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Par JP Raud Dugal
Bernard Elissalde et alii, Géopolitique de l’Europe, Nathan, Collection Nouveaux Continents, 2006, 367 pages.
Dossier réalisé par Jean Philippe Raud Dugal
Les ouvrages de géopolitiques chez Nathan sont d’une très grande utilité comme le Café vous les ont présenté lors du numéro précédent. Pour compléter cette approche, nous avons posé des questions à Bernard Elissalde, Professeur à l’Université de Rouen. Voir aussi le dossier du numéro précédent du Café :
1) Peut-on considérer l’Union Européenne comme un territoire ? Quelles en seraient les principales caractéristiques ?
Je ferais une réponse de « normand » (sic). Si l’on considère un territoire comme un espace approprié et organisé par des groupes, des sociétés, et des acteurs variés ; il existe bien un processus de recomposition territorial qui anime l’espace européen (essentiellement l’Union européenne). Ce que l’on nomme le processus d’européanisation est une dynamique qui remodèle l’Etat post-national (dans ces différents niveaux et échelles de compétences), éventuellement en s’inspirant d’autres « modèles » européens et qui intègre dans son fonctionnement les acquis communautaires (traités, directives, réglements), ainsi que les différentes formes de coopérations transeuropéennes (transfrontalières, regroupements européens de collectivités locales, etc). Si l’on ajoute à cela les effets spatiaux (villes, régions, zones touristiques) de l’intégration par le grand marché, on aboutit bien à quelque chose qui ressemble à un système territorial organisé selon certaines logiques. Mais un territoire est toujours animé par des forces centrifuges autant que par des forces centripètes. Si , au contraire, on insiste plutôt sur les multiples facettes de l’européanité, sur la variété des projets européens et sur les situations de transition territoriale, notamment, mais pas seulement, dans les PECO, alors on ne peut évidemment pas voir dans l’Europe un territoire cohérent. Il faut enfin ajouter à tout cela la non-concordance dans l’adéquation entre les projets, les représentations des acteurs européens et la réalité c’est-à-dire l’état de la territorialisation en cours de réalisation sur le continent européen.
2) La notion de gouvernance est très largement évoquée. Quels en sont les enjeux en terme spatiaux ?
La gouvernance peut être définie comme étant constituée (instituée ?) par les différentes formes de régulation politiques, idéologiques et autres d’une société par des instances multiples (cadres politiques, partenaires sociaux, producteurs des représentations mentales, etc). Dans le cadre européen les enjeux portent sur les questions de la poursuite de la construction européenne, de l’adhésion et de l’acceptation du projet européen. Les enjeux spatiaux sont à la fois internes et externes : -en interne, quatre thématiques principales se dégagent : celle de la concurrence entre les lieux (cf les sites de fabrication d’Airbus), celle de la cohésion territoriale d’un ensemble à géométrie variable (participation ou non à l’euro, à l’espace Schengen, à la PESC, etc), celle du degré de complémentarité de l’espace européen posée par certains mots d’ordre aménagistes comme le polycentrisme, celle enfin de la convergence des économies et des territoires posée autour des politiques des Fonds Structurels. -en externe s’imposent à l’Europe la thématique de son insertion dans la mondialisation économique et au déplacement du centre de gravité mondial autour de la zone Pacifique. Ce risque de marginalisation relative pose la question de sa capacité à participer de manière active à des tentatives de gouvernance mondiale. Plus précisément la question est posée à l’Union européenne la question de son positionnement dans les relations internationales. Est-ce que l’orientation actuelle quasi-uniquement centrée sur les normes universelles (environnement, droits de l’homme) est une posture de repli (cf ce que dit H.Védrine dans Le Monde daté du 23/4/2007) ou bien une « carte » efficace dans une gouvernance mondiale en émergence, ainsi qu’une manière de gérer de façon cohérente le projet interne et l’image externe ?
3°) Vous évoquez la complexité de cerner une réalité « aux paramètres incertains ». Comment l’expliquer simplement à des élèves du secondaire? Sur quels point principaux serait-il nécessaire d’insister ?
On peut trouver un fil conducteur pour sensibiliser les élèves à la complexité de la situation européenne et les faire sortir des approches binaires. Ce fil conducteur partirait de l’incertitude des limites de l’Europe, laquelle permettrait d’aborder la pluralité et la variabilité des projets. Mais étant donné que cette diversité ne débouche pas sur l’inertie et sur des tensions comme dans les schémas binaires, on aboutit à des multi-appartenances ou à des identités multiples. Un film comme l’Auberge Espagnole en est un beau symbole.
Nous tenons à remercier chaleureusement Bernard Elissalde pour sa disponibilité et sa gentillesse.
Pour information : le numéro 82 était consacré en partie à la collection :
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