Par François Jarraud
L’initiative venue de l’Elysée devait rassembler les Français autour du président. Or si, dans « 99% » des lycées de France, quelqu’un a bien lu à quelqu’un la lettre de Guy Môquet le 22 octobre, 99% des lycéens n’ont pas eu le loisir de l’entendre. Pour la majorité des lycéens, il ne s’est rien passé. Comment expliquer ce flop présidentiel ?
A propos du « flop » Guy Môquet
Dès le début les objectifs de cette opération ont été brouillés par le spontanéisme présidentiel. S’il s’agit, comme le disent les instructions du 30 août, » de rappeler aux élèves des lycées l’engagement des jeunes gens et jeunes filles de toutes régions et de tous milieux qui firent le choix de la résistance », alors force est de constater que le président et ses conseillers auraient été bien inspirés de choisir un authentique résistant. Elles évoquent « la grandeur de notre pays » en y associant une citation du président qui justement la contredit. “Aimez la France car c’est votre pays et que vous n’en avez pas d’autre”, c’est un peu court comme argument pour honorer « la grandeur nationale » !
Les propos du porte-parole, puis de M. Guaino ont achevé d’ouvrir les yeux sur le projet présidentiel. Ainsi M. Guaino déclarant que « l’école, ce n’est pas un self-service », s’interrogeant sur les refus d’obéissance des enseignants (« Tout ça est très triste mais amène à s’interroger sur ce que doivent être au fond à la fois l’éthique et les devoirs d’un professeur dont la nation a payé des études, dont la nation paie le salaire et auquel la nation confie ses enfants ») et proclamant que Guy Môquet est là pour refonder une identité nationale menacée par le cosmopolitisme (« aujourd’hui, avec l’immigration, la mondialisation, la désintégration du travail, il y a un problème identitaire ») a réussi à faire tourner le dos à nombre d’enseignants qui envisageaient d’utiliser la journée pour un réel travail historique.
Ce projet est-il conciliable avec l’éthique professorale ? Un demi-siècle après Vichy peut-on attendre des enseignants qu’ils professent un amour aveugle de la patrie ? La question a déjà été posée récemment avec la loi sur « les aspects positifs » de la colonisation. On connaît la réponse des enseignants. Peut-on demander aux enseignants qu’ils participent avec leurs élèves à une cérémonie purement formelle, sans mise en perspective historique, qui serve de faire-valoir aux élus du secteur ? Comment l’Elysée n’a-t-il pas lu dans les instructions officielles mêmes de l’Education nationale qui exigent que la mémoire s’efface devant l’histoire, que la réflexion critique des élève s’exerce, le raidissement de la maison Education devant une conception aussi périmée de l’Ecole et de l’autorité ?
L’affaire Guy Môquet révèle une double erreur de stratégie et de tactique. Ce que les Français retiendront sur le fond ce sont les conceptions périmées qui logent sous les dorures élyséennes. L’obéissance passive exigée des fonctionnaires, le culte de la patrie, l’immigration perçue comme un ferment de désintégration nationale : le fossé entre l’Elysée et les valeurs de la majorité de la société française est mis à nu. Les enseignants sont plus troublés par l’utilisation qui est faite de l’ADN, par la chasse souvent aveugle, parfois mortelle, qui est faite des sans papiers que par les angoisses de M. Guaino.
Mais la leçon principale est encore plus simple : son aveuglément idéologique a empêché l’Elysée de sortir dignement de cette petite crise. Sera-t-il capable de gérer des conflits sociaux plus sérieux ?
Sur le Café : Lire ou ne pas lire G Môquet ?
