|
||
Diffusé dans l’académie de Lille, le dispositif « pupitres » est un environnement constitué d’autant de postes que d’élèves, reliés en réseau, sous le pilotage d’un poste maître, doté d’outils permettant à l’enseignant, libéré des contraintes de maintenance technique, de s’investir dans sa pédagogie. Enseignant en collège, Jean-Michel Cavrois fait partie des professeurs qui ont vu ce curieux objet pédagogique atterrir dans sa classe. FJ- Comment se présente une classe pupitre ? JMC- Il s’agit d’une classe de 6ème ou de 5ème dont l’essentiel des cours sont assistés par ordinateur. En fait, la classe a une salle informatique attitrée. les élèves font face au tableau et au bureau du professeur, équipé lui aussi d’un PC. La gestion de la classe nécessite, en tout cas en ce qui me concerne, l’élaboration de règles de travail et de comportement très claires. FJ- Comment avez vous vécu l’arrivée de la classe pupitre ? JMC- Au départ avec beaucoup de méfiance – mais pas sans intérêt. Lorsque je suis arrivé au collège Jean-Jaurès de Lens, je voyais des collègues très motivés se débattre avec des problèmes techniques qui ne permettaient pas d’utiliser la salle au maximum de ses capacités. Cela ne nourrissait pas particulièrement mon enthousiasme… FJ- Quel effet l’équipement a-t-il eu sur vos pratiques ? JMC- Au début, enseigner en classe « pupitre » n’a pas changé grand-chose pour moi, car la salle… ne fonctionnait pas ! Peu à peu, j’ai appris à utiliser les logiciels exerciseurs, comme « Hot Potatoes ». Cependant, la salle « pupitre » n’avait aucun intérêt, car les exercices ainsi créés restaient redondants avec les activités « normales » de cours, et les élèves les prenaient pour des jeux. Il m’a fallu pour déclencheur un stage, où la formatrice nous a expliqué comment créer un véritable cadre de travail en salle « pupitre » en utilisant des hyperliens créés sur traitement de texte ou éditeur HTML. À présent que le collège est doté d’une connexion en réseau, j’ai pu créer mon site intranet, ce qui permet aux élèves d’afficher l’architecture de chaque séquence, et d’y accéder même en dehors des cours. Généralement, une séance en salle « pupitre » commence par la connexion au réseau. Puis les élèves se rendent sur mon site intranet en activant un lien que j’ai placé dans leur dossier de travail « cours du jour ». Là, ils sélectionnent leur classe. Un menu déroulant figure sur le « plan de travail ». Nous allons d’abord consulter le cahier de textes pour savoir où nous en sommes. Ensuite, ils sélectionnent la séquence en cours, puis le chapitre où nous sommes arrivés. L’architecture du cours est présentée sur une page web. Les liens vers les exercices figurent sous la forme d’icônes. Les activités interactives interviennent dans une logique d’autocorrection : les élèves travaillent d’abord à l’écrit, puis se corrigent grâce aux activités sur l’ordinateur. Par exemple, en demandant aux élèves, dans les activités de repérages, d’utiliser les outils de soulignement ou de surlignage du traitement de texte, on leur permet, avant de mettre au propre sur le papier, de se tromper et de se corriger à loisir. J’essaie, dans la mesure du possible, de ne pas limiter le recours à ces activités interactives au seul maniement de la langue. C’est pourquoi je préfère de loin créer mes propres exercices que d’utiliser ceux du commerce, souvent très limités et peu adaptés – et de toutes façons trop chers. L’utilisation d’une salle en réseau permet également d’utiliser les PC des élèves comme des écrans de projection, en faisant des présentations de diaporamas, ou, simplement, en présentant l’écran du professeur sur tous les postes, grâce à des logiciels adaptés. Enfin, l’ordinateur peut être un intéressant outil de création, pour élaborer un « conte dont vous êtes le héros », par exemple… FJ – La mise en place de la classe facilite-elle le suivi des élèves ? JMC- Nous n’en sommes pas à ce point. Je sais que certains collègues utilisent beaucoup cette fonctionnalité. En ce qui me concerne, comme je donne toujours la priorité au classeur sur le traitement de texte, les travaux enregistrés dans les dossiers sont généralement des exercices de repérage ou de transformation. Mais avec Hermes, un des outils de gestion du réseau, je vais commencer à vraiment employer cette méthode de travail. FJ- Utilisez vous Internet ? JMC- Oui, dans le cadre de recherches sur des auteurs, des sujets généraux… Nous consultons aussi beaucoup le site de la BNF, pour voir des manuscrits ou des documents sur les écrivains, ou celui du Musée du Louvre, une