, le 14 novembre, le « document d’orientation » pour les nouveaux programmes de l’école primaire, Xavier Darcos n’évite pas l’ambition du progrès rapide et massif dans l’école.
Pour atteindre, en moins de 5 ans, cet objectif il envisage plusieurs outils. En premier lieu, il souhaite diviser par deux le nombre des redoublements: de 18% ils passeraient à moins de 10%. Pour le ministre, il est clair que « le redoublement précoce n’a aucun impact positif sur la poursuite de la scolarité d’un élève », une affirmation que la recherche ne peut que confirmer.
L’autre moyen c’est le renforcement des fondamentaux et prioritairement du français. X. Darcos oppose « deux temps de l’école : le temps de la transmission des savoirs au service de l’acquisition par tous les élèves des apprentissages fondamentaux et le temps de l’accompagnement éducatif » ces derniers « empiètent trop sur les contenus fondamentaux.
Le dernier outil c’est le pilotage par l’évaluation. Deux évaluations nationales seront imposées au milieu de l’année en CE1 et CM2. « Les progrès accomplis par les élèves et mesurés par ces évaluations constitueront le véritable indice de réussite de la politique scolaire ». L’évaluation des enseignants intégrera les résultats de leurs élèves. Le ministre écrit même cette phrase assez curieuse : « L’évaluation des professeurs des écoles doit être redéfinie : pour ne plus s’attacher seulement à la méthode pédagogique de l’enseignant mais intégrer les progrès des élèves » comme si l’école n’était qu’une machine à instruire…
Les élèves en difficulté bénéficieront de travaux en petits groupes, à l’écart de leurs camarades, durant les deux heures hebdomadaires libérées (celles du samedi matin). « il sera proposé à tous les élèves présentant en fin d’école primaire de grandes difficultés dans la maîtrise du langage, de la lecture ou de l’écriture, un stage de remise à niveau entre la fin du CM1 et le commencement de la scolarité au collège ».
Enfin, l’école maternelle devrait être elle aussi réformer. « Il faut donner à l’école maternelle un programme qui respecte mieux sa spécificité en matière pédagogique ». Il rejoint là aussi une demande du HCE.
Le Snuipp a réagi à ces propositions en estimant que « l’ensemble des propositions ministérielles, en l’état, apparaissent comme peu crédibles ». Le Snuipp critique particulièrement le renforcement du français. « La notion de priorité absolue à l’apprentissage de la langue française ne risque-t-elle pas de se traduire par la diminution de l’enseignement des mathématiques, des sciences, de l’éducation artistique, de l’EPS, de l’histoire – géographie ?… L’absence de référence aux RASED, à la formation continue et aux dispositifs de classe passerelle et de scolarisation de moins de trois ans est inquiétante ».
Cette feuille de route semble à la croisée de plusieurs influences. On y retrouve d’abord celle du rapport du HCE : la nécessité de lutter contre l’échec scolaire, de recadrer l’enseignement en maternelle et de lutter contre les redoublements. On y voit aussi celle de l’accountability américaine : des batteries de test permettent d’observer les résultats des écoles et, par suite, obligent les établissements à s’améliorer et particulièrement ceux qui ont les publics les plus défavorisés. Pour cela ils organiseront des renforcements en petits groupes. Malheureusement on peut craindre qu’une vision aussi simpliste n’apporte pas les réponses attendues. Il ne suffira pas plus de retenir plus longtemps à l’école certains élèves pour qu’ils améliorent leurs résultats que mettre en place des batteries de tests pour assurer une éducation de qualité. Le document va maintenant servir de base à des échanges entre les acteurs de l’Ecole. Souhaitons qu’ils y introduisent le mot « éducation » .
Le document d’orientation (en pdf)
http://cafepedagogique.studio-thil.com/SiteCollectionDocuments/Documen[…]
Surle Café : le rapport du HCE
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2007/LerapportduH[…]
Sur le redoublement
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/05042007RedoublementUne[…]
Communiqué Snuipp
http://www.snuipp.fr/spip.php?article5060
108 heures
C’est le volume annuel dégagé par la suppression du samedi matin. A quoi servira-t-il ? La réponse devrait être trouvée dans les deux mois à venir, si on en croit la déclaration d’intention signée entre le ministère, le SNUipp, le SGEN et le Se-Unsa.
