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Colloque du CIEP (Centre international d’études pédagogiques)

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Le soutien scolaire : l'entrée du marché?

Partout dans le monde, le marché du soutien scolaire se répand, parti de l’Asie du Sud-Est, il s’est disséminé vers l’Europe de l’Est, puis de l’Ouest, puis en Afrique. Ce secteur pourrait symboliser la marchandisation de l’économie mais il revêt autant de réalités que de systèmes à l’ombre desquels il s’abrite, comme l’explique Mark Bray. Le soutien scolaire peut être exercé par des étudiants, des enseignants en complément de leurs cours, des tuteurs professionnels, dans le cadre d’une relation de gré à gré, d’associations ou de sociétés qui peuvent être internationales. Ce ne sont pas forcément les élèves les plus en difficulté qui en bénéficient ; le recours au soutien scolaire est parfois vécu comme une obligation pour garantir la réussite de l’élève. Dans certains pays, ce sont les enseignants de la classe, gratuite, qui assurent le soutien, payant, après la classe, afin de compléter un revenu faible, comme l’explique David Instance dans sa contribution écrite.

Des initiatives publiques s’emparent aussi du soutien scolaire pour favoriser la réussite scolaire de tous et réduire les inégalités. C’est le cas de la Corée du Sud avec son « cyber home learning system », un dispositif de soutien à distance basé sur un diagnostic et un programme individualisés, des classes virtuelles,  ainsi qu’un système de tutorat associant des enseignants et des parents. 1,6 millions d’élèves ont  déjà bénéficié du programme dont la qualité a été soulignée par une enquête de satisfaction analysée par Kim Kwan Young.

Au Maroc, le tissu associatif est mis à contribution pour développer des écoles non formelles afin de lancer des ponts entre l’éducation non formelle et la scolarité. Lancées en 98, elles s’adressent aux 2 millions d’enfants de 8 à 16 ans ne sont pas scolarisés. L’école va à leur rencontre, s’adapte à leur rythme et prend en compte leurs contraintes, souvent cause du décrochage scolaire. Hssain Oujour précise que les écoles non formelles sont du ressort du ministère de l’éducation nationale où une direction leur est dédiée.

L’emprise du privé dépasse le soutien scolaire et la marchandisation se manifeste aussi au niveau des systèmes éducatifs. L’exemple de la Russie est à ce titre édifiant. La loi de la Fédération pour l’éducation publiée en 1992 « est considérée par l’UNESCO comme l’une des plus libérales au monde », «elle « stipule que l’État prend l’engagement de financer les services d’éducation, mais seulement dans le cadre du standard national d’éducation » explique Evgueny Bunimovich. Le niveau local est privilégié pour développer les politiques éducatives et déterminer les conditions financières d’accès à l’école.

Le modèle finlandais, se pose, à contrario, comme un modèle de système public d’éducation. Le secteur privé y est très peu développé. Là aussi, le niveau de décision se situe localement avec une large autonomie accordée aux établissements. Pour Minna Prunnila la réussite du système est lisible dans le taux de poursuite d’études «  Environ 97% des élèves qui finissent la scolarité obligatoire continuent directement le second cycle du lycée ou de l’enseignement professionnel ou entrent dans le système de l’éducation additionnelle (soit une année d’études complémentaire) » précise t’-elle. Et là, nulle allusion au soutien.

Monique Royer

Comment se construit la  revue internationale d’éducation de Sèvres ?

 

La revue, éditée par le CEP, parait 3 fois par an « et propose une approche internationale de grandes questions éducatives. Elle dispose d’un comité scientifique qui se réunit une fois par an, tire le bilan de la production de l’année passée et valide le programme de l’année à venir. Le comité de rédaction se réunit environ 6 fois par an, sous la présidence du rédacteur en chef, Alain Bouvier, et discute en détail le contenu de chacun des numéros.

 

Le comité de rédaction se compose majoritairement d’experts français, déclare un de ses membres Anne-Marie Bardi, inspectrice générale en retraite depuis peu. L’inspection générale y est largement représentée ainsi que le monde de la recherche. Tous les membres ont une expérience réelle de l’éducation à l’étranger et sont susceptibles d’enrichir le réseau djà bien fourni des correspondants internationaux de la revue.

