Par François Jarraud
La circulaire de rentrée
Au primaire le ministre insiste sur « l’installation progressive de la référence au socle commun » et sur les fondamentaux : lecture, grammaire, calcul mental. La rentrée devrait voir la mise en place des protocoles nationaux d’évaluation en CE1 et CM2. Parallèlement l’évaluation de CE2 sera supprimée. Les PPRE seront généralisés en cycles 2 et 3 de l’école en donnant la priorité aux redoublants, ce qui montre un certain flou dans les moyens pour attribués pour les mettre en oeuvre. Même flou pour les langues : » l’apprentissage de la première langue vivante étrangère pourra commencer progressivement en CE1″ : elle ne sera donc pas généralisée. Enfin le livret de compétences sera mis en place au Ce1. Il a vocation à se transformer en livret scolaire électronique.
http://www.education.gouv.fr/bo/2007/3/MENE0700047C.htm
Les nouveaux programmes
Les nouveaux programmes du primaire
Fait unique, quelques jours avant la fin de sa charge, dans la précipitation, contre l’avis très majoritaire du Conseil supérieur de l’éducation (CSE), Gilles de Robien a fait modifier les programmes et les horaires de la maternelle et du primaire pour faire entrer dans les programmes les circulaires sur la lecture, le calcul et le vocabulaire. Le Journal Officiel du 11 avril publie les deux arrêtés ainsi que le BO hors-série n° 5 du 12 avril 2007.
Le 3 avril, le Snuipp a dénoncé « les conceptions passéistes » du ministre et en donne des exemples. « La maîtrise du « code alphabétique doit faire l’objet d’un apprentissage systématique dès le début du CP ». Les orientations propres du Ministre sont ainsi réintroduites à savoir privilégier le déchiffrage. A nouveau une phrase est introduite sur la lecture… Dans la partie vocabulaire, l’apparition du vocable « leçon de mots » traduit une conception cumulative des apprentissages. Les modifications concernant les opérations vont dans le même sens : on privilégie les techniques à la compréhension (ex : la maîtrise de la soustraction posée est exigible pour tous les élèves dès la fin du cycle 2, comme la multiplication des produits par 2 ou par 5 ». Les syndicats demanderont au nouveau gouvernement d’annuler ces textes.
Arrêté
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MENE0750379A
Arrêté
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MENE0750381A
Rappel : L’Expresso du 4 avril
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/04042007Accueil.aspx
Au B.O.
http://www.education.gouv.fr/bo/2007/hs5/default.htm
Du calcul à la grammaire
Robien a multiplié les textes durant les derniers mois de sa charge : calcul, grammaire, leçon de mots etc.
– Apprendre à lire : BO n° 2 du 12/01/06 :
http://www.education.gouv.fr/bo/2006/2/MENB0600023C.htm
– Enseignement de la grammaire : BO n° 3 du
18/01/07 :
http://www.education.gouv.fr/bo/2007/3/MENB0700097C.htm
– Enseignement du calcul : BO n° 10 du 08/03/07 :
http://www.education.gouv.fr/bo/2007/10/MENE0700408C.htm
– Acquisition du vocabulaire : BO n° 12 du
22/03/07 :
http://www.education.gouv.fr/bo/2007/12/MENB0700659C.htm
Enfin de nouveaux programmes de langues vivantes sont attendus cet été.
Leçons de mots : la circulaire est parue
La circulaire sur l’acquisition du vocabulaire est publiée au B.O. du 22 mars. Le texte impose une initiation méthodique au vocabulaire avec l’apprentissage chaque année de 500 mots dont la définition sera recopiée dans un carnet de vocabulaire.
Ce nouveau texte ministériel, préparé par un rapport d’Alain Bentolila, fait débat dans les colonnes du Café. Ainsi pour Pierre Frackowiak, » le vocabulaire ne peut s’apprendre que dans des temps de communication qui ont du sens pour l’enfant et non dans des activités formelles, scolaires au sens le plus péjoratif du terme. Il ne faut pas être expert, savant, linguiste ou ministre pour savoir que l’on peut connaître toutes les définitions des mots, connaître le dictionnaire intégralement par cœur et être incapable de parler, d’écrire, de communiquer ».
Rappel dans le Café
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/17032007AccueilDossiers_Lecondemots.aspx
Le cas du calcul
La circulaire sur le calcul est publiée
Le B.O. du 8 mars 2007 publie la circulaire sur le calcul. Basée sur le rapport de la Commission réunie par l’académie des sciences, elle introduit les 4 opérations dès la maternelle. « Très tôt, l’enfant manifeste des compétences relatives aux quantités et à leur expression par des nombres » déclare le texte , faisant allusion à la théorie de S. Dehaene. « L’acquisition de la suite orale des nombres commence dès la petite section de la maternelle et se poursuit en moyenne et grande sections… Des problèmes simples peuvent aussi les conduire à déterminer combien d’objets il faut ajouter ou retirer à une collection pour obtenir un nombre donné. Les situations de partage équitable ou de distribution sont aussi l’occasion d’une approche implicite du sens de la division ». Le texte instaure 15 minutes de calcul mental par jour. Pour le calcul posé il recommande une progression. « Comme l’a rappelé l’Académie des sciences, l’enseignement du calcul doit se faire selon une gradation en complexité entre maternelle et fin d’école primaire. Ainsi, au cycle 2 les élèves apprennent à effectuer des additions, des soustractions, des multiplications sur des petits nombres ; dès ce niveau, la division de deux nombres entiers simples est introduite à partir de situations concrètes en liaison avec l’apprentissage de la multiplication. La maîtrise des techniques opératoires des quatre opérations – addition et soustraction de nombres entiers et décimaux, multiplication de deux nombres entiers ou d’un nombre décimal par un nombre entier, division euclidienne de deux entiers – est un objectif important du cycle 3. À ce niveau, une première approche de la division décimale peut être faite en introduisant le quotient décimal d’un nombre entier par 2, 4 et 5 ».
La circulaire
http://www.education.gouv.fr/bo/2007/10/MENE0700408C.htm
Le dossier du Café
http://www.cafepedagogique.org/dossiers/maths06/index.php
« Enseigner le calcul », le nouveau dossier du Café
Avez-vous déjà vu un élève de CP redoubler parce qu’il ne savait pas ses tables de calcul ? Sans doute rarement. Contrairement à sa performance en lecture, véritable épée de Damoclès suspendue au-dessus de son avenir scolaire, les compétences réelles en calcul restent souvent peu discriminantes au cycle II.
Pourtant, dès les évaluations faites au CE2, on constate des écarts de performance qui inquiètent les enseignants : « Il confond les chiffres et les nombres ! » ; « Il n’arrive pas à maîtriser les techniques opératoires » ; « Il passe un temps fou sur les calculs »… C’est donc bien que le calcul, comme la lecture, mérite bien un débat sérieux. Comme pour la lecture, nombre de connaissances, notamment en psychologie, viennent nourrir le débat et permettre à l’enseignant un large pouvoir d’agir.
