Par François Jarraud
Le ministère précise la procédure
Qui pourra bénéficier de « l’assouplissement » de la carte scolaire ? Le ministère publie le 4 juin une liste de cas dérogatoires « dans la limite des places disponibles dans les établissements ». Sont prioritaires pour intégrer un établissement hors du secteur initial de rattachement : « les élèves souffrant d’un handicap ; les élèves boursiers au mérite ; les élèves boursiers sur critères sociaux ; les élèves nécessitant une prise en charge médicale importante à proximité de l’établissement demandé ; les élèves qui doivent suivre un parcours scolaire particulier ; les élèves dont un frère ou une sœur est déjà scolarisé(e) dans l’établissement souhaité ; les élèves dont le domicile est situé en limite de secteur et proche de l’établissement souhaité ». Les parents doivent déposer un dossier avant le 30 juin.
http://www.education.gouv.fr/cid5170/xavier-darcos-assouplit-la-carte-scolaire.html
Le débat : Quelle réforme de la carte scolaire ? Par Nathalie Mons
Que dit la recherche sur la suppression de la carte scolaire ? Nathalie Mons analyse pour le Café les politiques menées dans les autres pays développés et nous aide à y voir plus clair sur les enjeux de cette suppression.
En France, le débat sur la carte scolaire vient de prendre un tournant avec l’annonce officielle de la disparition de la carte scolaire en trois ans. Parmi les arguments avancés pour justifier la mise à mort de la carte, on nous dit qu’elle n’est de toute façon pas respectée, et ce par certaines familles favorisées, ce qui entraînerait des inégalités sociales. Qu’en est-il ?
On ne peut nier que, dans certaines configurations urbaines notamment, certaines familles essaient d’échapper à l’établissement de leur secteur. Mais il y a, il me semble, une sur-médiatisation du phénomène de contournement de la carte scolaire. Prenons le cas du collège par exemple. A Paris, par exemple qui connaît pourtant dans certains arrondissements un contexte critique, selon une étude de la DEPP de 2005, le nombre de demandes de dérogations atteint 16% des nouveaux entrants en 6ème. 60% d’entre elles sont acceptées. De façon générale, en France, les dérogations demeurent minoritaires : seul un collégien sur dix est aujourd’hui hors secteur (DEPP, 2001). Or, les chiffres qui sont mis en avant quand on parle de contournement scolaire sont largement supérieurs. Pourquoi ? Parce qu’ils intègrent, dans la comptabilisation des détournements de la carte scolaire, l’ensemble des effectifs du secteur privé, comme si toutes les familles qui inscrivent leurs enfants dans le privé le faisaient pour contourner la carte scolaire. Or, par exemple, à Paris, 70% des effectifs entrant en 6ème dans le privé proviennent de ce même réseau. Il est donc difficile d’assurer que l’inscription dans le privé de l’ensemble de ces élèves résulte de stratégies parentales de contournement. Cette comptabilisation est abusive et induit l’opinion publique en erreur. Par contre, il serait nécessaire de disposer à la fois de recherches quantifiant mieux le phénomène du hors-secteur et d’un bilan sur les expérimentations d’assouplissement de la carte scolaire conduites au niveau académique. Bref, il nous faut aujourd’hui un état des lieux sérieux conduit à un niveau national.
Les sondages ne montrent-ils pas que les Français sont demandeurs d’une suppression de la carte scolaire ?