Pour chaque numéro, qui traite en général dans un dossier thématique de problèmes relativement actuels intéressant nombre de pays étrangers, un coordonnateur est désigné. Après avoir écrit une note de problématique abondamment discutée en comité de rédaction, il l’envoie aux auteurs pressentis. Dans chaque numéro, une dizaine de contributions environ sont publiées. Elles portent sur des travaux de chercheurs et des analyses de praticiens, mais la revue n’est ni une revue d’éducation comparée, ni une revue de recherche, ni une revue de sciences de l’éducation. Il s’agit en fait d’une publication originale, très lue dans le monde de la recherche, qui croise les problématiques des institutions, de la recherche et du terrain.

 

L’élaboration d’un numéro dure de 8 à 9 mois. Ainsi Anne-Marie Bardi, qui coordonne le prochain numéro sur la classe (à paraître prochainement) a fini de rédiger sa note de problématique en septembre. Les auteurs acceptant d’écrire une contribution disposent ensuite 2 à 3 mois pour rédiger leur article. Une phase dedialogue d’environ 2 mois permet d’apporter les corrections, d’harmoniser les contenus et d’organiser le sommaire. Le coordonnateur rédige enfin le texte d’introduction.

La rédactrice en chef adjointe, Marie-José Sanselme, se charge d’accompagner le dossier avec des présentations de systèmes éducatifs étrangers et de leurs évolutions ainsi que des ressources bibliographiques.

 

Le prochain numéro, le 50, de la revue est relativement atypique, précise Anne-Marie Bardi. Il fait largement appel aux observations de classe, mais les observateurs sont en général d’un autre pays que celui de la classe, ce qui permet de croiser les regards. Le numéro 51, coordonné par Florence Robine, inspectrice générale de sciences physiques, reviendra à une forme plus traditionnelle avec un dossier sur le renouveau de l’enseignement en sciences. Enfin le 52, en décembre 2009, reviendra sur le colloque, dont il poursuivra la réflexion.

 

Pourquoi des personnels de l’ESEN au colloque ?

L’ESEN et le CIEP entretiennent de nombreux liens, nous explique Erik Louis, chef du département des formations de l’ESEN. Institutionnellement, l’ESEN est présente au comité scientifique du CIEP, mais partage aussi avec le centre un pôle de personnes ressource, notamment de l’inspection générale, et d’experts des systèmes éducatifs comme Alain Bouvier. Souhaitant s’ouvrir davantage encore aux relations internationales, il était logique que l’ESEN soit largement représentée parmi les participants. Le contingent alloué de 40 places a été réparti entre les chefs de projet, une quinzaine, et les stagiaires dont l’histoire personnelle ou professionnelle et les projets sont particlièrement tournés vers l’international.

 

Nous recevons  l’ESEN une formation comparative sur les différents systèmes éducatifs, déclare Laurent Pinel, IEN stagiaire de 1ère année, mais la participation au séminaire et les interviews filmées des experts que nous avons réalisées (visibles sur le site de l’ESEN) nous permettent de découvrir les choses sous un autre angle. Par exemple, les inégalités en France et en Uruguay n’ont pas vraiment la même signification ni la même échelle. Pour les collègues qui ont des projets de travail à l’étranger, ce colloque est aussi l’occasion de rentrer dans un réseau.

Nous sommes la dernière promotion à bénéficier d’une formation de 2 ans avec parcours individualisé (dès la’an prochain la formation des inspecteurs s’alignera sur celle des personnels de direction, soit 1 an comme stagiaire avec 80 jours à l’ESEN). Ce colloque a donc représenté une chance que nous avons saisie. Mais comme il y avait plus de demandes que de places, on trouvera bien un moyen d’en restituer la teneur à nos camarades.