Le ministère affiche sa volonté : renforcer les moyens destinés aux 15% des élèves les plus en difficulté, pour diviser par trois le nombre d’élèves en échec…
Comment ? En s’organisant localement, en s’appuyant sur la « liberté pédagogique, l’autonomie, la responsabilité des équipes, l’évaluation des élèves ». On parle de « plus de maîtres que de classes », mais surtout, une fois de plus, d’évaluation. Des élèves, mais aussi des enseignants. Reprenant un discours désormais tracé au cordeau, le ministre tient aux enseignants un langage simple : une fois les difficultés des élèves évaluées, au CE1 et au CM2, utilisez les méthodes que vous voulez, mais faites les progresser : on vous évaluera là-dessus.
Que les causes de l’échec soient largement sociales, que les écoles aient besoin de l’appui de RASED, le ministre n’en parle pas. Repérez, remédiez, évaluez, le triptyque de la modernité ?
Mais pourra-t-on sortir « par le haut » ? Les personnels, dont beaucoup osent dire que leur principale préoccupation est de « travailler moins », tant certains aspects du métier leur pèsent, sont-ils prêts à jouer un « gagnant-gagnant » : moins d’heures de classe, mais plus pour les enfants qui ont le plus besoin de l’Ecole ?
Une fois de plus, on serait plus optimiste si on sentait les hiérarchies intermédiaires en capacité d’impulser, de donner confiance, de coordonner, de tracer la route. Là où cela existe, nul doute qu’on trouvera des équipes prêtes à « jouer le jeu ». Après tout, est-il incompatible de préparer une grève du 20 novembre, qui s’annonce très forte, et de réfléchir à des solutions concrètes pour aider ceux qui sont dans les classes, des deux côtés du bureau… ?
Patrick Picard
Le Snuipp, le Sgen-Cfdt, le Se-Unsa et le ministère discutent des heures libérées
» Le SNUIPP, le Se-Unsa, le Sgen-CFDT et le ministre de l’Education nationale décident d’engager des discussions… portant sur le réinvestissement des heures libérées par la suppression des heures de cours du samedi matin. Avec la 27ème heure déjà consacrée à la concertation et à la formation, ce sont 108 heures qui sont rendues disponibles dans l’année ». Après avoir annoncé de façon unilatérale et pressante la suppression des cours le samedi matin, X. Darcos a su introduire les syndicats dans la définition du dispositif.
Les syndicats ont d’ailleurs obtenu des garanties : « les moyens doivent être renforcés là où le besoin d’école est le plus fort; dans les écoles où la difficulté scolaire est la plus récurrente, le principe « plus de maîtres que de classes »pourra être retenu » précise le « protocole de discussion signé avec le ministre ». Le Snuipp « appelle les personnels à débattre et peser dans les discussions ». Le Sgen, qui attend de cette expérience le renforcement du travail d’équipe, » considère que cette démarche participe positivement à la défense et à l’amélioration du service public ». Un premier relevé de discussions sera publié en décembre, en janvier devraient être élaborés les textes réglementaires.
Communiqué Sgen
http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1500.html
Dossier ministériel
http://www.education.gouv.fr/cid5838/protocole-de[…]
Les orphelins du samedi matin…
« La préoccupation majeure doit être d’abord l’intérêt des élèves, tant en termes pédagogiques (acquisition des connaissances de base) que d’égalité des chances (améliorer la réussite de tous). À défaut, on aurait désormais de nouveaux orphelins, après «ceux de 4 heures», les orphelins des heures du samedi matin ». Le Club de l’école, une association d’anciens directeurs du ministère, s’inquiète du devenir des heures du samedi matin.
Selon le club, ce sont 13 millions d’heures qui sont menacées de disparaître. « Quelle institution au monde peut se permettre de laisser s’envoler tant d’énergie ? » s’indigne le Club dans Le Figaro.
Car ces anciens hauts fonctionnaires ne croient pas en l’utilisation de ces heures pour l’aide aux enfants en difficulté. « Outre les grandes différences entre écoles sur ce point, on voit les difficultés quant à organiser du soutien le soir au terme d’une journée scolaire unanimement décrite comme déjà longue ». On sait que les syndicats et le ministre feront des propositions début 2008 sur le devenir de ces heures.
Article dans Le Figaro
http://www.lefigaro.fr/debats/2007/11/09/01005[…]
Sur le Café : La concertation sur les heures du samedi
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2007/11/091120[…]