Dossier spécial
Quelle efficacité pour le redoublement ?
Faut-il réhabiliter le redoublement ? Le ministre semble le penser si on lit la circulaire de rentrée : « Au collège, une évaluation en fin de 6ème, également fondée sur des repères nationaux, serait plus utile aux professeurs que l’actuelle évaluation en classe de 5ème qui sera supprimée. Une telle évolution en matière d’évaluation permettrait d’aborder sur de nouvelles bases la question du redoublement, de formuler plus explicitement les compétences exigibles des élèves en fin de cycle… et de fonder les éventuels redoublements sur un projet pédagogique adapté » ou ses propos lors du débat télévisé du 8 septembre où il a évoqué le redoublement en CP.
Pourtant ce n’est pas par mode que le redoublement, sans disparaître, a numériquement décliné ces dernières années en France. Depuis une vingtaine d’années, toutes les études menées en France ont conclu à l’inefficacité du redoublement. L’élève qui redouble a moins de chances de réussir. Ainsi, en 2002, D. Meuret (Université de Bourgogne) montrait que les pays où le redoublement est interdit avaient de meilleurs résultats scolaires que ceux où il est possible. Diagnostic confirmé par d’autres enquêtes menées en France. Pour D Meuret, « le redoublement est justifié en classe d’examen et dans le cas d’élèves momentanément perturbés et auquel (il) permet de repartir d’un bon pied », mais il est moins efficace que la remédiation. Pour Philippe Perrenoud, » le redoublement n’est qu’un indicateur – incertain – des inégalités d’apprentissage. Or, jeter le thermomètre n’a jamais fait tomber la fièvre. La suppression du redoublement est une mesure nécessaire, mais pas suffisante…. La démocratisation des études se joue sur les acquis réels des générations successives et donc sur les moyens que se donnent les systèmes éducatifs de développer, en lieu et place du redoublement, une véritable individualisation des parcours de formation ». Inefficace, onéreux, pratiqué dans quelques pays seulement, le redoublement reste malgré tout ancré dans la culture du système scolaire français. Pourtant il ne suffit pas de redoubler pour apprendre.
http://www.orientation.ac-versailles.fr/formation/Pp/d/Meuret.pdf
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1996/1996_06.html
http://www.france5.fr/ecole/005322/5/64071.cfm
Le redoublement en CP… et ses dégâts
« Solution injuste, inefficace sur le plan pédagogique et coûteuse », le redoublement concerne pourtant 1 élève sur 20 au C.P. Thierry Troncin (IREDU) étudie le phénomène et s aperception par les enseignants, les parents et les enfants. Bien que les études internationales établissent que les pays où le redoublement n’existe pas (Europe du nord, Japon) sont ceux où les résultats sont les meilleurs, le redoublement continue à jouir d’un véritable statut dans le système scolaire français. L’étude de T. Troncin établit que « les redoublants de CP resteront plus faibles que leurs pairs » tout au long de leur scolarité : seulement 1 sur 10 obtiendra un bac technologique ou général. La majorité des enseignants de CP, les familles croient encore en ses vertus. Le redoublement s’affiche encore comme une solution. En CP, la notion de cycle a du mal à passer.
http://www.u-bourgogne.fr/IREDU/sem18054.pdf
http://www.adobe.fr/products/acrobat/readstep2.html
La question du redoublement saisie par la société
Alors que les établissements organisent les conseils de classe de fin d’année, la question de l’utilité des redoublements sort du ghetto pédagogique pour devenir un enjeu de société. Le quotidien Le Monde lui consacre une page entière, sous la plume de Martine Laronche. Le quotidien rappelle les travaux des spécialistes qui concluent tous à l’inefficacité du redoublement pour améliorer le niveau scolaire des jeunes. Ainsi, M. Laronche s’appuie sur une étude à paraître de Jean-Paul Caille , réalisée pour le ministère, qui conclue que « le redoublement semble fragiliser la confiance en soi de l’élève l’amenant à réduire ses ambitions scolaires.. Qui plus est, l’image des élèves redoublants auprès des enseignants apparaît moins favorable, ce qui influe sur leur orientation ». Ainsi à note égale, les redoublants seraient davantage orientés vers la voie professionnelle à l’issue du collège. Ce travail prend à contre-pied le ministre qui, dans Le Monde du 26 mai défendait le redoublement. Le Monde rappelle aussi le relatif isolement de la France sur cette question : alors que 37% des élèves français accusent un retard en fin de collège, les pays d’Europe du nord et le Royaume-Uni affichent des taux compris entre 0,6 et 3% ! Or l’enquête PISA a montré que ces pays où le redoublement est quasi ignoré obtiennent de meilleurs résultats scolaires. Pourtant aujourd’hui encore le redoublement reste la seule issue proposée par les conseils de classe français pour les élèves faibles. Une « solution » qui pourrait être davantage contestée par les parents.
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226 ,36-366452,0.html
http://www.nouvelobs.com/articles/p2067/a243861.html
Le redoublement interroge les parents
« Une année d’avance se capitalise, une année de retard se paye très cher ». Cet avis du Haut conseil de l’évaluation de l’école est repris par l’AFP pour relancer le débat sur le redoublement. Après Le Monde, l’AFP et Le Parisien entrent dans le débat. Pour Le Parisien, « les multiples études menées sur le sujet insistent sur le coût du redoublement pour la collectivité, qui pourrait plus avantageusement investir cet argent dans des actions d’aide aux élèves en difficulté. Le sentiment de dévalorisation pour les élèves allié à une perte d’envie et d’enthousiasme est palpable. Selon les enquêtes internationales, les pays où le passage est automatique n’ont pas des résultats inférieurs par rapport aux Etats où le redoublement est monnaie courante, comme au Portugal, en France ou en Espagne ». Une affirmation qu’étaie de nombreuses études officielles et qui pourrait faire évoluer l’opinion publique.
http://www.leparisien.fr/home/info/vivremieux/article.htm?articleid=241062513
http://actu.voila.fr/Depeche/depeche_emploi_040614115217.5tmuhqx7.html