Les résultats des différents sondages montrent que leur position sur le sujet n’est pas stabilisée. Par exemple, dans un sondage IFOP pour Valeurs Actuelles, 73% des sondés sont favorables à la suppression de la carte scolaire « afin que les parents puissent inscrire leurs enfants dans l’établissement de leur choix » (septembre 2006, 957 personnes interviewées). Un sondage récent du Parisien va dans le même sens. A l’opposé, dans un sondage HL2 pour 20 minutes, 50% des sondés trouvent que « la carte scolaire est une bonne chose : elle favorise la diversité sociale au sein d’un même établissement » alors qu’ils ne sont que 42% à affirmer qu’elle est « une mauvaise chose : les élèves ne peuvent pas demander l’établissement de leur choix. » (sondage septembre 2006, 1049 personnes). En fonction de la formulation du sondage, les Français oscillent entre le souhait de davantage de liberté et le souci de la mixité sociale. Le sondage HL2 pose une autre question qui permet de relativiser l’importance accordée par les Français à une réforme de la carte scolaire. Quand on leur présente une série de réformes qui sont censées « améliorer la qualité de l’enseignement », ils ne sont que 6% à penser que, pour attendre cet objectif, il faut « mieux gérer la carte scolaire ». Les Français ne semblent pas faire de lien entre l’amélioration de la qualité de l’enseignement et la réforme de la sectorisation. Mes recherches sont dans ce sens.
L’autre argument avancé par le gouvernement c’est que la suppression libèrerait les familles défavorisées du ghetto scolaire dans lequel elles sont enfermées et atténuerait les inégalités sociales. La suppression de la carte scolaire est-elle réellement susceptible de luter contre les inégalités sociales ?
Tout dépend de la façon dont est conduite la réforme de la carte scolaire. La recherche que j’ai menée sur les politiques de libre choix de l’école montre que dans les pays de l’OCDE il existe deux grandes voies de réforme de la sectorisation classique. Dans un premier cas, que j’ai appelé « le libre choix total », les familles choisissent l’école de leurs enfants et les établissements sélectionnent les élèves qu’ils souhaitent recruter. Il n’y a pas de médiateur entre les parents et le chef d’établissement qui – lorsqu’il est à la tête d’un établissement prestigieux – s’avère être le décideur final. C’est le cas par exemple en Belgique, en Angleterre ou en Irlande. La carte scolaire peut également être réformée selon une seconde logique que j’ai qualifiée de « libre choix régulé ». Dans ces pays, si le choix des parents s’impose comme la règle de base de l’organisation, les inscriptions sont cependant régulées en aval par les autorités locales en charge de l’affectation des élèves. Selon les pays, ce sont des administrations déconcentrées ou des collectivités locales. Les logiques individuelles des vœux parentaux s’imbriquent alors dans un cadre plus global qui permet l’expression de considérations d’intérêt général, comme la mixité sociale. On retrouve ce type de dispositif dans certains pays scandinaves, comme la Suède ou le Danemark, ou dans l’Espagne des années 1980.
Et quels sont les effets de ces politiques sur les résultats des élèves ?
Dans le premier cas, le libre choix total conduit à des inégalités sociales renforcées sans que l’efficacité du système en général soit améliorée. Pourquoi ? Idéalement, selon les théoriciens néo-libéraux du libre choix, cette organisation des inscriptions des élèves doit permettre une stimulation des équipes pédagogiques par la mise en concurrence des établissements. De la même manière que, dans une économie de marché, les producteurs performants gagnent des parts de marché, la concurrence entre établissements doit permettre d’attirer davantage d’élèves dans les meilleures écoles, de stimuler les établissements médiocres, et donc au final de tirer tout le système vers le haut.
Mais la transposition directe des théories économistes néoclassiques au domaine de l’éducation ne s’est pas révélée si aisée pour un ensemble de raisons qui ont trait aux comportements à la fois des parents et des établissements. La théorie néo-libérale appliquée à l’éducation repose sur un ensemble de postulats qui posent question. Tout d’abord, comment les parents peuvent-ils déterminer qu’une école offre un enseignement de qualité alors que, dans la plupart des pays, ils ne disposent d’aucune information sur la valeur ajoutée des établissements en termes d’apprentissage ? Autre interrogation : est-ce cette qualité d’enseignement qui détermine leur choix ou la recherche d’un établissement qui présente une composition sociale proche de leur milieu d’origine ? Enfin, l’ensemble des parents vont-ils se mobiliser pour exercer ce choix (car s’il n’y a qu’une partie des consommateurs qui pèse sur le marché, les ajustements sont rendus difficiles) ? Or, la recherche montre en fait que les parents qui choisissent sont principalement issus des milieux sociaux favorisés et que, de plus, ils ne s’orientent pas vers les établissements qui sont pédagogiquement les plus efficaces mais vers ceux qui sont davantage en adéquation avec leur milieu social.