En effet, les apprentissages mathématiques à l’école élémentaire relèvent tellement de l’implicite, pour tout adulte non spécialiste, qu’il est fondamental d’interroger, d’un point de vue historique, social, mathématique, didactique, ces savoirs « incorporés », dans le but de mieux comprendre quelles difficultés ils peuvent poser à l’élève, si l’enseignant n’y prend pas garde, s’il ne s’est pas penché professionnellement sur la question.
Dans ce dossier, nous tenterons de passer en revue quelques apports des grandes théories de la recherche, en en présentant ici une brève synthèse, mais aussi en donnant la parole à quelques acteurs qui viendront éclairer le débat de leur point de vue. Le lecteur attentif comprendra que les focales sont multiples et les points de vue argumentés. Le Café ne craint pas le débat, pour peu qu’il soit constructif.
On y comprendra qu’il en est pour le calcul comme pour la lecture : c’est bien toujours de compréhension qu’il est question, d’outillage culturel progressivement construit par l’humanité pour agir et penser le monde.
Le dossier mensuel du Café
http://cafepedagogique.studio-thil.com/dossiers/calcul/index.php
Le rapport sur l’enseignement des maths au primaire
L’inspection générale rend public sur son site le rapport attendu sur l’enseignement des mathématiques à l’Ecole primaire. En ces temps polémistes, allait-il préparer un nouvel affrontement médiatique, ou être un outil pour faire un point de situation, quelques années après la publication des programmes de 2002 ? Disons le sans ambages, le travail est sérieux, documenté, mesuré, et devrait être utile aux enseignants et aux cadres de l’Education Nationale, même si tel ou tel point peut évidemment entrer en discussion.
Après un rappel historique de l’évolution des programmes et des prescriptions internationales (dont le conseil de Lisbonne en 2000, une des origines du « socle commun »), le rapport cite les recommandations récentes du Haut Conseil de l’Education (2006) pour les maths : résolution de problèmes à partir de situations proches de la réalité, automatismes de calcul, démonstration, probabilités, proportionnalité, représentations graphiques, avec la définition de « compétences-clé » à rechercher dans les évaluations.
Le rapport pose ensuite la question qui fâche : quid du niveau des élèves ? Qu’on compare avec 1920 ou 1980, pas d’évolution sensible, disent les inspecteurs, d’autant plus qu’on mesure aujourd’hui les compétences d’une cohorte complète d’élèves.
Le regard des inspecteurs : à améliorer. Le rapport prend un angle de regard intéressant, en s’intéressant à ce que disent les rapports d’inspection des IEN. D’abord, un sur deux seulement aborde les maths, quand la totalité parle de la maîtrise de la langue. Si on s’en tient à ce que racontent les rapports, les grands domaines sont plutôt traités correctement : pas d’impasse en géométrie ou en mesure. Cependant, petite alerte du côté du calcul mental, pas assez souvent cité (une séance sur six seulement).
Petite pique ou problème réel, le rapport pointe le manque d’analyse didactique des situations par les IEN, sans doute du fait de leur compétence « plus généraliste que polyvalente ». Les conseils restent pédagogiques, mentionnent finalement peu les programmes, ont du mal à dépasser le « constat » des évaluations CE2 ou 6e. C’est sans doute pour cette raison qu’une des propositions du rapport des inspecteurs généraux est de renforcer le travail commun des IEN et des IPR (inspecteurs du second degré) dans un pilotage académique plus appuyé.
Les pratiques des maîtres. Selon le rapport, les enseignants enseignent effectivement les grands domaines du programme, mais les préconisations des instructions officielles et les démarches pédagogiques préconisées ont du mal à prendre corps dans les classes, ce qui nécessiterait un effort conséquent de formation. Travailler à partir des connaissances réelles des élèves en s’appuyant sur leurs erreurs, différentier, mieux organiser le travail personnel, utiliser les cahiers de brouillons, constituerait « un changement majeur du système éducatif et donnerait un maximum de chances à chaque élève ». Le rapport note que le travail de groupe est « souvent confus et peu efficace », les temps de travail oraux pour comparer des méthodes difficile à mettre en œuvre , l’usage des TICE ou des calculettes insuffisamment répandu. Plus généralement, la démarche de « résolution de problème » pose souvent aux enseignants des soucis de gestion de la classe, accrus lorsque l’enseignant cherche trop vite à aller à la solution qu’il a prévue sans prendre en compte les difficultés de chacun ou les « procédures personnelles » utilisées par certains élèves.
Mais une difficulté majeure semble être l’insuffisance de l’automatisation des procédures de calcul qui empêchent les élèves de libérer la mémoire de travail nécessaire pour se concentrer sur la résolution réelle du problème.
L’accompagnement des nouveaux programmes.Malgré la parution de nombreux « documents d’accompagnements » par la DESCO, les difficultés posées par les programmes restent insuffisamment accompagnées, notamment par l’offre de formation ou un travail plus approfondi dans la liaison école-collège. 5 à 6% seulement des journées de formations sont consacrées aux maths, contre 35% au français et 10% aux langues vivantes. Et encore, dans ces formations, la place du calcul, de la géométrie ou de la numération sont plus que modestes. Pour l’Inspection Générale, il est urgent « d’étoffer l’offre de formation et de la rendre plus conforme à la totalité des programmes ». De même, l’animation des circonscriptions est jugée « faible » pour les mathématiques. Dans l’ensemble, le système peine donc à compenser le niveau de formation initiale des maîtres, souvent issus de filières où le rapport aux maths n’est pas prioritaire.
Des conclusions ambitieuses. Sans tirer le signal d’alarme, les conclusions de l’Inspection Générale sont pertinentes : parce que les maths peuvent être un domaine qui met en difficulté certains élèves dès le cycle II, notamment s’ils n’acquièrent pas correctement la difficile construction de la numération décimale, un système éducatif qui entend se préoccuper de la réussite de tous doit mieux faire. Cela passe par une formation des enseignants et un travail exigeant de proximité et de suivi permettant aux enseignants de faire le point sur leurs difficultés et celles de leurs élèves, « en situation réelle de classe ».
Sans l’investissement de tous les niveaux (national, académique, départemental, circonscription, secteur de collège), on risque de continuer à ne pas pouvoir faire bénéficier les enseignants des récents apports de la didactique des maths et des travaux de psychologie cognitive, qui insistent notamment sur l’articulation permanente entre les différents niveaux d’activité de l’élève : automatisation des procédures et des tables de calcul (y compris l’addition), verbalisations et échanges dans la classe, travail sur la complexité des problèmes en prenant en compte l’hétérogénéité de la classe.
