2 – Etat des lieux : Pour que le B2i ne se transforme pas en Arlésienne par Emmanuel Leclainche, formateur Bonnes intentions et difficultés de terrain. Le B2i est arrivé avec la parution du B0 du 16 novembre 2000. Les circulaires d’application sont arrivées au cours du deuxième trimestre scolaire, il faut bien admettre que les conditions n’étaient pas réunies pour qu’il puisse être opérationnel dès l’année scolaire 2000/2001 comme le prévoyaient les textes. Cette année, le problème est différent, car nous avons les textes en main et les académies ont pour certaines d’entre elles travaillé sur le sujet. Ceci dit, un projet mal lancé a toujours du mal à démarrer et c’est sans doute une des raisons pour lesquelles la mise en place de ce B2i rencontre des difficultés d’application sur le terrain. Un consensus : J’interviens actuellement dans les collèges de l’enseignement catholique du Morbihan qui le demandent pour présenter le B2i aux équipes enseignantes. Les réunions sont généralement animées, la majorité des enseignants sont présents, ce qui montre l’intérêt porté à cette attestation. Elles suscitent beaucoup d’interrogations mais en général tout le monde est d’accord pour reconnaître que c’est une bonne chose pour les élèves. Par contre, les enseignants ne se sentent pas tous prêts pour la mise en place. Ils évoquent des difficultés qui sont souvent réelles telles que le manque d’équipements, la difficulté à gérer un groupe dont l’effectif, souvent important, ne permet pas un suivi individuel des élèves, l’organisation du fonctionnement des établissements qui fait, que parfois l’outil informatique, n’est pas là où en aurait besoin, le manque d’équipement personnel des professeurs, etc. A cela s’ajoute également une nouvelle façon d’évaluer avec laquelle les enseignants doivent se familiariser avant qu’elle devienne véritablement opérationnelle et efficace. Une réalité : Dans la diversité des situations rencontrées, il apparaît des éléments de convergence. Il est évident qu’un enseignant qui a lui-même intégré l’outil pour ses propres besoins trouve très rapidement des applications pleines de sens à proposer aux élèves, il intègre très naturellement l’outil dans ses cours si l’établissement lui en donne les moyens. Par contre, un enseignant qui n’a pas intégré lui-même l’outil a beaucoup plus de difficultés à l’utiliser dans ses cours. Quand il le fait, les situations proposées sont parfois artificielles et manquent de sens. Ceci ne favorise pas le développement des capacités de transfert chez les élèves. Par conséquent, une entrée à privilégier consiste à montrer que les TICE sont aussi un outil efficace pour le professeur. Dans les observations relevées sur le terrain on remarque aussi des écarts dans les approches. Dans certains cas, l’outil est abordé lors des modules d’apprentissage du cours de technologie, mais les élèves sont peu mis en situation ensuite pour qu’ils acquièrent le réflexe de les utiliser. Dans ce cas, à mon avis, on ne peut pas véritablement parler de compétences maîtrisées, l’expression « compétences abordées » convenant mieux à cette situation. Dans d’autres cas, par contre, on constate que les élèves ont véritablement acquis les compétences dans la mesure où ils sont capables dans une situation problème donnée de mettre en oeuvre les outils appropriés. On peut par exemple noter ici le fait qu’un élève utilise naturellement le courrier électronique pour transmettre des informations du collège chez lui ou l’inverse. Un autre constat revient souvent. Beaucoup d’enseignants ont découvert l’outil informatique de façon autodidacte. Ils ne sont dons pas toujours sûrs d’avoir acquis les bonnes méthodes et ont des difficultés à formaliser leur niveau de compétence. Ils ont besoin de points de repères fiables avant de passer à l’évaluation des élèves. On remarque également sur ce sujet, l’importance d’échanger sur les expériences conduites sur le terrain. C’est en voyant des réalisations concrètes et en échangeant entre collègues que les enseignants pas encore familiarisés avec l’intégration des TICE y trouvent de l’intérêt et y viennent petit à petit. Là où des personnes ressources peuvent accompagner les enseignants pour les