Par François Jarraud
C’est sans doute la réforme la plus dangereuse pour le système éducatif et la démocratie. La suppression du collège unique n’est plus une réforme. C’est une rupture avec l’Ecole républicaine.
Qui veut la peau du collège unique ?
« Le collège unique est aujourd’hui totalement dépassé » affirme Xavier Darcos. Et il n’est pas le seul à s’attaquer à un collège énoncé comme le point faible du système éducatif. Ses adversaires dénoncent son échec à démocratiser l’éducation et les conditions de travail difficiles dans nombre d’établissements. Il y a deux ans, un sondage montrait que les enseignants étaient majoritairement hostiles au collège unique. Aujourd’hui c’est un syndicat classé à droite qui tente de réunir cette masse de mécontents pour obtenir la suppression du collège unique. Ces accusations sont-elles fondées ?
Peut-on parler de l’échec du collège unique ? « Malgré toutes les difficultés rencontrées, le collège a globalement atteint les objectifs qui lui étaient fixés » affirme Jean-Paul Delahaye. « Les enseignants de collège, les pionniers de 1975 comme les professeurs qui leur ont succédé, ont permis à un nombre sans cesse plus important d’élèves d’acquérir les connaissances et les compétences attendues dans le tronc commun de formation, alors même que les moyens étaient comptés au collège et que le contexte social dégradé rendait de plus en plus difficile l’action pédagogique en direction d’adolescents ». Les statistiques ministérielles confirment l’ouverture sociale croissante du secondaire.
Le collège unique est-il efficace ? Dans son nouvel ouvrage,Nathalie Mons s’est attachée à calculer,à partir des données PISA et de ses propres calculs,l’efficacité scolaire du collège unique. Ecoutons-la. « Le collège unique souffre d’une image négative en France, les enseignants et parents pensent que les résultats seraient meilleurs dans un système qui présenterait des classes voire des filières scolairement plus homogènes. Or, c’est le contraire. Il y a désormais un quasi-consensus sur le sujet dans la recherche, et mon étude va dans ce sens. Ce sont les systèmes qui, dans l’enseignement obligatoire, mixent le plus possible les élèves de niveaux scolaires et de conditions sociales différents qui sont les plus efficaces… Les dispositifs qui tendent à raccourcir le tronc commun – par exemple en France le module Découverte professionnelle de 6 heures qui exclut du collège les élèves les plus faibles dès la fin de la 4ème -, ce type de dispositifs est contre-productif en termes de performances scolaires… Les systèmes précocement sélectifs ne sont pas associés à des élites numériquement plus nombreuses. L’école unique n’aboutit donc pas à un sacrifice des élites ».
Vers la suppression de la loi Fillon ? La remise en cause du collège unique est d’autant plus surprenante que la loi Fillon a conçu un socle commun qui définit pour la première fois un bagage commun de connaissances et de compétences pour tous les jeunes Français. Remettre en question le collège unique c’est en fait revenir sur le socle commun. Robien l’avait fait avec l’instauration de l’apprentissage junior. La condamnation du collège unique serait le second signe d’abandon de la loi Fillon par la nouvelle équipe. Le premier signe a été donné dans le budget : on voit mal comment il pourrait dégager les postes nécessaires au déploiement des PPRE et de l’enseignement des langues.
Dans cette optique, la suppression du collège unique semble obéir à deux objectifs. Le premier est budgétaire,le second social. Car supprimer le collège unique c’est accepter l’idée que, comme sous la IIIème République, pauvres et riches ne fréquentent plus les mêmes écoles. C’est accepter de creuser la fracture sociale, voire la montée des communautarismes. Si pédagogiquement, la question du collège unique n’a plus à être posée, elle reste un enjeu politique fort. Attaquer le collège unique c’est défendre une société inégalitaire.
Deux articles à lire pour saisir les enjeux de cettemesure :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2007/r[…]
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lareche[…]
Le Snes se prononce pour le collège unique
« Pour le SNES, le collège doit effectivement être amélioré : il doit accueillir tous les élèves d’une génération pour leur offrir une culture commune tout en ayant les moyens d’articuler des ambitions éducatives pour tous, une prévention précoce des difficultés et un suivi correspondant aux besoins de chacun. » Le syndicat réagit aux déclarations de N. Sarkozy et de X. Darcos sur la suppression du collège unique.
« Se profile en filigrane la conception d’un service public d’éducation qui ne garantirait que le strict minimum pour le plus grand nombre et un cursus scolaire complet pour les plus « méritants ». Combinées à la disparition de la carte scolaire, les propositions que formule Xavier Darcos ne peuvent qu’aboutir à une accroissement des inégalités sociales et territoriales qui aujourd’hui compromettent la réussite de tous. Enfin, les propos du Ministre sur la prétendue surcharge des horaires des élèves ne visent qu’à justifier la poursuite et l’amplification des suppressions massives de postes d’enseignants. Qui peut croire qu’on peut faire réussir les élèves en leur offrant moins d’enseignement, en dégradant leurs conditions d’étude au sein de la classe au prix d’un travail personnel accru ? »
http://www.snes.edu/snesactu/spip.php?article2640
Pas de collège unique au Sénégal
A Dakar, le certificat d’études élémentaires et l’examen d’entrée en 6ème ont commencé le 21 juin, avec rédaction, dictée, opérations etc. Ils dureront deux jours. Ces examens, dont rêvent les conservateurs français, existent dans la plupart des pays d’Afrique de l’ouest.