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2007/10/1510200[…]
Une autre lettre celle de M. Manouchian
http://www.crda-france.org/fr/6histoire/a_d/20_resistancema[…]
Chantée par Aragon et Ferré
http://www.dailymotion.com/video/xdvkv_leo-ferre-laffiche-rouge
Mise en perspective historique
http://www.histoire-immigration.fr/index.php?lg=fr&nav=20[…]
L’Affiche rouge décryptée (TP)
http://www.histoire.ac-versailles.fr/old/pedagogie/supports/www2/[…]
Guy Môquet était obligatoire
La circulaire « laisse une liberté totale aux enseignants et aux chefs d’établissement d’organiser la journée comme ils l’entendent, mais effectivement cette lecture est obligatoire, au même titre qu’il est obligatoire pour un enseignant d’enseigner le programme qui lui est fourni pour sa classe ». Le porte-parole de l’Elysée a cru nécessaire de rappeler que la cérémonie du 22 octobre en faveur de Guy Môquet est obligatoire.
Dépêche AFP
http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous/l_a[…]
Guy Môquet : Des ressources
« Ce sont les Français qui me livrent, mais je crie : « Vive la France », les Allemands qui m’exécutent, et je crie : « Vive le peuple allemand et l’Allemagne de demain. » Recevez pour la dernière fois mon dernier message et les derniers baisers de l’amour, d’amour fidèle. Adieu, chers parents ». La dernière lettre de Guido Brancadoro, un mineur italien du nord de la France, orne le dossier réalisé par le Crdp de Créteil à l’occasion de la journée du 22 octobre en souvenir de Guy Môquet. Il présente notamment la vie du jeune Guy Môquet, un exemple de tract pacifiste diffusé en 1940 par Môquet.
Le Cndp publie un autre dossier, plus copieux, qui inclut, par exemple,les rapports de la police française , à l’origine de l’arrestation en tant que militant communiste de G. Môquet. Le dossier propose une étude de documents pour le cours d’histoire. Rappelons que le Café a signalé d’autres ressources comme le cours de P. Papet et JP Roux ou l’important dossier sur les rapports entre histoire et mémoire du Crdp de Reims.
Sur le Café, Lire ou ne pas lire Guy Môquet
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2007/10/1510200[…]
Dossier Créteil
http://www.crdp.ac-creteil.fr/cddp94/Animation/guymoquet-ac[…]
Dossier Cndp
http://www.cndp.fr/memoire/guy_moquet/college-lycee/intr[…]
Le cours de P. Papet et JP Roux
http://cinehig.clionautes.org/article.php3?id_article=330
Le dossier du Crdp de Reims
http://www.crdp-reims.fr/memoire/informations/actualites/22_octobre.htm
Guy Môquet : Les risques d’une lecture
On savait que la lecture de la lettre de Guy Môquet nuisait à la sérénité d’un établissement. Le Monde du 18 octobre interroge le psychiatre Xavier Pommereau. Frappé de la similarité entre la lettre de G. Môquet et celle de jeunes suicidés, le médecin met engarde les enseignants. » Cette lettre reste sur le registre de l’émotion et il faut éviter tout contresens. Rien ne dit que le jeune homme n’a pas choisi de mourir, y compris en se sacrifiant. Sortie de son contexte, elle peut avoir un aspect extrêmement pathétique et mobilisateur. Les lettres d’adieu que l’on trouve aujourd’hui ne sont pas celles de jeunes résistants mais de jeunes suicidants. Et le suicide est la seconde cause de mortalité chez les 15-24 ans après les accidents de la route. Je le répète, il faut impérativement lever le doute… En plus du contexte historique, les professeurs peuvent aussi rappeler que Guy Môquet était un jeune homme comme eux, qu’il avait une fiancée, Odette, ce que rien ne laisse deviner dans la lettre, et qu’il dira à ses copains, avant de mourir, combien il regrette de ne pas avoir pu l’embrasser ».
Article du Monde
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-968422@51-968509,0.html
Le gouvernement pérennise Guy Môquet
Malgré l’échec de cette journée,le gouvernement a annoncé qu’il avait l’intention de pérenniser l’événement tout en le transformant.
Dépêche AFP
http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous/l_actualite_[…]