Entretien avec Philippe Tassel
Philippe Tassel publie Un serpent dans la peau sur Lencrier.net. Pour l’enfant, c’est avant tout un » roman qui fait peur » à lire pour le plaisir. L’histoire aborde un thème que le jeune lecteur connaît bien : le désir d’imposer au monde ses propres règles. Au-delà du suspens, le livre présente alors d’autres facettes…
CC : Chloé, 8 ans, dit du héros à la fin du premier chapitre » Mais il n’est pas gentil ! « .
PhT : Non, il n’est pas gentil. Il n’est pas heureux : il ne vit que pour lui, il croit qu’on lui en veut parce qu’il n’obtient pas tout ce qu’il désire.
CC : Pourtant, les enfants tiennent absolument à connaître la suite de l’histoire.
PhT : Les enfants s’identifient facilement à ce Pierre égocentrique. Eux le sont également souvent. Le côté merveilleux de l’histoire les accrochent aussi sans doute. N’est-ce pas attirant d’obtenir d’un seul coup tout ce que l’on souhaite, grâce à une simple formule magique ?
CC : Dans le premier chapitre, lorsque Pierre rentre de sa » journée poubelle « , il frappe sa sœur qui a le malheur de se trouver sur son chemin. » Ce n’est pas ma faute » argumente-t-il à sa mère.
PhT : Pierre n’a pas de recul ni d’analyse sur le monde. S’il subit quelque chose de désagréable, il faut qu’il décharge sa mauvaise humeur sur n’importe qui ou n’importe quoi. Il ne connaît que sa propre loi, celle de son unique plaisir, celle de son humeur, au détriment des autres. Il a un côté animal. Il n’a aucun sens de sa responsabilité. Tout est de la faute des autres toujours, mais lui n’a aucune conscience de la portée de ses propres actes.
CC : Grâce au livre de magie, Pierre arrive enfin dans SON monde à lui. En est-il satisfait ? Que représente cette odeur qui semble le suivre ?
PhT : En fait, Pierre se retrouve complètement face à lui-même. Il vit jusqu’au bout son absence de responsabilité, son besoin de détruire. Peut-on être heureux ainsi ? » Un serpent dans la peau » pose des problèmes, il donne des pistes pour y répondre, mais laisse la place à l’imagination de l’enfant. La mauvaise odeur est une piste. Elle interroge beaucoup les lecteurs. Elle dérange, elle dégoûte. C’est volontairement qu’elle n’est pas expliquée. J’aimerais que le lecteur se demande où ça cloche, où ça dérape et ce qui change chez Pierre entre le début et la fin de l’histoire.
CC : Page 5, Pierre se dessine un tatouage sur le bras. L’illustration de Martine Belot peut faire penser à un toxicomane…
PhT : Le dessin de Martine est allusif. Vivre dans son monde, un monde qui n’existe pas, on peut considérer cela comme un paradis artificiel. D’autant que Pierre est un garçon qui fuit le monde, comme certains toxicomanes.
CC : Pour ce roman, Martine Belot qui avait illustré » Un souterrain d’enfer » a changé de style.
PhT : Martine sait très bien rendre une ambiance. Un serpent dans la peau n’est pas dans le même registre qu’Un Souterrain d’enfer. Ici, les encres de Martine ne sont pas seulement narratives, elles apportent un éclairage particulier. Ainsi l’illustration de la page 5 donne à voir, » laisse entendre » un peu plus que le texte. L’illustration de la page 11 où Pierre regarde son bras, à la fois apaisé et interrogatif, lui répond. Elle ajoute un certain espoir à la menace toujours présente du… serpent dans la peau.
Propos recueillis par Christine Colomer
Un Serpent dans la peau et Un Souterrain d’enfer sont disponibles au format pdf sur le site de l’auteur. On y trouvera aussi de nombreuses préparations scolaires qui accompagnent les romans.
http://lencrier.net
Site de Martine Belot : http://perso.wanadoo.fr/artetcreation