Ce n’est d’ailleurs pas la première occasion que nous avons eue de participer à une manifestation internationale, puisque dans le cadre de la présidence française de l’UE, un séminaire sur la gouvernance des systèmes éducatifs a été organisé à Poitiers. Il a agi pour nous comme un déclencheur sur l’intérêt des comparaisons internationales et la relativisation des paradigmes pédagogiques. C’est maintenant plus facile pour nous d’expliquer les résultats de Pirls, d’aider les enseignants à les analyser et à ne pas en rester à une lecture culpabilisante.

 

 

Quatre grands témoins livrent leur réflexion brute
 

L’optimisme de la volonté

Pour Roger Dale, de l’université de Bristol, si l’on se conforme au pessimisme ambiant, les solutions recherchées ont peu de chances d’être couronnées de succès. Il s’agit autant de réparer le système économique que l’école. Mais le symptôme dépressif date déjà de longtemps, depuis le constat de divergence entre capitalisme et modernité. L’école est toujours confrontée aux problèmes d’hier. Le bricolage est bien une solution locale, mais à l’autre bout de la chaîne, il faut adopter une autre façon de voir le système. Le concept d’internationalisation a changé. Il y a bien un monde économique, mais aussi de nombreux mondes.

On ne reviendra plus à un système scolaire d’état. La régulation fait désormais intervenir des participants multipes, voire des actionnaires qui s’attendent à un retour sur investissement. La société occidentale était le modèle mondial des années 50, elle ne l’est plus. Essayons d’être plus positif, d’avoir l’optimisme de la volonté, et de réfléchir à un modèle plus global d’organisation de l’éducation.

L’école n’a jamais été un ascenseur social

David Istance, OCDE, estime que la vision de l’école réductrice d’inégalités n’a jamais été qu’une vision mythique et que la principale cause du désenchantement est lié aux problèmes révélés par la massification, que la crise amplifie, en pointant la nécessité des changements. Une réponse sera certainement apportée par le développement des possibilités de formation tout au long de la vie, encore que cette formation soit également conditionnée par le parcours scolaire de la personne.

 

Repositionner l’humanité dans le développement compétitif d’aujourd’hui

Mamadou N’doye, ancien ministre de l’éducation au Sénégal et président du REPTA, affirme d’emblée faire partie du clan des optimistes. Il pense avoir bénéficié personnellement de l’ascenseur social et continue à agir sur le terrain pour transformer l’école.

Un seul monde harmonieux, cela n’est pas le cas, mais tous les pays sont connectés entre eux, comme on le voit dans les répercussions de diverses situations. Les transports et les TIC ont réduit dramatiquement le temps et l’espace et tous les pays sont en compétition dans un cadre d’économie de la connaissance, même si l’Afrique vit un problème particulier avec ses langues scolaires, qui ne sont pas ses langues locales.

Pourtant une seule école se dessine au travers de tendances lourdes et convergentes, comme la massifiction, la concurrence des systèmes scolaires,  l’utilisation des évaluations internationales, l’habitude du « benchmarking ». Cette école ne doit cependant pas être un reflet passif de la dynamique d emondialisation. Dans la crise de développement compétitif où nous sommes aujourd’hui, comment repositionner l’humanité dans ce développement ? Comment aider les jeunes à devenir, non des métis, mais des mutants ?

 

Les évaluation internationales peuvent aider à capitaliser les bonnes pratiques

Tapio Saavala, de la commission européenne, estime que le contexte est effectivement assez sombre, mais qu’il existe un grand nombre de points postifs, ne serait-ce que l’existence de maints écoles et enseignants innovants. Comme l’Eglise, l’Ecole est sans doute amenée à disparaître, mais pas les écoles. La commission européenne, pour sa part, a prononcé différentes recommandations. Tout d’abord, travailler le lien valeurs contenus, en prenant notamment en compte les changements induits par l’utilisation d’Internet dans les attitudes des jeunes, qui le considèrent d’abord comme un espace libre d’échanges. Comment alors continuer à faire passer les valeurs de l’école dans un contexte aussi différent ?

Les évaluations internationales ont pris une importance grandissante. Elles ne sont pas forcément une sanction et peuvent contribuer à promouvoir des pratiques nouvelles. Cependant, de même qu’il est difficile de capitaliser les expériences locales au niveau national, on éprouve des difficultés à capitaliser au niveau européen les expériences nationales.