Les résultats sont éloquents. Il y a près de 190 000 élèves en dernière année du primaire. Et seulement 95 000 en première année du secondaire. Seulement 10 000 jeunes arrivent en terminale sur une génération d’environ 300 000 jeunes. Est-ce sans rapport avec le sous-développement ?
http://fr.allafrica.com/stories/200706210129.html
Nouveaux programmes en Angleterre
Adieu Henri VIII et ses femmes. Vive l’histoire de l’Union Européenne ! Voilà un des changements des nouveaux programmes du secondaire qui seront introduits en Angleterre à la rentrée 2008 pour lutter contre l’échec scolaire.
Les deux maîtres mots de ces programmes, personnaliser l’enseignement et donner plus d’autonomie aux enseignants, ne surprendront pas. Le gouvernement britannique justifie sa politique en s’appuyant sur les usages internationaux.
Ainsi dès 2008, les enseignants disposeront de 25% du temps scolaire à leur gré pour adapter leur enseignement à leurs élèves. Parallèlement les contenus des programmes sont revus pour coller davantage aux questions des jeunes: ainsi en science les questions éthiques, les effets des drogues, l’éducation sexuelle entrent dans le curriculum. Trois nouvelles matières sont introduites : la cuisine (de 11 à 14 ans), l’éducation civique et l’identité nationale, la gestion des finances personnelles.
Ces nouveaux programmes font débat. Certains trouvent qu’on sacrifie la transmission traditionnelle des connaissances traditionnelles. D’autres trouvent qu’il est illusoire d’attendre d’enseignants habitués à suivre un programme précis une réelle capacité d’autonomie.
http://education.guardian.co.uk/schools/story/0,,21254[…]
Québec : les cycles en débat
La ministre de l’éducation du Québec a dévoilé le 20 juin la réforme du deuxième cycle du secondaire. Elle est marquée par une diversification des cheminements, accompagnée de passerelles. » Le Programme de formation de l’école québécoise pour le deuxième cycle du secondaire permettra aux élèves d’accéder, dès la troisième secondaire, à des parcours scolaires diversifiés… : un parcours de formation générale et un parcours de formation générale appliquée, donnant tous deux accès à la formation professionnelle, collégiale et, éventuellement, universitaire; un parcours de formation axée sur l’emploi, caractérisé par une alternance travail-études, qui peut mener directement au marché du travail ».
Le nouveau gouvernement québécois promet en même temps le retour de la moyenne, du redoublement et des bulletins chiffrés. Les nouveaux bulletins sont d’ailleurs déjà proposés en ligne.
Mais le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) québécois vient de condamner ces aspirations. » Des recensions récentes de recherches sur le redoublement confirment qu’en général, cette mesure s’avère dommageable pour l’élève, qu’elle diminue sa motivation et altère son estime de soi. Le redoublement peut influencer négativement la perception qu’un élève a de ses capacités, avec les effets négatifs sur sa motivation et sa performance que cela comporte ». C’est aussi au nom de la défense de l’hétérogénéité, de l’efficacité que le CSE s’oppose au retour de la moyenne dans les bulletins.
« Le Conseil tient à rappeler que l’organisation scolaire en cycles d’apprentissage et le découpage du programme de formation sur des périodes de deux années visent, entre autres choses, à tenir compte des différences et plus particulièrement des différences dans les rythmes d’apprentissage des élèves. Est-il cohérent de reconnaître, d’un côté, l’existence de différences dans les rythmes d’apprentissage et de l’autre, de comparer la progression des élèves entre eux? Par ailleurs, l’objectif de la réussite pour tous implique que l’accent soit mis tout d’abord sur la maîtrise des compétences visées par le Programme de formation de l’école québécoise. Il implique aussi des pratiques évaluatives qui soutiennent l’effort et le dépassement de soi plutôt que la comparaison avec les autres élèves du groupe ».
Enfin le CSE a également condamné le retour aux notes chiffrées (au Québec il s’agit de pourcentages) estimant qu’elles rendront le bulletins plus opaques.
L’avis du CSE n’est que consultatif. Mais il émane d’experts choisis par le gouvernement et s’appuie sur des travaux qu’il sera difficile d’écarter. Car l’esprit de la rénovation scolaire québécoise reste bien vivant.
Communiqué ministériel
http://communiques.gouv.qc.ca/gouvqc/communiques/GPQF/J[…]
http://www.cse.gouv.qc.ca/FR/Publications/index.html
http://www.mels.gouv.qc.ca/renouveau/index.asp?page=pu[…]
http://www.cyberpresse.ca/article/20070826/CPACTUALITES/7[…]