Voir aussi le récent dossier calcul du Café :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/dossiers/calcul/
Le rapport : qu’en pensent-ils ?
« Mesuré, et tout à fait juste » Ou « visions simplistes… rapport sévère pour les initiatives du ministre » ? Formateurs, chercheurs ils analysent le rapport de l’Inspection.
Pour François Boulé, Cnefei, le rapport est « mesuré, et tout à fait juste… Ce texte, s’il est bien compris, devrait être de nature à tempérer les intentions réformatrices (réactionnaires) du Ministre que la rumeur fait craindre ». Pour Didier Missenard, IUFM d’Antony, « constats et préconisations devraient intéresser les maîtres, aussi bien à l’Ecole qu’au collège ».
Rémi Brissiaud a une vision plus critique : « Le texte de l’Inspection Générale est bien dans l’« air du temps » : le rejet d’un constructivisme radical s’y accompagne d’un appel à l’ « automatisation ». Malheureusement, cette notion, comme d’autres qui ont partie liée avec elle, celle de « mémoire de travail », par exemple, est largement débattue aujourd’hui en psychologie cognitive expérimentale. Et les personnes qui devraient utiliser ces notions avec la plus grande circonspection sont précisément les pédagogues. En effet, un défaut de « mémoire de travail », par exemple, est souvent évoqué pour « expliquer » l’échec scolaire, mais l’inconvénient de cette notion théorique est qu’elle permet de clore l’analyse des causes et leur traitement pédagogique au sein de l’école. Il y a cinquante ans, on disait de tels élèves qu’ils manquent d’intelligence et cette affirmation permettait de ne plus se questionner sur d’autres causes éventuelles de l’échec ; serait-ce un progrès considérable si l’on affirmait aujourd’hui qu’ils ont une mémoire de travail défaillante ?
Une analyse de l’échec scolaire en termes de défaut de conceptualisation offre bien d’autres perspectives pédagogiques. On ne peut donc que regretter que le texte de l’inspection générale n’aborde pas l’automatisation en relation avec la question de la conceptualisation arithmétique et laisse ainsi le champ libre à des visions simplistes de l’accès à l’automatisation ».
Enfin Joël Briand, maître de conférences en mathématiques IUFM d’Aquitaine, revient sur les programmes actuels pour proposer une progression et en souligner l’intérêt. « Les programmes de 2002, par leurs documents d’accompagnement, offrent de bonnes pistes en prenant en compte « l’élève », ce que les programmes du XX siècle ne faisaient pas. Toutefois les décisions qu’un enseignant doit prendre (planification sur l’année) supposent pour lui un travail lourd que les programmes laissent à sa charge. C’est pour cela que je propose de faciliter la lecture des programmes. Le tableau que j’ai proposé est une façon de travailler, mais il y en a d’autres… Une dernière remarque : il serait apaisant que les décideurs cessent de changer les programmes trop souvent : cela a un effet pervers : les enseignants ne « suivent plus ». La parole officielle est, de fait, discréditée ».
Découvrez l’intégral des analyses
http://cafepedagogique.studio-thil.com/dossiers/maths06/index.php
Des instructions pour la classe
Le ministère instaure le livret de compétences
Un décret et un arrêté instituent le « livret personnel de compétences » destiné à accompagner à partir de la rentrée 2007, chaque élève de l’école au lycée. Il » permet à l’élève, à ses parents ou représentants légaux et aux enseignants de suivre la validation progressive des connaissances et compétences du socle commun ». Il comporte « la mention de la validation du socle commun de connaissances et de compétences pour chacun des paliers : à la fin du cycle des apprentissages fondamentaux pour ce qui relève de la maîtrise de la langue française, des principaux éléments de mathématiques et des compétences sociales et civiques ; à la fin de l’école primaire et à la fin du collège ou de la scolarité obligatoire pour chacune des sept compétences du socle commun de connaissance et de compétences » ainsi que des attestations : Assr, formation aux premiers secours, B2i école et collège (le niveau lycée est curieusement oublié), certificats de langues vivantes.
Le livret de compétences
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MENE0754101D
Le livret de compétences
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MENE0754088A
Le B.O. publie une circulaire sur la prévention des risques
Présentée dans L’Expresso du 17 juillet, la circulaire interministérielle sur la prévention des risques paraît dans le B.O. du 27 juillet.
Ce texte prévoit la mise en œuvre de cette éducation de l’école au lycée. Elle » doit principalement répondre aux objectifs suivants : assurer la connaissance des risques et des mesures de prévention et de protection dans les différentes actions ou activités de la vie quotidienne, face à l’incendie et aux risques majeurs…, donner une information sur l’organisation et les missions des services de secours pour que chacun puisse alerter de la manière la plus appropriée à la situation rencontrée; garantir l’apprentissage des gestes élémentaires de survie à pratiquer en attendant l’arrivée des secours organisés; développer des comportements civiques et solidaires, le sens de la responsabilité individuelle et collective, à partir de situations concrètes et intelligibles ». Le tout « dans le cadre des programmes ». Aux enseignants de se débrouiller…
Au B.O.
http://www.education.gouv.fr/bo/2006/30/MENE0601175C.htm
Rappel : L’Expresso du 17/07/06
http://cafepedagogique.studio-thil.com/expresso/index170706.php
Le Vademecum du directeur
Assiduité scolaire, inscription, financement, emplois, Atsem, surveillance, accidents, santé : tous les règlements qu’un directeur doit connaître sont regroupés dans ce vademecum tenu à jour par EduScol.
http://eduscol.education.fr/D0028/vademecum.htm
Evaluation en CE1 : Le dernier gâchis de Robien
Ainsi donc, l’info donnée par le Café dès novembre 2006 était juste : en triturant un protocole d’évaluation CE1 pour le rendre conforme à sa manière de penser, le ministère Robien n’a pas seulement jeté à la poubelle trois ans d’efforts d’une commission composée des meilleurs spécialistes de l’apprentissage. Il a contribué à déconsidérer, auprès des enseignants des écoles, l’idée que cette évaluation pouvait être un outil pour venir en aide à ces 15% d’élèves qui devraient être l’objet de toutes les attentions…
Rappelons que les résultats de cette évaluation 2006 faisaient apparaître, en début de CE1, un taux d’élèves en échec beaucoup plus nombreux que l’année précédente.
C’est la docte Inspection Générale qui l’affirme, avec ces mots, dans un rapport qu’elle vient de rendre public : « Le changement de cap imposé en 2006 a eu pour conséquence la construction d’indicateurs peu fiables et donc peu exploitables. Les chiffres ainsi agglomérés ne sont pas significatifs, ni des acquis des élèves, ni des résultats des écoles ». On a ainsi rompu « le contrat initial ».