 

Quelques réactions

Dans la salle, un participant estime qu’il ya contradiction forte entre une conception creuset de l’école et des techniques de classement et de confrontation. L’école idéale du socle commun suivie d’une formation tout au long de la vie est-elle tenable ? Un autre estime qu’il faut aller vers un débat politique à tous niveaux, de l’autogestion locale à la régulation internationale, même si le décollage est rude. Un troisième souligne que l’on a très peu parlé des valeurs des jeunes et de leurs attentes. Un dernier propose de réfléchir activement pour aboutir à une meilleure qualité et pertinence des curricula, tout un programme !

 

L’innovation n’est pas si facile

Les quatre grands témoins évoquent, chacun dans leurs termes, le problèmes de massification et de démocratisation. Le droit à l’éducation pour tous est-il celui à la réussite pour tous ? On est en train de développer des procédures et des outils pour que chacun puisse être éduqué de manière appropriée, mais il faudra trouver la voie du milieu entre une école d’Etat et une école de marché.

Mais l’innovation n’est pas facile, témoin la mésaventure de cette école de Bristol qui avait proposé qu’un jour par semaine l’école se fasse « à la maison » par le biais d’Internet. Les parents ont été très contre, car il ne s’agit quand même pas de renvoyer nos enfants à la maison quand on vous les confie. Les enseignants s’y sont montrés tout aussi opposés, car il fallait qu’ils explicitent en détail tout ce qui était implicitement communiqué par la voix ou le geste. Quant aux élèves, très frustrés de ne pas pouvoir rencontrer effectivement leurs camarades, ils ont vite utilisé le chat ou le téléphone pour rétablir le contact de classe et demander comment l’autre se débrouillait avec son travail !

 

Faire de la diversité non plus un problème, mais une ressource

 

Bien qu’il n’ait pas participé aux ateliers, mais comme il le dit « est-il besoin de connaître quelque chose pour en parler ? », c’est à Michel Lussault, président du pôle recherche et enseignement supérieur de Lyon, qu’est revenu le difficile exercice de la synthèse des ateliers. Dans une « séance de travail intense » avec les rapporteurs, il s’est attaché à faire émerger points communs et divergences et à tracer quelques pistes de réponses, voire de solutions.

 

La première impression, dit-il, est celle du désenchantement. L’école n’est plus vue comme un remède, mais plutôt comme un problème. Le contexte de la mondialisation, pas encore complètement compris, entraîne de fortes mutations qui se sont conjuguées avec la crise économique. A l’heure des hyperliens qui changent profondément les modes relationnels, l’école ne peut plus être un sanctuaire. Il n’est plus possible non plus qu’elle porte en elle ses propres fins, ni qu’elle puisse évoluer en dehors du monde.

Les attentes et aspirations des sociétés ont fortement évolué, et aujourd’hui, dans un contexte mondialisé, le curseur se déplace vers les besoins des individus. La réponse de l’école n’est pas évidente à définir car elle n’a pas été construite pour répondre à des attentes locales. De même l’école est interrogée par l’évolution de la régulation politique de l’Etat vers des niveaux locaux, toujours dans un contexte de mondialisation.

 

Quelques grands problèmes sont actuellement communs à tous les systèmes scolaires. Alors que l’école a longtemps été considérée comme un facteur de réduction des inégalités sociales, il apparait qu’elle les maintient, voire les aggrave. L’offre alternative de soutien scolaire renforce ce malaise. Le lien un peu mythique entre l’école est la réussite sociale est démenti dans de nombreux pays, avec des jeunes auxquels les diplômes n’assurent plus une position sociale privilégiée. La massification, la démocratisation, pas toujours assurée économiquement, contribuent à changer l’image de l’école lieu de la réussite. On recherche des solutions en introduisant la concurrence et des dispositifs alternatifs de surassurance.

Les systèmes scolaires sont aussi soumis aux tensions entre les différents niveaux de régulation. Les sociétés sont de plus en plus présentes dans les débats sur l’école, non seulement en termes d’engagement financiers, mais aussi d’engagements éthiques. L’école doit-elle être un sanctuaire, un foyer, un creuset qui forge des compétences, ou des valeurs ?