véritable mine. Cependant, cette utilisation était jusqu’à présent fort limitée, faute d’ADSL. Or, cette année, le haut débit est arrivé, et le FJ- Avez vous l’impression de mieux enseigner ? JMC- Des collègues enseignant en classe « pupitre » font sans doute preuve de beaucoup plus d’ingéniosité et de compétence que moi. Et il faut d’abord parler des obstacles : configuration spatiale de la salle de la classe, pannes. Cependant, dès lors que certaines habitudes s’installent, travailler en salle « pupitre » peut apporter beaucoup. Les élèves apprennent à être plus autonomes, à être plus attentifs aux messages qui leur sont transmis à l’écrit, sur l’écran. Ainsi, avec les exercices créés avec Hot Potatoes, les élèves doivent fournir exactement la réponse attendue, ce qui implique de ne pas se tromper sur l’orthographe… Une pédagogie différenciée peut être mise en place, en créant, par exemple, des parcours d’activités différents selon les élèves. Mais surtout, comme je l’ai déjà dit, le fait d’avoir toujours accès au plan de la séquence, à des outils de recherche sur internet, ou à des outils de création sur ordinateur est très enrichissant. Les élèves se débrouillent mieux dans leurs recherches, avec plus d’autonomie. Cet après-midi même, mon collègue de Sciences-Physiques m’a fait remarquer que les élèves de 5ème qui avaient l’an dernier participé au « Défi-internet » organisé par le CDDP du Pas-de-Calais l’ont étonné par leur aisance, leur autonomie et la pertinence de leurs stratégies au cours d’une activité de recherche sur internet… Si je laisse de côté l’année où la salle a mal fonctionné, et celle au cours de laquelle j’ai tâtonné pour trouver une manière efficace et cohérente d’enseigner ma matière en salle « pupitre », voilà un an que je commence à mieux maîtriser « l’outil »… C’est trop peu pour juger de son efficacité. Néanmoins, le projet me passionne de plus en plus, et je ne laisserais ma place pour rien au monde ! Surtout, je commence à trouver un sens à l’utilisation de l’informatique dans mes cours de français, autrement que comme une annexe du manuel. FJ- Peut on chiffrer l’effet sur les résultats des élèves ? JMC- Je suis personnellement réfractaire à cette logique du résultat… Un élève en difficulté rencontre généralement une difficulté supplémentaire lorsqu’il est confronté à l’ordinateur. Les effets positifs sont peu quantifiables : le classeur est mieux organisé, et certains élèves gagnent en autonomie. Mais les plus débrouillards sont les seuls à vraiment tirer parti de l’outil. FJ- Vous pensez que le dispositif ne bénéficie qu’aux élèves des familles aisées ? JMC- Je ne poserais pas la question en ces termes, bien que j’aie pu constater que les élèves possédant déjà un PC à la maison tirent un meilleur bénéfice du dispositif – ce qui n’est pas nécessairement lié à la situation Pour conclure sur ce sujet, je dirais que les difficultés que certains élèves rencontrent en classe « normale » (suivre une consigne orale ou écrite, lire un texte, répondre à des questions, accomplir une tâche…) peuvent avoir des conséquences décuplées en salle « pupitre », car se tromper dans une manipulation ou être incapable de l’accomplir peut accentuer le sentiment d’échec de certains. L’ordinateur n’est pas, loin s’en faut, un remède-miracle ! FJ- Qu’en pensent les élèves et les parents ? JMC- Il est difficile de dépasser avec les élèves l’aspect ludique. Mais lorsqu’ils ont compris la logique dans laquelle nous travaillons, ils prennent l’outil beaucoup plus au sérieux, tout en appréciant toujours de venir travailler en salle « pupitre ». Quant aux parents, ils ne se plaignent pas ! FJ- Comment la classe pupitre est elle vue par les collègues ? Se sont ils mis à l’informatique ? JMC- Les choses bougent petit à petit. Le B2I a tendance à changer les mentalités, comme l’a fait l’arrivée de ProfNote dans le collège. Nos profs ressources TICE se démènent pour nous former à ces nouveaux outils qui ne FJ- Comment expliquer ce succès ? Suffit il de mettre du matériel pour changer les pratiques ? JMC- On ne va pas se plaindre de bénéficier de dotations de matériel. Cependant, j’ai pu constater, ayant « cafouillé » lamentablement pendant un an parce que je ne m’investissais pas sérieusement dans le projet, que sans réflexion sur l’utilisation de ce matériel en lien avec les pratiques d’enseignement, soit on risque le découragement, soit on perd son temps, et on fait perdre beaucoup de temps aux élèves… Entretien : François Jarraud Présentation des classes pupitre Le site de Jean-Michel Cavrois
|
||