Que va-t-il maintenant se passer ? Le rapport est sceptique : » La circulaire de préparation de la rentrée 2007 ne tranche pas nettement sur l’usage qui doit être fait de l’évaluation des élèves au début du CE1, elle maintient les cadres et les enseignants dans une certaine ambiguïté. Cette ambiguïté doit être levée ».
La gestion de ce dossier résume en soi le sentiment que laissera ce ministre : des certitudes assénées contre tous, des effets de manche, pour arriver au final à de splendides gâchis, une défiance des enseignants envers leur administration, et une grande solitude pour ceux qui, sur le terrain, cherchent de vraies solutions.
Dès que le nom du nouveau ministre sera connu, Xavier Darcos ou un autre, ce sera sans doute son premier chantier : convaincre les enseignants qu’il peut regagner de la crédibilité à leurs yeux. Il faudra qu’il soit très fort.
Patrick Picard
Lire notre article complet : Explications et analyse
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/EvaluationenCE1.aspx
Le Conseil d’Etat annule la circulaire de 2005 sur le financement des écoles privées
Le Conseil d’Etat a annulé le 4 juin la circulaire du 2 décembre 2005, prise en application de décentralisation, qui obligeait les communes à participer aux frais de scolarité des élèves inscrits dans une école primaire privée d’une autre commune.
La décision du Conseil d’Etat est justifiée par des raisons de procédure : la circulaire aurait du être signée par des directeurs d’administration centrale. Les recours déposés par le Cnal (Comité national d’action laïque) et la ville de Clermont-Ferrand ont été jugés recevables.
Cependant, le ministère de l’éducation nationale rappelle que » la loi reste applicable et devra l’être, comme le recommandait la circulaire, en privilégiant la recherche de l’accord des communes concernées et dans le respect du principe énoncé à l’article L. 442-5 du code de l’éducation selon lequel « les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l’enseignement public ».
La circulaire avait été très critiquée lors de sa publication. L’Andev, par exemple, estime que ce texte » redéfinit complètement en les alourdissant fortement la nature des dépenses de fonctionnement obligatoire à prendre en compte dans la contribution communale aux écoles privées » créant ainsi une nouvelle situation » sur laquelle l’enseignement privé ne manquera pas de s’appuyer pour négocier auprès des communes le montant du forfait communal ».
Communiqué Se-Unsa
http://www.se-unsa.org/page_cadres.php?id=40
Rappel : Sur le Café : L’Expresso du 31/12/2005
Base élèves : Une mise en garde justifiée
« Une fois les données centralisées, rien ne nous garantit qu’il n’en sera pas fait un autre usage que celui affiché initialement » s’inquiétaient des instits. Base élèves est une base de données nationale et centralisée, recensant les informations personnelles des élèves de la maternelle au CM2. Les données saisies concernent les besoins éducatifs, l’état civil de la famille, l’origine géographique et la nationalité de l’enfant. C’est évidemment les dernières informations qui inquiètent. Des enseignants craignent que la base, qui est accessible aux communes, soit utilisée pour traquer des sans papiers. La sécurité de la base avait été mise en défait par un collectif breton début juin : le mot de passe d’entrée était très transparent.
Ces doutes sont confirmés par le ministère lui-même. Publiée par Le Monde, une circulaire en date du 15 juin reconnaît que la base n’est pas sécurisée. » Suite à un certain nombre d’informations publiées sur INTERNET », écrit le ministère, « il est possible que la sécurité de l’application BE1D soit menacée. Pour faire face à cette situation et limiter les risques quant à la confidentialité et à l’intégrité des données gérées par BE1D, il convient de mettre en place au plus tôt des mesures préventives ».
Saisie, la Cnil » a interrogé le Ministère sur les modalités exactes selon lesquelles cette information (la nationalité de l’élève) est exploitée ainsi que sur la nomenclature des nationalités utilisée ». Ce communiqué confirme les craintes sur l’utilisation de la base hors d’applications éducatives.
La Fcpe exige « que ce fichier ne contienne que des données utiles à la scolarité des enfants et quine soient pas consultables par des tiers ».
Sur le café : L’Expresso du 8 juin
Rappel : L’expresso du 6 septembre
Lectures d’été : B.A. – BA : La guerre des méthodes
» Ces rebelles à l’assaut de la forteresse éducation » titre Le Figaro du 20 octobre qui fait la promotion de ces enseignants ultra conservateurs. Rebelles ? Rien n’est moins sûr. Dans son livre « Globale ou B.A. – BA ? », Laure Dumont analyse cette galaxie de minuscules mouvements qui sont devenus les bouffons du pouvoir.
Faisant l’historique du débat sur la lecture, elle montre comment une querelle oubliée et dépassée est revenue dans l’actualité et sert maintenant les ambitions politiques du ministre.
Au passage on visite les groupuscules activistes : Sauver les lettres, Sos Education, etc. On découvre les liens familiaux et idéologiques, souvent camouflés, entre ces organisations.
La thèse de l’auteur c’est que la querelle de la lecture, lancée par Robien pour exister politiquement, qui dresse les parents contre les profs, entre en conflit avec la stratégie électorale de N. Sarkozy qui, lui, espère récupérer l’électorat enseignant. Robien risquerait donc de se trouver isolé et rejeté.
C’est peut-être oublier le modèle genevois : à Genève la droite utilise l’Ecole comme thème central de sa conquête du pouvoir. L’atmosphère haineuse de la Convention UMP, qui vouait les méchants instits aux gémonies, laisse à penser que cette stratégie peut au moins entraîner les militants UMP.
Mais pour Laure Dumont, la guerre des méthodes illustre plus gravement des insuffisances du système. Cette guerre des méthodes de lecture est à la fois un édifiant cas d’école et un terrible révélateur. Il illustre à merveille… la vanité du discours politique, les limites du traitement médiatique , la relativité des discours scientifiques et toute la peine qu’a l’école à relever les défis qui se présentent à elle tout en restant lisible pour la société ».
Un ouvrage facile à lire qui passionnera tous ceux qui veulent savoir comment se décide une politique scolaire et connaître les rouages secrets du système.
François Jarraud
Laure Dumont, Globale ou B.A.- BA ? Que cache la guerre des méthodes d’apprentissage de la lecture ? Paris, Robert Laffont, 2006, 188 pages.
Présentation sur un site éducatif
http://clisrhone.free.fr/article.php3?id_article=296
La convention UMP
http://www.cafepedagogique.org/dossiers/ump/index.php
Analyse : Orthographe : à qui la faute ?
L’ouvrage de Danièle Manesse et Danièle Cogis, « Orthographe : à qui la faute ? » n’est pas encore publié que déjà la polémique est lancée. C’est que le sujet n’est pas anodin pour un peuple français qui entretient une relation ambiguë avec l’orthographe. C’est aussi que l’ouvrage, qui sera en vente le 22 février mais que le Café s’est procuré, révèle une chute brutale et inquiétante des connaissances orthographiques des collégiens.
