L’influence du HCE aura été une bonne chose. Au moins dans ce domaine de la formation des enseignants. Si les moyens sont là, si les propositions ne sont pas édulcorées, affadies, sous la pression des milieux ultra conservateurs qui sont parvenus à orienter les décisions ministérielles dans le domaine de la lecture, de la grammaire, et sans doute bientôt, dans le domaine des mathématiques, si les interrogations des syndicats d’enseignants sont prises en considération, on pourrait se mettre à rêver d’une réforme intelligente de la formation des enseignants. Le HCE souligne pertinemment que les connaissances disciplinaires sont nécessaires mais ne sont pas suffisantes et présente 10 compétences qui sont difficilement contestables : la compétence disciplinaire, la maîtrise de la langue française, la capacité à concevoir son enseignement, à prendre en compte la diversité des élèves, à gérer une classe, à évaluer les élèves, à travailler en équipe et à coopérer avec les partenaires de l’Ecole, à innover, à agir de façon éthique et enfin à utiliser les TICE. La formation au travail d’équipe est une innovation qui avait été négligée lors de la mise en place des IUFM. Bien comprise dans ses deux dimensions, la transversalité, au moins pour toute la période de la scolarité obligatoire, et la continuité pédagogique, elle pourrait donner davantage de sens et d’efficacité au projet d’école ou d’établissement si ce concept a une chance de survie. Le travail d’équipe ne se décrète pas, il s’apprend et se construit, ce qui nécessite une réorientation de la formation et exige des formateurs préparés, formés pour cela. On maîtrise sa discipline, mais on ignore largement les conditions nécessaires, les facteurs de réussite, les méthodes adéquates, pour former au travail d’équipe. La formation initiale doit être professionnelle, entend-on, c’est-à-dire qu’elle doit préparer à l’exercice du métier. A l’échelle de l’histoire et au regard des enjeux actuels de l’éducation, cette question n’a jamais été réellement traitée, pour au moins deux raisons:
L’articulation théorie / pratique a toujours été évoquée, invoquée, affirmée, rappelée… Mais elle n’a jamais fait l’objet d’une réelle formation. On fait le pari que le formateur va exploiter les observations effectuées sur « le terrain » alors qu’il ne le peut pas, que le maître de stage va expérimenter des situations pédagogiques proposées par les stagiaires, que les échanges entre maître de stage et stagiaires ne seront pas infantilisants, ne porteront pas sur la chronologie des séquences ou sur les enfants à problèmes ou sur le niveau qui baisse. Contrairement à ce qui se dit parfois, il est impossible d’exploiter en cours à l’IUFM la masse des informations accumulées durant les stages tant que la lassitude n’a pas gagné les stagiaires qui prennent des notes qui ne serviront à rien et à personne. Mais, hormis lors d’ateliers pédagogiques, on fera toujours comme si c’était fait. Le règne de l’apparence envahit ce domaine comme tant d’autres domaines de la vie de notre société. On dit que l’articulation théorie / pratique est importante, et… on croit qu’il suffit de le dire pour qu’elle soit faite, ce qui n’est pas le cas, mais ce qui n’émeut que peu de personnes. L’articulation théorie / pratique, dont il est évident, qu’elle peut être déterminante pour l’amélioration du fonctionnement de l’Ecole, doit faire l’objet de recherches précises, d’échanges entre maître de stages et formateurs, d’expérimentations dont le déroulement et les résultats doivent être publiés et remis en débat. Si l’on veut réellement changer la formation des enseignants, il faut avoir le courage d’affirmer que le modèle dit applicationniste (déroulement de séquences à reproduire, observations centrées sur le maître) a bien vécu et qu’il a vécu. Il faut aussi reconnaître que la pédagogie n’est pas sans importance… L’une des voix à privilégier est sans doute l’exploitation de la pédagogie de résolutions de problèmes. Les stagiaires travaillent en équipe (formation au travail d’équipe). En accord avec le maître de stage, ils établissent un programme d’observation qui comprend divers types d’observations durant une même heure de cours ou sur du plus long terme: – observation d’un élève durant la totalité du cours (gestes, actions, mimiques, concentration, réactivité, propos tenus, traces..), – observation d’un groupe (attention, attitudes, productions), – observation du maître (langage produit, quoi, à qui, pourquoi, déroulement, activités des élèves par rapport aux consignes et aux situations, etc). Ces observations diverses font l’objet d’un traitement avec le maître de stage pour formuler des problèmes, faire des catégories de problèmes, rechercher des documents sur ces problèmes, formuler des hypothèses et monter de petites expérimentations pour les vérifier au cours du stage… Au retour au centre de formation, les problèmes classés, hiérarchisés peuvent être soumis aux professeurs pour solliciter des éclairages théoriques et des cours fondés sur des réalités analysées et non sur des observations ponctuelles hétéroclites. Ce type de pratiques nécessiterait un vaste plan de formation des formateurs. Mais il est vrai que la pédagogie de résolution de problèmes n’est pas ou plus de mise… Reviendra-t-on alors au modèle applicationniste périmé que l’on sortira de ses cendres et que l’on recolorisera en réaffirmant péremptoirement que l’articulation théorie /pratique est fondamentale… NB Cette réflexion est développée dans un texte publié sur le site de Philippe MEIRIEU (http://www.meirieu.com) : « Du modèle applicationniste au modèle de la résolution de problèmes ». Pierre Frackowiak
Page publiée le 07-12-2006
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