Par Serge Pouts-Lajus
Une clé contre la fracture ?
En cette rentrée 2007, le Conseil régional d’Ile de France distribue à tous les « nouveaux lycéens » et à tous les « nouveaux apprentis » une clé USB contenant des ressources numériques qui leur seront utiles pour leurs études. Il ne s’agit pas de la première initiative de ce type. Elle donne au café francilien l’occasion de revenir sur celles qui l’ont précédée et de réfléchir aux usages de la clé USB dans le contexte éducatif.
L’intérêt des éducateurs pour la clé USB est étroitement lié à la notion de fracture numérique. On sait que les lycéens, ne possèdent pas tous un ordinateur personnel, loin s’en faut. La clé ne se substitue évidemment pas à un tel outil de travail mais elle permet de transporter avec soi les fichiers et les applications qui composent généralement l’espace de travail sur un ordinateur personnel. Grâce à ce « bureau mobile », chaque poste informatique que le détenteur de la clé croise peut alors instantanément devenir son ordinateur personnel. Belle revanche pour celui qui est privé d’un tel équipement. Cette démarche rappelle un peu le fameux Vélib parisien qui fait passer en douceur et de façon non contraignante d’un dispositif basé sur la propriété individuelle à la mise en commun d’un bien collectif et permet ainsi aux parisiens sans vélo de se déplacer dans leur ville par cet agréable moyen.
Dans la continuité de cette inspiration mutualiste, la clé offerte par le Conseil régional contient une collection de logiciels libres. Ces ressources informatiques sont les fruits de la coopération de programmeurs ayant choisi de placer leur œuvre commune, dès le départ, dans le domaine public. Les lycéens et les apprentis, pour peu que les enseignants qui leur distribueront les clés le leur expliquent, comprendront ainsi qu’il existe des modalités de production et de diffusion des biens différentes de celles, fondées sur la propriété individuelle, qui leur sont les plus familières.
La clé francilienne atteindra-t-elle les objectifs ambitieux qui lui ont été fixés ? Il faudra d’abord qu’elle soit adoptée et qu’elle le soit pour des usages en relation avec l’éducation et la formation. Cela ne va pas de soi. Des détournements que chacun peut imaginer sont évidemment possibles. Pour un projet comme celui-ci, les mesures d’accompagnement en direction des jeunes mais également de leurs enseignants, des entreprises qui les accueillent pour les apprentis, des chefs d’établissement, sont indispensables. Elles sont même une condition principale du succès de l’opération. Dans ce but, un site d’échanges de pratiques auquel le café pédagogique contribuera a été mis en place par les trois rectorats franciliens.
Reste l’objectif le plus ambitieux et sans doute le plus noble du projet : la lutte contre la fracture numérique. Pour mesurer les effets de l’initiative dans ce domaine, il faudra attendre un an ou deux qu’elle ait porté ses fruits avant de procéder à une évaluation. Mais il est aussi possible de recueillir sans attendre des témoignages d’apprentis ou de lycéens ne possédant pas d’ordinateur personnel et auxquels la clé aura apporté un service de nature éducative. Ces témoignages qui pourront être mis en ligne sur le site de mutualisation montreront des usages concrets de la clé et autant de contributions élémentaires du projet à la réduction de la fracture numérique. Nous comptons sur les enseignants, lecteurs du café pédagogique francilien, pour faire remonter jusqu’à nous de tels témoignages.