A un autre niveau, l’école ressent avec force la tension entre le collectif et l’indiciduel. Le débat sur les valeurs, sur la structuration et la définition des niveaux de compétences, sur l’efficacité du système est universel. Il n’y a cependant pas de réponse toute faite : le « bricolage » parait la réponse générale et les solutions semblent bien plus locales que mondiales.

 

Alors, quelles sont les perspectives de réenchantement pour ceux qui, comme nous, restent profondément attachés à l’école ? Surtout ne pas refuser d’évaluer, de travailler avec des indicateurs ou des standards internationaux. Le bricolage local mpose la réflexion comparative, tant quantitative que qualitative. Il ne faut pas non plus négliger de croiser l’école des valeurs et celle des procédures. Qu’attend-on d’une jeune en sortie de système scolaire, de l’enseignant qui accueille, de l’Etat qui forme ?

Il faut que l’école apprenne à composer avec la variété des mondes. Le monde s’invite dans l’école et l’incite à gérer la diversité culturelle et ethnique, à définir des parcours dans une logique d’inclusion et non plus d’exclusion.

Quels que soient les contextes, l’école évolue, même si elle est parfois résistante aux changements. Elle changerait davantage si elle acceptait le débat public et si elle pouvait capitaliser les différentes expériences menées dans les pays du monde. « Je ne crois plus à l’école, mais aux écoles » conclut Michel Lussault, en souhaitant que la diversité ne soit plus un problème, mais une ressource.

 

 

Valeurs et contenus d’enseignement

 

Une éducation intimement liée à des valeurs

D. S. Muley, Inde, raconte qu « un enseignant déclara un jour à son auditoire « L’éducation est importante ». Mais, sans doute à cause de son fort accent local, tout le monde entendit « L’éducation est impotente ». Au-delà de l’anecdote, les deux affirmations lui semblent vraies, car « l’enseignement fondé sur les valeurs est considéré comme essentiel dans les programmes scolaires indiens », mais «  il semble n’avoir qu’une portée fort limitée ». De tradition religieuse forte, l’Inde a néanmoins institué un enseignement laïc. L’éducation religieuse continue cependant à avoir droit de cité sous le nom d’éducation au fait religieux. Depuis 2005, une éducation à la paix est mise en place qui « vise à faire acquérir aux élèves les valeurs, les compétences et les attitudes nécessaires à une vie harmonieuse et à une éducation à la citoyenneté ». Pourtant, le thème de la détérioration des valeurs est socialement récurrent ainsi que la question de savoir si l’éducation aux valeurs doit être directe ou intégrée.

Dans les 80% d’écoles publiques et 20% d’écoles privées d’élite, dont les élèves ont de meilleurs résultats aux examens, l’évaluation porte peu sur l’éducation aux valeurs. Elles ressurgissent pourtant encore souvent dans les préoccupations, lorsque la réalité sociale met en avant le problème de l’égalité des sexes, par exemple, ou l’importance de l’honnêteté et de l’intégrité dans les relations sociales.

 

Les valeurs sous-jacentes propres à chaque pays vont-elles empêcher une homogénéité mondiale ?

Pour Claire Planel, les valeurs sont sous-jacentes dans les contenus d’enseignement anglais. Ce n’est qu’en 1988 qu’un curriculum national a été défin, ainsi que des objectifs de niveau. Si les valeurs anglaises sont plutôt « chrétiennes » (alors que les valeurs françaises sont plutôt citoyennes), l’éducation cvique et les sciences restent moins importantes que les maths et l’anglais. C’est plutôt dans la manière de présenter les choses que le développement des individus, la conscience de l’environnement, l’importance sociale de vertus comme l’honnêteté sont abordés. L’enseignement dispensé aux élèves doit permettre de ressentir la joie et le plaisir d’apprendre : ça doit être « fun ». Ainsi, en maths on les incite à rechercher leur propre solution et en histoire on trouve des exemples où l’accent est mis sur l’empathie plus que sur la connaissance du contexte historique. L’attention aux autres est aussi une valeur forte.