Au terme d’une enquête auprès de près de 3 000 élèves, les auteurs montrent que « l’écart entre les résultats des élèves de 1987 et ceux de 2005 est en moyenne de deux niveaux scolaires. Les élèves de cinquième de 2005 font le même nombre de fautes que les élèves de CM2 il y a vingt ans. Les élèves de troisième de 2005, le même nombre d’erreurs que les élèves de cinquième de 1987 ». En 1987, 50% des élèves avaient moins de 6 fautes. Ils ne sont plus que 22% en 2005. L’écart entre les plus forts et les plus faibles s’est lui aussi creusé. Le nombre de fautes augmente particulièrement pour l’orthographe grammaticale.
Cette étude a donc un grand impact. D’une part elle conforte tous ceux qui répètent que « le niveau baisse ». Elle réveille également ceux qui, comme Robien, prônent le retour aux méthodes traditionnelles et jettent la suspicion sur les enseignants.
Le Café se devait d’aller au-delà de l’écume médiatique. Danièle Manesse a bien voulu répondre à nos questions, expliquer son point de vue et ses propositions. Jean-Pierre Jaffré éclaire notre réflexion en situant la question de l’orthographe face à sa demande sociale.
» Le travail d’observation de la langue est fondamental : il donne du sens à l’apprentissage. Mais on doit avoir fait quelque chose avant et faire quelque chose après. » Entretien avec Danièle Manesse
Vous annoncez un déclin des connaissances orthographiques entre les générations 1987 et 2005. Cela est-il vraiment établi pour tous les élèves ou ce déclin ne reflète-il que la baisse de quelques élèves ?
Non, c’est à la vérité une baisse bien répartie, si je peux dire : le livre en atteste par l’étude en quartiles, tranches de 25% de la population, et aussi par un tableau très parlant de la répartition des scores aux deux époques : il y avait en 1987 50% d’élèves qui faisaient moins de six erreurs dans la dictée (qui fait 83 mots), il n’y en a plus que 22%.
Mais peut-on comparer les élèves de 1987 et 2005 ?
Si on prend le point de vue de comparer des niveaux (du CM2 à la troisième), oui : notre étude met face à face les élèves d’un système scolaire structurellement inchangé (le collège unique était déjà en place et rôdé en 1987). Si l’on prend le point de vue de l’âge, la comparaison n’a pas la même valeur : les élèves de 2005 ont six mois de moins en moyenne que ceux de 1987 ; ceci, parce qu’ils redoublent moins, qu’on les oriente moins dans des filières marginales.
Votre étude montre que c’est d’abord l’orthographe grammaticale qui est touchée. Justement le ministre souhaite la disparition de l’ORL et le retour de l’enseignement de la grammaire traditionnelle. Cela vous semble-t-il nécessaire ?
C’est un point délicat, parce que le contexte prête à la polémique, aux positions bloquées et non à la discussion argumentée et réfléchie. Le rapport sur la grammaire de Bentolila, la circulaire qui lui fait suite sont des réponses opportunistes et, disons-le en cette période électorale, des coups politiques médiocres, pour donner de mauvaises réponses à ce qui me semble de vraies questions.
Et ces questions, nous sommes nombreux, chez les « gens de bonne volonté », à les avoir posées dès la mise en œuvre des programmes de 2002 pour l’école primaire. Je vais vous donner mon avis, qui n’est pas forcément celui de ma camarade Danièle Cogis, auteur dans le livre d’une très solide étude des erreurs grammaticales dans les dictées de 2005. Et j’y vais carrément et j’essaie de dire comment je vois les choses le plus simplement possible.
D’abord, il ne s’agit pas de revenir à la grammaire « traditionnelle », mais de dégager la grammaire utile pour l’orthographe et l’apprentissage des langues étrangères. Il y a eu dans les années 70 un très riche fonds de propositions didactiques qui ont été ensevelies par la vague de la production sur les types et formes des discours, et c’est dommage. Le discrédit convenu qui pèse sur la grammaire de phrase me semble une des conséquences déplorable de ce mouvement de vagues et d’oubli.
Sur l’ORL, maintenant : observer, comprendre comment la langue fonctionne ne suffit aux élèves pour s’approprier la règle, la connaissance, pour l’intégrer, pour la capitaliser et la mettre en œuvre de manière automatique. Le travail d’observation de la langue est fondamental : il donne du sens à l’apprentissage. Mais on doit avoir fait quelque chose avant et faire quelque chose après : l’orthographe du français est compliquée, elle exige une vigilance constante. Pour ce faire, il faut se référer à un corps de savoirs simples – à l’exception du fichu accord de PP, la langue orale se charge de l’occire -. J’ai pour ma part toujours été très frappée dans les présentations faites par des didacticiens (articles, colloques etc.) de démarches inductives d’enseignement de l’orthographe : à aucun moment, on n’explique comment on a enseigné la règle, comment on l’a fait apprendre, mémoriser, où et comment elle est consignée par les élèves, dans quelle progression ; enfin, comment et quand on évalue (alors que la question est cruciale : l’ORL se pratique plutôt en groupe).
Or il n’y a rien à faire, s’il n’y a pas entraînement, capitalisation, il n’y a pas d’appropriation. La démarche ORL est une part nécessaire du travail, mais elle ne suffit pas à construire des repères durables. Il faut aussi assumer de faire de la mécanique. C’est comme en musique. Oui, il faut des moments de solfège et de gammes, oui il faut des moments d’entraînement, oui, il faut des moments d’enseignement spécifiques de l’orthographe et de la grammaire, c’est mon avis. Sinon, le risque est grand de ne pas pourvoir les élèves, et notamment ceux dont le seul recours est l’école et qui sont les plus exposés à l’échec, des repères dont ils ont absolument besoin.
Faut-il revenir aux horaires et à l’enseignement du français comme ils étaient en 1987 pour retrouver le niveau de 1987 ?
Ce n’est certainement pas seulement une question d’horaires. Certes, le temps consacré au français est essentiel. C’est long d’apprendre quelque chose qui est difficile, multiforme comme en témoigne le chapitre 3, où chacune de nous explique les « chemins » des erreurs et de l’acquisition de quatre domaines de l’orthographe (la grammaire, le lexique, les mots-outils, les signes et accents) . Dans la brève conclusion qui a été discutée entre nous quatre, nous disons : « On ne peut pas tout faire dans le temps des études, déjà lourd pour les élèves » et nous indiquons qu’il y a des choix à faire. Les programmes sont le produit de choix qui sont des choix politiques, et dont le Café s’est fait récemment l’écho.