cours en salles multimédia, on constate que celles-ci sont très demandées et qu’il est nécessaire de réserver son passage à l’avance si on veut y avoir accès. Par contre, à l’opposé, on peut aussi trouver des salles bien équipées, mais sous exploitées dans des établissements où cet accompagnement n’existe pas. Dans les établissements où l’outil est bien intégré, on en est souvent à réfléchir et parfois à proposer l’accès aux ordinateurs en dehors des cours et en autonomie sous le contrôle néanmoins d’un adulte. C’est certainement là une façon très positive pour permettre aux élèves de véritablement mettre en oeuvre les apprentissages réalisés en cours, sous réserve que cet accès s’inscrit dans le cadre de projets élaborés. Les freins et les peurs : La difficulté d’intégration du B2i révèle souvent des peurs. On peut en citer quelques unes qui reviennent très souvent : Les dérives constatées : Je crois que la plus importante se résume par une prise en charge intégrale du B2i par les professeurs de technologie ou une prise en charge limitée aux professeurs de technologie et aux documentalistes. Ceci constitue une dérive dans la mesure où le professeur de technologie qui a en charge les modules d’apprentissage est sans doute le plus mal placé pour évaluer les capacités de transfert des élèves. En effet, on peut facilement imaginer qu’un élève mette en oeuvre une compétence dans le cadre de son cours de technologie mais qu’il ne retrouve pas ce réflexe quand il est dans une autre discipline. Pour mieux cerner ce risque, il suffit de voir combien d’élèves ont des résultats très satisfaisants en grammaire, mais ne réinvestissent pas ces acquis quand ils sortent du contexte du devoir de grammaire. Ceci tend à montrer que l’évaluation, pour être pertinente, doit être décalée dans le temps par rapport à l’apprentissage et se faire dans des contextes différents comme le prévoient les textes officiels. Le travail réalisé dans un contexte non lié directement à une discipline (PPD, Travaux croisés et bientôt les IDD) est souvent un terrain de réinvestissements privilégié dans ce domaine. La deuxième dérive constatée est celle de l’examen. En effet, il est tentant de bloquer des périodes de tests de type examen. Ce n’est pas dans l’esprit du B2i et cette méthode peut favoriser des élèves qui ne sont pas forcément les plus performants dans l’utilisation de l’outil. A l’opposé, on peut par cette méthode pénaliser des élèves qui, dans un autre contexte, maîtrisent les compétences. Ces tests intégrant souvent des QCM (Type évaluation de seconde), favorisent les élèves qui ont une mémorisation facile, mais peuvent pénaliser les élèves qui sont très intuitifs et pour qui, la méthode du tâtonnement est particulièrement efficace. Il favorisent davantage les contenus et évaluent peu la maîtrise de l’outil en situation concrète. Le principal intérêt du B2i est de permettre à l’élève qui quitte la classe de troisième de faire le point et d’être au clair avec les compétences qu’il maîtrise et celles qu’il doit encore travailler. L’objectif étant de le rendre opérationnel dans les projets faisant appel à la maîtrise des outils de communication dans le cadre des travaux qui lui sont confiés en lycée. Les expériences en cours : Certains établissements ont commencé à mettre en place le B2i dès l’année dernière, d’autres s’y mettent cette année, d’autres encore n’ont pas démarré alors que les textes prévoient pourtant que le B2i doit être validé cette année. Une chose est certaine, nous sommes dans une période de transition et de mise en place. Il faut démarrer en tenant compte du contexte actuel, mais sans perdre de vue le côté évolutif de la situation. La difficulté à démarrer le B2i sur l’ensemble du collège devrait s’atténuer au fur et à mesure de sa mise en place. Les documents supports proposés sont encore un peu théoriques dans la mesure où leur exploitation sur le terrain fera émerger leur pertinence mais aussi leurs limites, c’est une étape à franchir pour aboutir à des outils utilisables facilement sur le terrain. Des situations à analyser pour réorganiser l’informatisation dans les collèges : Les critiques émises dans certains établissements sont riches d’enseignement. On