De leur côté, les établissements n’ont, eux aussi, pas toujours les comportements que les économistes attendent d’eux. Plutôt que d’accueillir davantage d’élèves pour faire bénéficier au plus grand nombre d’un enseignement de qualité, les établissements les plus prestigieux trouvent plus confortable de s’assurer un public scolaire performant en sélectionnant les meilleurs élèves. De même, on peut s’interroger sur les capacités de réforme des établissements « de faible qualité » qui dans la plupart des pays ont des moyens et des marges de manœuvre réduites dans des systèmes éducatifs qui restent encore très régulés par les procédures.
Au total, si les familles ne se déterminent pas en fonction uniquement de l’efficacité des écoles, et ce d’autant moins qu’elles ne détiennent pas l’information pertinente, si les établissements scolaires ne disposent ni des moyens de faire évoluer réellement l’offre éducative, ni de la capacité à élargir considérablement leurs effectifs, si de plus les écoles se confortent le plus souvent dans des comportements de sélection plutôt que dans des stratégies de conquête de marchés et, enfin, si le seul signal que leur envoient les « clients » sur l’appréciation de leurs performances est brouillé par leur manque de mobilité (problème de transport) : dans ces conditions, on imagine difficilement comment l’organisation de l’éducation selon la logique de marché pourrait conduire à une amélioration des performances globales des systèmes éducatifs.
Au total, le « libre choix total » – qui est associé à une faible efficacité et des inégalités sociales renforcées – entraîne une série d’effets pervers décrits par la recherche dans les pays qui ont par le passé mis en œuvre ce système.
Quels sont-ils ?
On observe tout d’abord une sur-demande des familles pour les établissements prestigieux, qui vont ainsi pouvoir sélectionner de façon draconienne leurs élèves. Cette pratique est doublement explicable. Elle permet à l’établissement de se construire un public scolaire de choix, c’est-à-dire d’excellent niveau académique, ce qui améliore les conditions de travail des équipes enseignantes. Elle conduit également mécaniquement à une amélioration des performances de l’établissement, ce qui va rejaillir, dans un cercle vertueux, sur la demande des familles. Les établissements ont alors tendance à focaliser leur attention sur les élèves les plus performants dont les résultats permettent de faire progresser l’évaluation globale de l’établissement. A l’opposé, les établissements les moins cotés vont subir une spirale du déclin : perte des bons élèves, démoralisation des équipes enseignantes qui supportent difficilement d’enseigner dans un établissement stigmatisé… Se créent ainsi une hiérarchie des établissements. Ceci explique que des pays comme l’Angleterre qui avait adopté ce système dans les années 1980 soit revenu en arrière en limitant la liberté de sélection des établissements (code de procédure plus transparent des sélections, imposition d’une mixité académique dans le recrutement…).
Quels sont les effets de la seconde version des politiques de libre choix de l’école ?
A l’opposé, le « libre choix régulé » conduit à une réduction des inégalités sociales parce qu’il permet réellement ces effets de déghettoïsation qui sont attendus de la suppression de la carte scolaire. Ce système présente en effet une double caractéristique : a) l’ensemble des parents est impliqué dans le choix de l’établissement – et non les familles les plus favorisées -, b) la décision finale d’affectation de l’élève n’est pas entre les mains de l’établissement mais entre celles d’autorités locales qui tentent alors de faire coïncider vœux parentaux et considérations d’intérêt général. Ce système est socialement plus égalitaire que le système français qui couple carte scolaire et dérogations.
En Angleterre, où la carte a pratiquement disparue, peu d’écoles ont perdu des élèves, même parmi les failing schools, c’est-à-dire les écoles en perdition. Certains travaux montrent que c’est largement du au rôle organisationnel des autorités éducatives locales (les LEA). En France on sait que les collectivités locales ont déjà leur mot à dire sur la carte scolaire. Faut-il donc décentraliser la gestion scolaire et si oui jusqu’où ?