Quels sont les savoirs pour lesquels la société mandate l’école et qu’elle juge indispensables ? Moi, je suis souvent exaspérée par les finasseries académiques et railleuses qui entourent le débat récurrent sur le socle commun. Des sociologues, tels François Dubet ou Jean-Pierre Terrail, extérieurs aux groupes de pression de notre petit milieu, me semblent ceux qui posent le plus courageusement ces questions.
Mais il y a d’autres problèmes. La raison qui m’a poussée, quasiment « vingt ans après » à ré-entreprendre cette recherche qui est un sacré chantier, c’est un travail sur l’échec en français des classes « difficiles » de collège (2003). La mauvaise articulation des programmes de l’école avec ceux du collège a une part importante de responsabilité, à mon avis, dans le déclin orthographique des élèves. L’école primaire, en allégeant les tâches de travail sur la langue au profit notamment de la lecture et de la littérature, s’est déchargée sur le collège d’une partie des notions de langue. A juste raison : il y a encore quatre ans pour asseoir les savoirs de base ! Et le collège ne prend pas du tout le relais. Ce n’est pas un scoop : dans les recherches bibliographiques qui accompagnent ce travail, j’ai lu tous les rapports de l’Inspection générale (ce sont des remontées du « terrain » !). Ils s’en inquiètent.
Souvent on fait le lien de la chute orthographique avec les nouvelles formes d’écriture (mail, sms). Ce lien est-il établi ? Que faire en ce cas ?
Il est tôt pour affirmer quoi que ce soit à ce sujet. En tout état de cause, l’école n’y pourrait pas grand-chose ! Mais, restons calmes : tout le monde utilise des systèmes de notations bricolés, ne serait-ce que pour prendre des notes, et change de code selon les situations. Rien n’indique qu’il faut s’en inquiéter : on lira un point sur la situation de David et Gonçalves dans le Français aujourd’hui de mars 2007. Sur les 2767 dictées de 83 mots, nous n’avons rencontré que deux notations type SMS !
Vous imputez le déclin a un affaiblissement de la norme dans la société. Liez vous l’intérêt que porte l’opinion publique à l’orthographe à une nostalgie conservatrice (une aspiration à l’ordre) ? Cet intérêt, qui semble réel, ne contredit-il pas un éventuel déclin de la norme ?
La norme, ce n’est pas seulement l’aspiration à l’ordre, c’est des valeurs collectives partagées. L’intérêt que la société porte à l’orthographe est un fait, et doit être reconnu comme tel. On ne juge pas les faits, on cherche à les comprendre. J’essaie d’analyser cela dans le premier chapitre. L’orthographe est populaire, parce qu’elle est le premier des savoirs populaires, elle est une sorte de métaphore de la langue écrite qui est une conquête du peuple récente, enfin dans sa généralisation, à partir de la deuxième moitié du XIXème siècle. Elle était au centre du premier examen de promotion populaire, le certif.
La langue, y compris dans sa modalité écrite, est partie en profondeur de l’identité de chacun, elle fait partie de l’héritage minimum. Là où ça se complique, c’est que l’orthographe du français est pour une part arbitraire, irrationnelle, et on la trouve aussi insupportable : il y a deux forces contraires dans la relation que chacun entretient avec l’orthographe. Bernadette Wynants, une sociologue encore, montre très bien l’ambivalence de la relation à l’orthographe. Et cette ambivalence, elle habite aussi les enseignants, elle les tourmente, et elle les met en situation d’insécurité sur leurs missions.
Pour certains l’apprentissage de l’orthographe est une perte de temps. Qu’en pensez-vous ?
C’est complètement aristocratique de dire cela, parce que ceux qui n’ont pas eu assez d’enseignement orthographique en souffrent, et le font savoir : je pense aux élèves de ZEP, à ceux des LP, qui souvent, ont renoncé…
L’orthographe, « bien enseignée », c’est intéressant ; c’est un entraînement à l’activité métalinguistique, requise dans toutes les disciplines à l’école, c’est une source de découverte sur la langue et le sens.
Tant que l’orthographe est requise dans la vie sociale, tant qu’il n’y a pas de mouvement consensuel dans la société pour en simplifier ce qui peut être simplifié et gagner du temps d’apprentissage, il faut oser l’enseigner, et l’enseigner bien, y compris dans ses aspects qui exigent répétitions et mémorisation, mieux que ce n’est fait à mon avis. On attire l’attention dans notre conclusion sur le temps ridicule dans la formation des professeurs des écoles et des collèges alloué à l’étude de la langue. Il ne suffit pas de savoir l’orthographe pour savoir l’enseigner. Et moins on a réfléchi sur la manière d’enseigner, et plus on enseigne dogmatiquement, c’est connu.
En tout état de cause, ce serait bien si ce travail pouvait réactiver le débat sur les modifications orthographiques qui peuvent être faites. Dans le sens qu’indique Chervel dans la postface, dont je partage le point de vue : pas sur des détails, mais sur deux ou trois grands points qui eux feraient gagner du temps : doubles consonnes, lettres grecques, pluriel en x….
Danièle Manesse
Danièle Manesse, Danièle Cogis, Michèle Dargans, Christine Tallet, Orthographe : à qui la faute ?, préface d’André Chervel, Paris, ESF éditeur, 2007, 250 pages.
Jean-Pierre Jaffré : « L’orthographe, parce qu’elle prétend ménager la chèvre et le chou, la culture du passé et la communication d’aujourd’hui, est un monstre social sans équivalent ».
L’ouvrage de D. Manesse et D. Cogis établit une baisse des connaissances orthographiques des élèves. Cela est-il conforme à vos observations ?
Il parait tout à fait probable que la compétence orthographique des enfants et des jeunes adolescents – celle des sujets sous le contrôle de l’école – n’est plus aujourd’hui ce qu’elle fut naguère. Les compétences effectives des adultes restent en revanche largement méconnues. Les causes de la baisse observée sont multiples. Plus qu’aux méthodes, elles tiennent d’abord à une diminution du temps consacré à l’enseignement de l’orthographe, et à la place que celle-ci occupe en général dans le processus scolaire. Telle est, je crois, l’explication que donnent D. Manesse, D. Cogis et leurs collègues.(1) Je n’y vois en tout cas aucune détérioration de la conscience professionnelle des enseignants car le facteur explicatif majeur me parait plus sociologique qu’éducatif.
Le statut social de l’orthographe n’est plus aujourd’hui comparable à ce qu’il fut naguère, les demandes faites désormais à l’école ne sont plus du même ordre et le profil des enfants auxquels l’école à affaire n’est plus le même non plus. Pour relativiser cette notion de baisse de niveau, il convient par conséquent de ne pas se laisser enfermer par la relative objectivité des chiffres mais d’accepter l’idée d’une société en mouvement qui, sans renoncer à certaines options traditionnelles, accentue leurs limites. C’est tout spécialement le cas de l’orthographe du français qui, en son état, a toujours posé des problèmes à ses usagers – et pas seulement aux jeunes. Ces difficultés ont pu sembler résolues pour une société de lecteurs dans laquelle le nombre de scripteurs était plus faible, et le plus souvent des professionnels. La montée en force d’une demande de la production écrite, telle que celle à laquelle on assiste aujourd’hui, révèle que, hors de l’école, la question de l’orthographe demeure mal résolue.
