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Par JP Raud Dugal
Rodolphe de Koninck, Singapour, la cité-État ambitieuse, Belin, La Documentation Française, 2006.176 p. Compte-rendu de JP Raud Dugal pour le Café Pédagogique :
Rodolphe de Koninck, titulaire de la Chaire du Canada en études asiatiques à l’Université de Montréal, connaît bien son sujet pour avoir passé plusieurs années à Singapour et y avoir obtenu un Phd. Il propose ici une étude du développement de cet espace et de son ancrage dans la mondialisation. Étude d’autant plus originale qu’une telle démarche n’avait pas été véritablement proposée par la géographie francophone.
Cette cité-État de 4 millions d’habitants pour environ 700 km2 doit aux multiples facteurs internes et externes qui ont émaillé son histoire de s’être intégré à ce point dans la mondialisation. L’auteur rappelle ainsi les bénéfices que les différents marchands pouvaient retirer du site exceptionnel dans le détroit de Malacca, au contact du monde malais (d’où vient son nom Singa Pura, la cité du lion). La présence des malais se conjugue avec celle des chinois, des portugais depuis fort longtemps. Même si la création d’un comptoir de la East India Company en 1819 marque le début de son explosion économique et démographique, Rodolphe de Koninck a rappelé ainsi que le déterminisme anglais n’avait pas été unique. Il continue, tout au long des 10 chapitres de l’ouvrage à étudier la croissance de la ville qui de 1 000 habitants en 1819, 11 000 habitants en 1824 (!) à 945 000 en 1948 a connu une explosion démographique hors du commun. Elle a su attirer à elle de nombreuses communautés marchandes qui ont contribué à une modification radicale du relief et du paysage de l’île.
Autonome dès 1953 , elle devient indépendante en 1965 après le refus de la fédération de Malaysia de l’intégrer en son sein. A partir de ce constat, l’auteur dégage ainsi les grandes lignes du développement mondial de la cité. La forte implication institutionnelle dans l’essor économique est, à de nombreuses reprises, étudiée et commentée à l’exemple de la holding d’état, le Temasek et des programmes ambitieux comme « Singapore one ». Le but du tout nouvel État a été de transformer la société tout en transformant le territoire. Comment passer d’une société qui a toutes les caractéristique du Tiers-Monde (problèmes de logement, d’éducation, etc.) a une société totalement intégrée à la mondialisation, qui a développé les autoroutes de l’information comme personne, grâce à la petitesse de sa taille. Ainsi, l’auteur insiste particulièrement sur les éléments qui font de Singapour un État-modèle pour les pays développés. Ses valeurs basées sur une lutte acharnée contre la corruption sur la création d’un sentiment national, l’État invente une société nouvelle Le constat est simple : aujourd’hui la société est éduquée, disciplinée et prospère. Elle a aussi « révolutionné » son territoire. Pour réaliser ces processus il fallu « domestiquer la nature ». Le développement durable est ainsi au cœur du dispositif politique singapourien même s’il cadre mal avec sa volonté de rester un des principaux centres de raffinage au niveau mondial.
La création d’espaces pour accueillir les très nombreux capitaux étrangers s’est accompagnée d’expropriations mais aussi aux terrains gagnés sur la mer (le territoire singapourien est ainsi passé de 581 km2 en 1959 à 699 km2 aujourd’hui). La révolution des technologies, la volonté de collaborer avec Johore et Riau, toutes proches sont les caractéristiques d’un modèle sain et en développement. Néanmoins, Rodolphe de Koninck s’interroge sur la durabilité de celui-ci. La planification étatique, avec des excès que certains jugent autoritaires, n’est pas synonyme de repli mais au contraire d’ouverture au monde. La prévision de l’avenir est une constante du modèle singapourien comme l’anticipation des activité portuaires que décrit l’auteur. Cet ancrage mondial se double d’un ancrage régional. Le développement du triangle de SIJORI est parfaitement analysé et permettra aux lecteurs d’en tirer une étude de cas intéressante et utile. Les investissements singapouriens se multiplient dans sa périphérie. Cette course éperdue a–t-elle été remise en cause par la crise de 1997 ? Les derniers rapports internationaux, la conservation du niveau de vie semblent le démentir.
En conclusion, Rodolphe de Koninck rappelle les cinq éléments qui composent le modèle de cette démocratie autoritaire et efficace : · la nature rassurante de l’autocratie singapourienne · la participation aux fruits de la croissance est généralisée · un système extrêmement centralisé · un paysage « rassurant avec son canapé de verdure » · la fierté nationale lié à la réussite du modèle.
Ouvrage de référence, il offre une lecture passionnante et vraiment accessible. Pour appréhender au mieux cet espace, de nombreuses cartes à différentes échelles sont offertes ainsi qu’une biographie abondante et bien choisie. On pourra aussi coupler cette lecture avec un travail sur Google Earth qui s’avérerait très complémentaire. Les élèves de terminales, les étudiants en CPGE comme à l’Université ainsi que leurs professeurs auront tout intérêt à se le procurer.
Des liens pour compléter l’étude
Ministère des Affaires étrangères Pour avoir des informations basiques sur cet espace : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/singapour_560/index.html
Maritime and Port Authority de Singapour On y trouvera beaucoup d’indications mais aussi le tableau des arrivées et des départs des navires ainsi que leur provenance et leur destination. Très intéressant pour comprendre la position centrale de Singapour dans le Monde.
Géoconfluences et le détroit de Malacca Deux articles à lire de Nathalie Fau. Des cartes explicatives permettront de mieux appréhender l’espace régional de Singapour. http://geoconfluences.ens-lsh.fr/doc/transv/Mobil/MobilScient.htm |
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