En France, historiquement pour les écoles primaires et depuis 2004 pour les collèges, ce sont respectivement les communes et les conseils généraux qui sont en charge de la sectorisation. Seule la sectorisation des lycées est entre les mains de l’Éducation nationale. La sectorisation est donc aujourd’hui un dossier principalement local. Les conseils généraux ne semblent pas avoir bougé sur le sujet depuis l’octroi de cette nouvelle compétence. Tout déréglementation de la sectorisation effraie les élus locaux et ce d’autant plus qu’ils sont responsables financièrement des transports scolaires.
Le gouvernement promet de surveiller la composition sociale des établissements. On comprend qu’il veut dire qu’il veillera à ce que certains établissements ne deviennent pas des ghettos favorisés. Certains pays ont-ils réussi à faire cela ? Cela vous paraît-il crédible ?
Le modèle de libre choix régulé vise entre autres à atteindre une certaine mixité sociale. Mais cet objectif paraît être difficile si les décisions finales de recrutement sont laissées entre les mains des établissements.
On a l’exemple en Angleterre d’une diversification de l’offre scolaire qui a accompagné l’assouplissement de la carte scolaire. Et le thème est apparu aussi ici dans la campagne électorale. N’y a-t-il pas le risque de revenir à des filières scolaires nettement différenciées socialement comme ce qu’on a connu sous la IIIème République ?
En Angleterre, ce sont deux politiques bien différentes, bien que menées de façon concomitante. En fait, c’est plutôt le risque contraire qui se produit. Le libre choix de l’école peut amener quand il est mené dans le cadre d’un quasi-marché scolaire à une hiérarchisation des établissements qui continuent à présenter une offre scolaire relativement homogène, malgré les incitations gouvernementales contraires. La politique de Blair en Angleterre a consisté à développer une politique volontariste d’écoles dites « spécialisées », entre autres à un niveau équivalent à notre collège, pour contrer les effets pervers du libre choix de l’école. C’est la thématique de la « diversité des voies d’excellente » qui peut selon les cas aller soit dans la voie d’une différenciation hiérarchisée des écoles soit dans le sens d’un enrichissement réel de l’offre scolaire. Tout dépend de la philosophie qui préside à ces réformes. Diversifier l’offre scolaire sans la hiérarchiser est une réforme de longue haleine qui demande des moyens.
Nathalie Mons
Entretien : François Jarraud
Nathalie Mons publiera cet automne, aux PUF, un ouvrage intitulé « Les Nouvelles Politiques Educatives ».
La carte scolaire : analyses et débats
La carte scolaire et les familles défavorisées
C’est pour mieux assurer la mixité sociale que la suppression de la carte scolaire est réclamée. Elle entre d’ailleurs dans une nouvelle phase avec l’annonce faite par Xavier Darcos à La Brède. Dès aujourd’hui, les parents devraient trouver sur le site du ministère des informations concrètes sur les nouvelles dérogations applicables dès la rentrée. Le ministre annonce 10% de dérogations partout et 20% dans les quartiers défavorisés. Pourront en bénéficier, outre les boursiers, les « bons élèves qui ont le sentiment de ne pas être dan un cadre scolaire favorisant leur progression ». Cette dernière formule est suffisamment floue pour donner aux établissements d’accueil la possibilité de sélectionner librement leurs élèves dans la limite des 20%.
Or un nouvel éclairage vient d’être apporté sur les effets de l’assouplissement de la carte par une étude anglaise du Runnymede Trust, une association de soutien aux minorités ethniques. Elle note qu’un peu partout les gouvernements sont tentés par une politique d’assouplissement de la carte scolaire et par la diversification de l’offre scolaire. Ils pensent qu’en libérant le choix parental on améliore le niveau général des écoles et on permet aux enfants des milieux défavorisés de quitter leur ghetto et d’accéder aux écoles des quartiers plus favorisées.