C’est particulièrement vrai pour l’orthographe grammaticale. Faut-il alors supprimer l’ORL, comme le souhaite de Robien ? Puisque les méthodes traditionnelles permettaient un meilleur apprentissage de l’orthographe, faut-il y revenir ?
Il faut très certainement s’interroger sur ce que peut être un enseignement efficace de l’orthographe. Il existe d’ailleurs dans ce domaine bien des travaux de recherche qui n’ont pas été correctement diffusés et sont donc restés inutilisés. Depuis une vingtaine d’années, on assiste en fait à une désaffection partielle de cet enseignement, peut-être par réaction à l’égard d’une tradition qui lui accordait beaucoup – trop ? – de place. Possible aussi que la prise en compte d’autres aspects de l’écrit, comme la vogue du texte depuis deux décennies, ait réduit le temps accordé à l’enseignement de la langue écrite. De là à prétendre qu’il faudrait revenir à un enseignement traditionnel, il y a un pas que je ne franchirai pas. Si le temps passé à enseigner constitue un facteur important, je ne me fais en revanche aucune illusion sur les bienfaits des méthodes passées. Un coup d’œil sur les résultats obtenus par l’école des années 50 – que j’ai connue – montre que bien des enfants étaient en délicatesse avec l’orthographe, au point d’ailleurs que certains d’entre eux n’étaient pas présentés au Certificat d’études primaires.
L’orthographe prend une place très importante dans l’opinion publique. Pourtant D. Manesse pense que son déclin résulte d’un affaiblissement général des normes. N’est-ce pas contradictoire ? Qu’en pensez-vous ? Quelle place tient l’aspiration à l’ordre dans ce débat ?
Plus que l’orthographe, c’est la production écrite qui prend de l’importance dans notre société. Jamais par le passé le besoin d’écrire n’a été aussi important que de nos jours. Pendant des siècles en effet, l’écriture – et donc l’orthographe – a été le fait essentiel de professionnels (clercs, imprimeurs, correcteurs, etc.). Il ne faut donc pas s’étonner que la progression de la production écrite s’accompagne d’une augmentation du nombre d’erreurs. Plus on se sert de l’orthographe plus on en mesure la complexité. N’oublions pas en effet que notre orthographe est l’une des plus complexes du monde, en raison notamment de ses spécificités grammaticales. Ces difficultés – que beaucoup considèrent comme des marques d’appartenance culturelle – sont devenues d’autant plus évidentes que l’enseignement de l’orthographe s’est massifié, avec ses corollaires : un refus de la variation et la constitution d’une surnorme orthographique rigide. Depuis environ un siècle et demi, des responsables de tous bords – éducateurs, linguistes et même hommes politiques – n’ont cessé de mettre l’accent sur des zones à modifier ou pour lesquelles on devrait au moins se montrer plus tolérant. En vain. Comment s’étonner donc que l’explosion de la production graphique à laquelle on assiste aujourd’hui ne s’accompagne pas d’une décrépitude de la norme orthographique en place depuis plusieurs siècles ? Et ce qui est en question ici ce ne sont pas les normes linguistiques – évidemment nécessaires – mais les errements de la surnorme orthographique.
Les nouvelles formes d’expression (les sms, ce mail) inventent d’autres normes orthographiques. Pensez vous que cela explique le déclin orthographique ? Si oui comment faire pour imposer la langue écrite officielle ?
L’avènement des SMS et des courriels illustre le phénomène de polygraphie dans laquelle se trouvent désormais plongées les sociétés modernes. En France, le poids d’une norme homogène n’a fait que retarder ce que d’autres pays connaissent depuis longtemps (Japon, Chine, monde arabe, etc.). Chacune de ces formes d’écrit illustre simplement la diversité de modes de communication qui se dotent des outils les mieux adaptés. Ainsi, parce qu’ils doivent compter avec des supports restreints, les SMS recourent aux codes minimaux qu’autorisent les échanges privés. Le texte des courriels révèle la fragilité d’une compétence orthographique qui doit s’exprimer dans un temps réduit et se trouve souvent dépourvue de relecture. Reste l’orthographe « du dimanche », celle des échanges publics, qui implique une apparence plus stable et sans doute plus conforme à la culture sociale. Pour toutes ces raisons, les sociétés futures vont devoir apprendre à ne plus raisonner en termes de monographie, avec une orthographe officielle valant pour toutes les situations. Ce faisant, l’écrit exploite un potentiel qui l’apparente aux divers registres de l’oralité : la forme d’un message peut varier avec les situations. Plus que d’un déclin orthographique, finalement très relatif, nous avons plutôt affaire à une mutation orthographique qui retrouve les vertus de la variation, sinon dans un même texte, comme ce fut le cas jadis, du moins dans des textes dont le but et le statut social sont distincts.
Quels autres facteurs peuvent, selon vous, expliquer le déclin orthographique ?
L’idée selon laquelle il existerait un déclin orthographique, les hommes d’aujourd’hui étant des usagers plus médiocres de l’orthographe, me semble très exagérée. On sait ce qu’il faut penser du mythe de la grand-mère qui écrivait sans fautes d’orthographe ! Chez les élèves, cette idée de déclin me semble aussi ancienne que l’orthographe elle-même. Elle tient d’ailleurs, en partie au moins, aux présupposés des travaux sur la question. Difficile en effet de comparer des situations scolaires éloignées dans le temps et qui appartiennent à des sociétés dans lesquelles la demande orthographique, et toutes les représentations qui vont avec, a changé. À mon avis, c’est là une des causes majeures du déclin indiqué par les chiffres. Difficile en effet de l’imputer à la seule intelligence des enfants, ou à un déficit éducatif – c’était mieux avant, avant on savait, etc. Mais il existe une autre cause, à mes yeux tout aussi importante, c’est l’orthographe elle-même et sa supposée permanence. Comme si elle avait toujours été la même, comme si elle avait toujours joué le même rôle dans toutes les sociétés. Je ne trouve personnellement pas aberrant de considérer que toute époque doit disposer des outils les mieux adaptés à ses modes de vie et plus généralement aux besoins qui sont les siens. Or l’orthographe du français, sous la forme que lui ont donné les grammairiens, les imprimeurs, les Académiciens, etc., n’est pas adaptée aux besoins d’une communication de masse. Et les attitudes ordinaires qui se manifestent à ce sujet, en France – et dans d’autres pays d’ailleurs mais avec peut-être un peu moins de hargne –, contribuent à renforcer un état d’esprit tout à fait singulier. Parmi mille exemples possibles, prenons celui des déplacements humains. Dans un univers citadin où l’activité physique est devenue un loisir plus qu’une nécessité, qui accepterait aujourd’hui de faire des kilomètres à pied pour aller travailler, comme c’était le cas pour nos grands-parents ? La notion de déclin me semble donc pouvoir – et devoir – être discutée. Elle présuppose un immobilisme social dépourvu de tout fondement. Les sociétés changent, leurs besoins changent, et les outils correspondants doivent suivre ce mouvement. À cet égard, l’orthographe, parce qu’elle prétend ménager la chèvre et le chou, la culture du passé et la communication d’aujourd’hui, est un monstre (2) social sans équivalent.