 

Le socle commun, une organisation porteuse de valeurs

En France, explique Dominique Raulin, on ne se pose pas la question de l’enseignement des valeurs. Pour autant, l’éducation à (l’orientation, la santé et la citoyenneté, les médias, etc.) ne recouvre pas moins de 22 appellations réglementaires et fait l’objet de nombreuses circulaires. L’introduction récente de l’instruction civique et morale à l’école primaire, de l’ECJS et de ses débats au lycée correspond bien à une introduction de valeurs dans les contenus d’enseignement. Et le socle commun, mentionné dans une loi, défini par décret est en lui-même une organisation porteuse de valeurs touchant à l’égalité des élèves. Outil de cohérence, il représente un contrat entre l’école et la nation sur une idée de culture partagée. C’est à la nation qu’il revient de définir les valeurs à respecter et aux disciplines de réfléchir à la contribution qu’elles peuvent y apporter.

 

Une pénurie de diplômés en sciences

Au Sénégal, un pays classé dans les pays sous-développés, le choix des études de sciences est un choix par défaut alors que les besoins en diplômés scientifiques sont énormes, nous dit Ansoumana Sane. La filière d’élite, celle qui conduit « à porter la cravate », c’est la filière littéraire. Une grande enquête vient d’être menée, à tous les niveaux et sur de nombreuses écoles, pointant ce qui est enseigné ou pas, ce que les élèves en retiennent et les valeurs véhiculées. Un diagnostic a été porté, pointant notamment le manque de pratique expérimentale et le rôle sélectif joué par les mathématiques. Des propositions ont été formulées, notamment celle d’une nouvelle vision, plus marquée et partagée par tous les acteurs, mais accompagnée d’une production concrète, pilotée de manière unique du préscolaire au supérieur. Des questions subsistent pourtant. Comment résoudre les tensions entre la massification et les besoins des pays en développement ? Entre les préoccupations des enseignants et la nécessité de développer un enseignement de qualité ? Entre la logique de formation reçue et celle de la formation à promouvoir ?

 

 

En Suède, un livre des valeurs

L'exemple suédois, présenté par Ingrid Lindskog, est celui du "livre des valeurs" intégré au curriculum national. Il porte sur les valeurs fondamentales de l'école, la relation entre l'école et son environnement, le rôle du responsable, l'attitude des élèves, etc. et définit des critères d'évaluation et des objectifs à atteindre. Dans les valeurs fondamentales, stipulées dans le code de l'éducation, il est noté qu'à l'école toute activité devrait s'effectuer en accord avec les valeurs démocratiques fondamentales  et que le respect de l'individu et de l'environnement devraient y être particulièrement encouragés. Plus précisément, les valeurs fondamentales sont celles de la liberté individuelle et de l'intégrité, de l'égalité entre les individus et la solidarité avec les plus faibles. Mais l'existence d'un tel texte ne résoud pas les problèmes liés aux contenus de l'enseignement, notamment la place des compétences clés, ni celle de l'interdisciplinarité.

 

Une première synthèse

Des différentes interventions, on retient que l’approche par les politiques éducatives est bien réelle,  mais les pratiques et actions de terrain sont peu évoquées. C’est pourtant au travers des pratiques que se véhiculent, ou pas, nombre de valeurs. Par exemple la pédagogie répétitve ne développe pas chez les enfants les mêmes attitudes qu’une démarche expérimentale comme celle de la main à la pâte. La liberté pédagogique est une réalité en France, sauf pour les classes d’examen. L’obligation de résultats ne s’accompagne pas d’une obligation de méthodes et celles-ci présentent une grande hétérogénéité. C’est peut-être tant mieux car on peut ainsi rencontrer des enseignants qui se mettent davantage dans la position du maître nageur (qui ne se met jamais à l’eau) que dans celle du prof qui fait à la place de l’élève. Cette liberté de l’enseignant est cependant conditionnée par les attentes des autorités.