Pourtant le bilan est tout autre constate le Runnymede Trust. La ségrégation ethnique a augmenté dans les écoles anglaises et la mixité sociale diminué. Ce qui est particulièrement intéressant c’est que l’étude essaye précisément de comprendre pourquoi les familles des « minorités visibles » n’ont pas bénéficié des nouvelles règles.
Elle met en avant plusieurs raisons. Certaines tiennent à la vie familiale. Pour des familles pauvres mais nombreuses, il est plus simple d’envoyer tous les enfants dans l’école du quartier. L’étude montre aussi que les immigrants de fraîche date choisissent toujours l’école locale. Parfois ils la préfèrent justement parce qu’elle permet de rester entre soi. Souvent les démarches à effectuer pour entrer dans une école nouvelle les font reculer.
Ce que montre finalement cette enquête, c’est que les parents des milieux défavorisés sont souvent incapables d’exercer leur choix. Il y a un écart important entre leurs attentes scolaires et l’école dans laquelle se trouve leur enfant. Ce que dit cette étude c’est que supprimer la carte scolaire au nom des familles défavorisées est un argument fallacieux. C’est aussi montrer que la libre concurrence entre écoles ne peut assurer une réduction des inégalités entre établissements et relève avant tout d’un choix idéologique.
Dépêche AFP
Etude Runnymede Trust
http://www.runnymedetrust.org/School ChoiceFINAL.pdf
CRAP : Il faut maintenir une école hétérogène
« Tant que la course aux soi-disant bons établissements sera possible, il n’y a aucune raison pour que la plupart des parents, donc des citoyens, puissent penser la scolarité autrement qu’en terme d’élitisme ». Pour le Crap Cahiers pédagogiques il y a un lien objectif entre mixité scolaire et mixité sociale. La remise en question de la carte scolaire aboutirait à renforcer les écarts entre établissements voire à revenir à des filières différentes de fait entre école de la bourgeoisie et école du peuple.
« C’est en aidant quelqu’un à apprendre que l’on apprend vraiment, c’est souvent par l’explication de quelqu’un qui vient d’apprendre que celui qui n’a pas compris peut surmonter ses difficultés, c’est un des rôles de l’école que de créer ces occasions de rencontres et d’entraide » affirme le Crap. Du coup il demande « la « mixité scolaire » des établissements, et des classes à l’intérieur des établissements… À la limite, peu importe qu’on ait affaire à des enfants de riches ou de pauvres, l’essentiel du point de vue de la réussite scolaire (et même de la socialisation) et des uns et des autres, c’est qu’ils soient mélangés, au moins pour une part importante des activités d’apprentissage ».
Le Crap propose « d’imposer aux établissements un recrutement qui soit le reflet des performances scolaires moyennes de la jeunesse, en scolarisant par exemple au moins 50 % d’élèves en dessous de 70 % de réussite aux évaluations nationales ? Par une telle mesure, l’État obtiendrait très probablement une réelle mixité sociale dans les écoles, se donnerait les moyens de repérer les établissements scolaires réellement efficaces, garantirait sans doute mieux qu’actuellement l’égalité de l’offre éducative sur tout le territoire ».
http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=3164
Les propositions des chefs d’établissement du Snpden
« Nous en sommes conscients, le « retour » à une sectorisation stricte, qu’impliquerait la simple défense du principe de la carte scolaire sans autre considération, n’est pas envisageable en l’état actuel des choses. Les engagements pris par le nouveau Président de la République conduisent même à aller dans le sens opposé ; nous le regrettons mais en prenons acte, considérant que le statu quo, en tout état de cause, ne garantit aujourd’hui ni la mixité sociale ni l’égalité. Mais la suppression sans autre forme de procès et sans mesures de régulation, et pour commencer de nouveaux « assouplissements » sans précaution, ce serait la pire des solutions, puisque nous constatons sur le terrain que les inégalités entre les établissements, comme les inégalités en matière d’affectation selon l’appartenance sociale des élèves, sont l’une des conséquences les plus évidentes des expériences antérieures, au détriment d’une mixité scolaire plus compromise encore que la mixité sociale des quartiers où se situent les établissements ». Dans une longue lettre ouverte adressée au ministre de l’éducation nationale, le Snpden, principal syndicat de chefs d’établissement, fait connaître ses « propositions ».
