Bibliographie
« Depuis si longtemps en désaccord avec le ton dominant du système éducatif français, les officiers avaient de longue date, caressé l’espoir d’utiliser le service militaire pour contrecarrer ses effets néfastes sur la jeunesse française. L’Armée d’armistice aura eu l’occasion de mettre cette envie en pratique : ce sera même la marque principale qu’elle aura laissée dans l’histoire de l’armée française ».
Quarante ans après sa publication en anglais, L’armée de Vichy de Paxton est publié en français et en poche. Et c’est bien du grand Paxton : le premier choc c’est de retrouver le style clair, incisif, précis et fort de l’auteur de La France de Vichy.
La thèse de Paxton c’est de considérer l’épisode de l’armée d’armistice comme fondateur pour l’armée française. Non pas parce qu’elle aurait aiguisé son épée pour préparer la revanche de 1944 : c’est l’attentisme qui domine fortement dans cette armée qui préférera s’encaserner plutôt que se battre en novembre 1942.
Mais parce que ce sont ses chefs qui dirigent l’armée française durant tout l’après-guerre, où ils l’emportent nettement sur les Français libres. Surtout c’est leur conception de l’armée comme outil de régénération d’une nation affaiblie qui domine durant les années des guerres coloniales. Ces militaires mènent d’abord une guerre psychologique contre leur propre pays. « L’Armée d’armistice a transmis cet héritage, un héritage contenant des virus potentiellement nuisibles qui pourraient réapparaître au cas où, les défenses immunitaires venant à être affaiblies, son moral serait de nouveau en cause ».
L’ouvrage a été écrit en 1961. Que reste-il de cet héritage au début du XXIème siècle, à une époque où cette armée est devenue petite, professionnelle et s’entraîne à la guérilla urbaine et au maintien de l’ordre ?
Robert O. Paxton, L’armée de Vichy. Le corps des officiers français 1940-1944. Paris, 2005, Points Histoire H352, 586 pages.