aurait tort de les réduire à de simples freins venant de personnes opposées à la mise en place du B2i car elles révèlent parfois des erreurs stratégiques dans les choix d’équipement et d’organisation. Sur ce chapitre, on aurait sans doute beaucoup à dire. On rencontre par exemple des établissements dont les équipements existent, mais sont sous exploités parce que les enseignants n’ont pas été impliqués dans la démarche. Ce n’est pas parce que l’équipement est là qu’il sera utilisé. On peut aussi se demander si les choix réalisés sont toujours judicieux. On a parfois l’impression que l’on transpose le modèle que l’on connaît en y intégrant simplement l’outil informatique. C’est par exemple ce qui se concrétise par la demande d’un nombre de postes suffisant pour pouvoir travailler en classe entière. Là, je m’interroge, qu’y a -t- il de plus intéressant ? Un salle multimédia de 30 postes ou 2 salles de 15 postes ? On peut également émettre la même réserve sur l’utilisation de certains outils. Le tableau interactif a été à l’honneur des derniers salons de l’éducation, pourtant, cet outil ne fait-il pas courir le risque de voir une fois de plus l’enseignant au cœur de l’acte d’apprentissage, au détriment des activités des élèves. Je suis personnellement convaincu que l’intégration des TICE doit permettre de repenser la place de l’enseignant dans la classe. Le B2i doit permettre de valider les compétences chez les élèves, cela suppose qu’ils soient les acteurs et non les spectateurs dans le « cyber cours ». L’idéal serait à mon avis de partir des besoins du collège en matière d’intégration des TICE, pour penser l’organisation des équipements au niveau de l’ensemble du collège, plutôt que de partir, comme on le voit parfois d’un produit « clé en mains » aussi performant soit – il, mais qui ne permet de couvrir qu’une partie des besoins au détriment du reste. La décentralisation source d’inégalités ? C’est une réelle question aujourd’hui. A l’école primaire, c’est la politique communale qui décide pour une grande part des possibilités d’intégrations des TICE. Au collège, les politiques et disparités de richesses des conseils généraux entraînent des disparités d’équipement énormes entre les collèges. Certains sont à l’heure du cartable électronique alors que d’autres sont encore très largement sous équipés. C’est une source d’injustice qui pourrait conduire à des inégalités de chances entre les jeunes. Comment peut-on imaginer dans ce contexte un B2i identique pour tous les collégiens si certains sont richement dotés en équipements pendant que d’autres sont des semaines entières sans avoir accès à l’outil informatique. C’est une réelle question qu’il faudra bien prendre en considération. Les parents et le B2i : Les parents sont attentifs à ce qui se passe quand ils sont informés sur le sujet. Il est clair que l’intégration de l’outil informatique constitue à leur yeux une bonne préparation à l’avenir. Dans cette logique, ils perçoivent par conséquent l’arrivée du B2i comme quelque chose de très positif. L’outil informatique serait semble-t-il à l’origine d’un phénomène nouveau et intéressant à prendre en compte. L’utilisation de l’ordinateur peut être une occasion d’échanges et de partage de savoir faire entre les parents et leurs enfants adolescents. Conclusion : En conclusion, je crois que l’on peut dire que si le B2i constitue quelque part une révolution culturelle, il se présente aussi comme un défi à relever pour que les jeunes puissent maîtriser dans de bonnes conditions l’outil de communication qui aujourd’hui s’est largement imposé. Par conséquent, dire que la validation de cette attestation ne concerne pas toutes les disciplines reviendrait à admettre que certaines matières ne sont pas concernées par la communication, ce qui parait plutôt inconcevable. Qu’on le veuille ou non, l’outil est bien présent, l’école a aujourd’hui un défi à relever pour que son intégration se fasse dans un contexte de formation et d’éducation qui permettra au jeune de l’utiliser ensuite de façon responsable et raisonnée.
Emmanuel LE CLAINCHE Professeur de technologie au collège Sainte Thérèse de MUZILLAC (56)
Introduction : Les enjeux du B2i, par Bruno Devauchelle |