Le syndicat estime que « Moins de carte scolaire, c’est rendre nécessaire une régulation et une organisation par d’autres moyens ». Aussi il attire l’attention du ministre sur 5 mesures. D’abord il recommande de donner la priorité aux demandes de proximité. Il souhaite que les implantations futures des établissements tiennent compte des objectifs de mixité sociale. Deux mesures semblent plus radicales. Le Snpden demande que « une partie des moyens attribués aux établissements soit calculée selon des critères destinés à favoriser l’accueil des élèves de leur secteur, et à encourager leur contribution à l’objectif général de mixité scolaire, afin de stabiliser, voire de corriger l’effet d’écart croissant des inégalités entre les établissements ». L’Etat devrait cesser d’accorder les moyens selon les effectifs bruts ce qui favorise les établissements qui attirent le plus les élèves. Le Snpden demande aussi que soit dissociée la carte des options et les processus d’affectation. « La pratique devrait être d’offrir les options en fonction des besoins du public scolaire accueilli (éventuellement sous des formes mutualisées entre les établissements), et non d’en faire un produit d’appel permettant la sélection d’un public privilégié ».
Le ministre, dans un entretien accordé au Parisien, annonce qu’il se fixe trois rentrées pour supprimer la carte scolaire. Pour permettre la mixité sociale, il envisage de renforcer les moyens dans les établissements défavorisés.
Quel effet en zone rurale ?
« En milieu rural, l’absence de régulation va en plus fragiliser les plus petits établissements ». Le Sgen Cfdt de Basse-Normandie met en garde les élus locaux des zones rurales : la suppression de la carte scolaire va accélérer la désertification.
Pour le Sgen, « l’attractivité vers les villes est forte en particulier quand les parents y travaillent ; une dizaine de nos collèges ruraux ou périurbains ont des effectifs inférieurs à 250 élèves. La suppression de la carte scolaire fragilisera nombre d’entre eux… Concernant le 1er degré, si demain les familles séduites par la mesure ont le choix d’inscrire leur enfant dans une autre école que celle de leur commune c’est tout l’équilibre de notre réseau et l’avenir de nos regroupements pédagogiques qui est en jeu ».
Sur le Café : dossier sur l »école rurale
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/rurale06_index.aspx
Une réponse anglaise : Parents ouvrez vos écoles !
« Il y aura une réponse complète. On offrira aux parents des options pour améliorer leur école ou, s’ils le souhaitent, on les aidera à ouvrir leur propre nouvelle école ». C’est la réponse anglaise à la question de la carte scolaire. Lord Adonis, ministre des écoles, a annoncé son intention de renforcer les pouvoirs des parents. Dès maintenant chaque ouverture d’école sera soumise à compétition.
http://education.guardian.co.uk/policy/story/0,,2088370,00.html
Recette anglaise : Marier Henri IV et le lycée Gagarine
« Les lycées les plus prestigieux devraient nouer des partenariats avec les lycées de Zep ». L’idée vient d’un député britannique, patron du Specialist Schools and Academies Trust (SSAT), un organisme qui anime un réseau d’établissements installés dans des quartiers populaires. Il demande que chacune des 164 Grammar Schools, les établissements les plus sélectifs du système éducatif anglais, puisse venir en aide à un établissement défavorisé. Cela pourrait devenir la condition mise au maintien de leurs privilèges.
http://news.bbc.co.uk/1/hi/education/6684829.stm
Pour approfondir
La carte scolaire en débat
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lesysteme/Pages/DossierLacartescolaireendebat.aspx
Comment réguler le marché scolaire ? par Christian Maroy
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/80DossCommentrégulerlemarchéscolaire.aspx
Carte scolaire : réviser, supprimer, maintenir ?