Évidemment la tentation sera grande de considérer que la baisse de l’orthographe est symptomatique de la baisse générale du niveau. Qu’en pensez-vous ?
Là encore, la notion de baisse de niveau me semble toute relative. Bien entendu si les canons de l’école d’aujourd’hui étaient les mêmes que ceux des années 50, on pourrait accepter de telles conclusions. Mais les demandes faites à l’école sont en perpétuel changement et – même si on peut parfois le regretter – en constante augmentation. S’il faut préserver le lien avec le passé, doit-on pour autant sacrifier le présent et plus sûrement encore l’avenir ? Chacun sait que les jeunes d’aujourd’hui, s’ils n’ont pas les connaissances de ceux d’hier, ou d’avant-hier, en ont bien d’autres, nouvelles et originales. Autrement dit, la notion de baisse de niveau est aussi tributaire des référents que l’on utilise. C’est ce qui explique en grande partie les conflits d’opinion, que renforce le complexe de supériorité affiché par certains adultes qui confondent leurs connaissances du moment et celles de leur enfance, quand ils avaient l’âge de ceux qu’ils accusent d’inculture. Finalement, plutôt que de parler du bienfait supposé des méthodes traditionnelles, ne serait-il pas plus judicieux de se mettre d’accord sur un ensemble d’objectifs éducatifs qui, sans renier totalement le passé, tiendraient compte des besoins effectifs de la société telle qu’elle est. À cet égard, plutôt que de considérer l’école comme un préalable exclusif de la vie active, qui doit doter une fois pour toutes les individus de compétences linguistiques optimales, ne serait-il pas préférable d’ajuster l’offre et la demande à l’aide d’une éducation permanente bien comprise. Plutôt que de vouloir apprendre d’emblée toute l’orthographe à tout le monde – ce qui parait bien utopique –, ne vaudrait-il pas mieux s’en tenir à des compétences de base en offrant des options formatives aux citoyens adultes qui en éprouveraient le besoin ?
Et de penser que pour remonter le niveau il faut revenir aux pratiques traditionnelles. Ont-elles vraiment fait leurs preuves ? Sont-elles applicables à cette génération ?
En admettant que l’on s’entende sur ce que l’on appelle « pratiques traditionnelles », on doit reconnaître qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. Disons que l’école traditionnelle, celle des années 50-60 par exemple, disposait d’un temps relativement important pour enseigner les bases élémentaires, et notamment l’orthographe. Elle recourait pour cela à la dictée quotidienne, la préparation au Certificat d’études primaires pouvant autoriser deux ou trois dictées par jour. Ces pratiques donnaient certes des résultats sans être miraculeuses pour autant. Bien des élèves continuaient d’avoir des problèmes en orthographe, au point d’ailleurs, comme je l’ai déjà dit, que certains n’étaient pas présentés aux épreuves du Certificat d’études primaires, ou échouaient aux épreuves de l’examen d’entrée en 6e. Mais il y a plus. Cette compétence orthographique, mise en place à grand renfort de dictées et de leçons de grammaire, avait tendance à faiblir dès que les élèves quittaient l’école primaire. C’est tout au moins ce que l’on peut déduire des tests proposés aux futurs conscrits quelques années plus tard, lors des épreuves de présélection militaire. Un niveau en orthographe n’est donc jamais définitivement établi, spécialement pour les zones les plus complexes. Si l’on en juge par le destin souvent cruel des savoirs scolaires, la stabilisation d’une compétence dépend essentiellement de l’usage qu’on en fait. Les adultes qui ont le plus de chance de disposer de compétences solides en orthographe sont ceux qui s’en servent, dans leur vie, dans leur profession. C’est d’ailleurs pourquoi j’expliquais précédemment qu’arrivé à l’âge adulte, il serait parfois utile de pouvoir reprendre des cours pour raviver des compétences qui se sont étiolées.
D’une façon plus générale, nous sommes dans une société où les jeunes sont souvent mis en accusation. L’orthographe ne joue-t-elle pas aussi un rôle de barrière entre les jeunes et les vieux (souvent dépassés dans d’autres domaines comme les TIC par exemple) ?
D’abord, et c’est sans doute le plus important, nous sommes en train de vivre une mutation technologique extraordinaire avec l’avènement des supports électroniques. Au point que la question de l’orthographe se pose en des termes nouveaux. Cela dit, nous demeurons dans une société à velléité patriarcale : officiellement, ce sont toujours les anciens qui décident pour les plus jeunes et il y a fort à parier que nos maîtres à penser actuels sont plutôt des adeptes du papier-crayon. Il suffit d’entendre leurs commentaires sur le courrier électronique et les SMS. Sans tomber dans les travers du jeunisme, parions que l’habitus électronique est représentatif des pratiques écrites de demain et que, dans ce contexte, l’orthographe du dimanche ne jouera plus tout à fait le rôle que la plupart des adultes voudraient qu’elle joue. Mais ce qui est plus dramatique encore c’est que les donneurs de leçon ne sont pas forcément des experts en orthographe. En l’absence de toute enquête digne de ce nom, personne n’est réellement capable d’apprécier aujourd’hui la qualité des pratiques orthographiques des Français. Comme l’ont abondamment montré les débats sur les Rectifications orthographiques de 1990 – elles existent toujours en effet ! –, plus qu’une pratique effective, l’orthographe est un sujet dont on parle, à propos duquel de multiples représentations s’expriment, souvent conservatrices, spécialement dans les sphères de l’élite.
Jean-Pierre Jaffré
MoDyCo, UMR 7114 du CNRS
Site : http://www.vjf.cnrs.fr/umr7114/DocHtml/PAGEPERSO/JPJaffre.htm
Entretien François Jarraud
Notes :
1- Leur ouvrage n’étant pas encore paru, je me réfère ici aux propos tenus dans la presse et aux éléments aimablement communiqués par D. Cogis.
2- Au sens figuré du 16e siècle : « Chose bizarre, incohérente, formée de parties disparates » [Le Petit Robert].