 

Les articles des intervenants

http://www.ciep.fr/ries/colloque-2009/atelier-D.php

 

Dewey 1, Durkheim 0

 

Quand les valeurs citoyennes sculptent le modèle scolaire

Pour Denis Meuret, comme il l’a décrit dans son ouvrage « Gouverner l’école » les objectifs de l’école sont fixés par les modèles politiques d’éducation. Il le démontre ici brillamment, avec à sa gauche Emile Durkheim (1858-1917), sociologue français et à sa droite John Dewey (1859-1952), philosophe politique et philosophe de la connaissance américain. Tandis que le but de ‘éducation est pour Durkheim de la République et de développer des individus capables de s’auto-discipliner et dont la morale doit conjuguer le désordre, pour Dewey, il s’agit d’améliorer la démocratie et de développer des individus libres, capables d’imagination et de création.

Pour le savoir, Durkheim considére qu’il doit élever l’esprit ou préparer à un métier, en se fondant sur la compéhension des lois et l’application des règles. L’enseignement a pour but de combattre les idées fausses et le mauvais élève est un rebelle. Il doit aussi aider à lutter contre les mauvaises valeurs sociales (hédonisme, liberté individuelle). Dewey, pour sa part, pense que le savoir permet de répondre à des questions et de se préparer à la vie. L’enseignement doit promouvoir les valeurs de la démocratie américaine. Il doit donner capacité à agir dans le monde et le mauvais élève est paresseux. Alors que pour Durkheim, l’autorité de l’enseignant est institutionnelle, elle est fonctionnelle pour Dewey. De même, l’un estime que l’école doit être coupée du monde et que son autonomie se fonde sur cette rupture, alors que l’autre affirme pour l’école une nécessité de s’adapter aux besoins de chaque enfant, de mimer le monde et de s’adapter pour s’améliorer.

Il n’est donc pas étonnant que le système éducatif français fonctionne sur un mode binaire (après la 3ème, la 2nde, le bac, on continue dans la voie linéaire ou on en est éjecté), alors que le système américain fonctionne sur un continuum de niveaux et d’établissements, du plus humble au plus prestigieux.

Il n’est pas non plus étonnant que le système français, pourtant capable de modernisation et d’innovation, comme il l'a montré à maintes reprises, soit réticent à l’idée de s’analyser et de rendre compte (n’est-il pas déjà parfait ?) tandis que le système américain est ouvert à l’idée d’améliorer les standards et d’évoluer avec la société. Denis Meuret constate aujourd’hui que la culture de l’évaluation n’a pas réussi à se mettre en place en France : les outils, souvent superbes, ne sont as utilisés, les projets de pilotage ne sont pas suivis. Le système éducatif français considère encore que l’erreur est honteuse, l’évaluation une menace et que les élèves sont responsables de leurs échecs. Outre-Atlantique, l’erreur est normale, l’évaluation fait partie des habitudes et l’école est responsable des échecs des élèves. L’école française est là pour sauver la société et n’a pas à lui rendre de comptes, l’école américaine fait partie de la société et doit lui rendre des comptes.

 

Une analyse de Gouverner l’école

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/primaire/elementaire/Pages/82_DenisMeuretgouvernerl%27Ecole.aspx

La contribution de D. Meuret sur le site du CIEP

http://www.ciep.fr/ries/colloque-2009/atelier-A.php

 

Des modèles éducatifs guidés par des contextes économiques

 

Du colonialisme à la globalisation

La scolarisation au Cameroun, comme dans une grande partie de l’Afrique, telle que décrite par Pierre-Marie Njiale, est d’abord liée à l’évangélisation et à la colonisation. Après lespremières  écoles baptistes du 19ème, le mandat français de début du 20ème siècle institue un système d’écoles laiques centralisées pour 80% de la population, tandis que 20% se retrouvent sous mandat anglais avec n système éducatif plus souple et plus adapté aux réalités locales. L’explosion scolaire des années 60 à 80 se réalise sous intervention d’organismes supranationaux comme la Banque mondiale, dont il faut accepter es objectifs de croissance d’élèves et d’élévation du niveau de formation. Comme l’école ne fait as l’objet d’un débt public, comment mettre en place une dialectique de continuité dans les ruptures, de culture mondiale face à une culture sociologique de terroirs locaux ? La coexistence de 2 modèles d’éducation, plutôt à l’honneur du modèle anglais, ne manque pas d’éveiller l’intérêt des experts présents dans la salle, qui voient dans cet aspect du Cameroun la possibilité de disposer « d’un laboratoire en vraie grandeur ».

