« Google s’est fixé pour mission d’organiser l’information mondiale » et son programme de bibliothèque universelle, Google Print, participe à cette mission. On pouvait ainsi découvrir Google Print France, au mois d’octobre :
http://print.google.com/
Le principe : numériser des millions d’ouvrages libres de droits (aux États-Unis, cela concerne 15 millions d’ouvrages, soit 4,5 milliards de pages web…), et donner en outre accès à des extraits quand l’ouvrage n’est pas dans le domaine public. Un projet attrayant, mais qui suscite encore bien des interrogations.
Pour trouver un livre, revenez dans deux ans…
Si vous saisissez « Du côté de chez Swann » dans Google print, vous ne tomberez pas sur l’oeuvre de Proust, mais sur une foison d’oeuvres critiques. On cherchera en vain un extrait du livre, qui est pourtant dans le domaine public. Pourquoi ? Patience, patience ! C’est que pour le moment, et depuis le 1er septembre, Google Print France s’adresse uniquement aux éditeurs français, qui sont invités à proposer leurs livres à la numérisation. Les livres libres de droits arriveront ensuite. « Lorsque le nombre de volumes scannés sera jugé suffisant, le site sera ouvert plus largement et les internautes français pourront alors facilement trouver le livre de leur choix et avoir accès gratuitement à son contenu. D’ici à deux ans, espère Google. », indique L’Express. En attendant, vous pouvez saisir « Du Côté de chez Swann » dans le Google classique, qui vous enverra directement chez Gutenberg.org télécharger l’ouvrage…
Lire un extrait des livres sous droits ?
Vous avez trouvé le livre qui vous intéresse, ou vous souhaitez lire un extrait de ce critique sur Proust ? Vous verrez d’abord cinq à six lignes, et peut-être la suite de la page à condition de vous inscrire à Google Print. C’est gratuit, certes, mais il vous faudra donner vote adresse email… C’est alors trois ou quatre pages que vous pourrez lire.
Quel accord avec les ayant-droits ?
Si certaines bibliothèques et certains éditeurs ont donné leur accord pour la publication d’extraits, en revanche les ayant-droits se sont majoritairement opposés à la stratégie de Google, qui consiste à se considérer autorisé à publier ces extraits sauf avis contraire des ayant-droits, ce qui revient à inverser la loi sur le droit d’auteur (jusqu’à maintenant, on ne peut publier qu’après demande d’autorisation auprès des ayant-droits). C’est d’ailleurs cette résistance qui a retardé l’arrivée de Google Print ; le problème soulevé par la propriété intellectuelle suscite un vif débat aux États-Unis :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-651865,36-702796@51-694261,0.html
« Une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur ?… »
C’est oublier que le projet de numérisation des oeuvres a commencé en 1988 en France, avec Gallica. De nombreux autres projets se sont ainsi développés en Europe, qui n’ont de différence avec Google Print que l’ampleur du nombre de textes numérisés ; devant la menace culturelle que représentait l’opération américaine, et sous l’impulsion de Jean-Noël Jeanneney, l’Europe s’applique à présent à mettre en place un service unique d’accès à l’ensemble des oeuvres numérisées de ses bibliothèques.
Voir notamment à ce sujet le communiqué de presse du 30 septembre dernier : »La Commission dévoile ses plans pour créer des bibliothèques numériques européennes »
http://europa.eu.int/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/05/1202&format=HTML&aged=0&language=FR
Enfin, si la menace culturelle a particulièrement touché le public, certaines grandes société du Net se sont émues de la menace économique que représente désormais Google : ainsi, Microsoft a choisi de s’allier à Yahoo! pour annoncer, entre autres, 150 000 livres numérisés d’ici l’année prochaine (rappelons que Gallica, met en ligne aujourd’hui 70 000 ouvrages).
http://www.infos-du-net.com/actualite/5623-Google-Microsoft-Yahoo.html
Quant aux extraits de textes non libres de droits, cela fait déjà quelques mois que, dans la plus grande discrétion, Amazon.com, le plus grand site de vente de livres, propose à ses visiteurs, avec le projet Inside the book, de lire un extrait avant d’acheter le livre. Un accord passé avec les éditeurs, et qui relève d’une stratégie commerciale somme toute assez ordinaire:
http://www.amazon.com/exec/obidos/tg/browse/-/10197021/002-9220217-9568030
Amazon.fr lance également le projet « chercher au coeur » (« au coeur du livre » aurait sans doute été plus heureux?):
http://www.amazon.fr/exec/obidos/tg/browse/-/14210451/402-7508330-4739307
« 300 pages en 8 minutes »
Pour numériser tant de livres, il faut certes un important budget et une bonne organisation. Si Google cache jalousement les modalités et coûts de mise en oeuvre, le journal Le Monde a pour sa part recherché et présenté la plus grande machine à numériser de tous les temps : Kirtas technologies (firme fondée par l’ancien directeur de Xerox) s’est appuyée sur sa grande connaissance du papier pour fabriquer cette machine qui tourne automatiquement des centaines de pages en utilisant « un jet d’air sous pression ». Au 1er janvier 2006, le nouveau modèle doublera la cadence actuelle de 300 pages en 8 minutes…
Dans les archives du Monde :
http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=917259
Une consultation en ligne ouverte jusqu’au 20 janvier 2006
La commission européenne lance une consultation publique sur la numérisation et la conservation numérique (2005), dont les résultats seront incorporés dans une proposition de recommandation de la Commission (2006). Ils seront également exploités dans le cadre d’autres initiatives utiles telles que l’examen des règles relatives aux droits d’auteur dans l’Union européenne (2006), et la mise en oeuvre des programmes communautaires de recherche et de développement (2007). Un groupe « à haut niveau » sur les bibliothèques numériques conseillera la Commission sur la meilleure manière de relever les défis recensés au niveau européen.
http://europa.eu.int/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/05/1202&format=HTML&aged=0&language=FR
Pour approfondir…
Deux articles :
« Bibliothèques, le moteur s’emballe » (Libération, 12 et 13 novembre 2005):
http://www.liberation.fr/page.php?Article=337856
« Bibliothèques numériques et Google Print », Jean-Michel Salaün, à paraître dans la revue Regards sur l’actualité, décembre 2005, La Documentation française.
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