 

Au Japon, explique Jun Oba, au modèle centralisé de l’après 1945 construit pour assurer l’égalité des chances, a succédé en 1985 un modèle beaucoup plus décentralisé avec une carte scolaire assouplie et des modes diversifiés de certification des enseignants. En 2002, une réforme a réduit le temps disciplinaire au profit d’un temps d’apprentissage intégré. Le système éducatif se place aujourd’hui dans une logique de marché et de compétition. Environ 14% des communes proposent aux parents le choix de leur école, primaire ou secondaire.Un système de conseillers d’écoles a été mis en place et une grande marge de manœuvre est donnée aux départements pour la gestion des enseignants. Chaque école dispose d’un comité de pilotage local, qui donne des avis sur la gestion de l’école et les activités pédagogiques. En 2006, la révision de la loi sur l’éducation s’est accompagnée d’un plan d’implication de la société tout entière, car la logique libérale pose de ombreux problèmes par rapport à des objectifs d’égalité des chances ou de qualité d’activités pédagogiques. La question se pose maintenant d’un retour à un contrôle plus fort de l’Etat et d’une redéfinition, nécessaire, du rôle de tous les acteurs (Etat, collectivités, parents, partenaires sociaux …).

 

Contributions des intervenants accessibles sur

http://www.ciep.fr/ries/colloque-2009/atelier-A.php

 

L’école et ses héritages dans un contexte de ruptures violentes

 

Comment l’histoire nationale influe-t-elle sur la situation de l’école ? L’école reflète-t-elle trace du contrat social, implicite ou explicite, qui la lie à la société dans laquelle elle s’inscrit ?

 

De la dictature à la démocratie directe

Le cas de l’école portugaise, présenté par Rui Canario, montre, vu de loin et dans les grandes lignes, une évolution ssez similaire à d’autres pays du Sud. L’offre scolaire s’est massivement  développée dans les 30 dernières années et élargie à la formation des adultes. Avec l’aide de l’Unesco, de l’OCDE et de la commission européenne, l’école d’élite est devenue école de masse. Mais les mécanismes de financement extérieur l’ont obligée à prendre en compte le défi de la mondialisation et des notions telles que productivité et compétitivité. Dans un contexte où l’emploi est difficile et l’avenir des jeunes incertain, le pays porte désormais un regard pessimiste sur son école. Pourtant, la révolution de juillet et le renversement de la dictature avaient été l’occasion d’une véritable effervescence de l’école : comités de gestion directe, groupes de réflexion, initiatives pédagogiques en tous genres. Il reste aujourd’hui une image chaotique de cette période presque oubliée, que Rui Canario considère avoir laissé pourtant « un patrimoine très riche, qu’il faut récupérer et valoriser ». La réflexion sur la formation des adultes, très souvent source d’innovation, l’expérience de la démocratie directe, un choc émerveillé pour ceux qui ont vécu leur jeunesse dans les années de dictature, sont des éléments importants de l’héritage de l’école portugaise. L’atteinte à la démocratie est sans doute la principale cause du mécontentement des enseignants qui s’exprimait récemment dans des manifestations très massivement suivies.

 

En Hongrie, l’empilement des héritages

On retrouve dans l’évolution de l’école hongroise décrite par Ivan Bajomi, les difficultés liés à un contexte politique très marqué par des ruptures violentes. Après la prédominance du modèle allemand et la création d’un conseil de l’éducation reflétant sa tendance centralisatrice, l’influence soviétique se marque dans l’hégémonie de la pensée et l’interdiction d’associations professionnelles ou syndicales. Après 1980, le modèle éducatif change encore une fois brutalement pour se rapprocher du modèle anglo saxon, libéal et décentralisé. En 1985, la loi sur l’éducation confère la liberté pédagogique aux enseignants et le choix des écoles aux parents. Depuis 1990, les différents régimes ont apporté de nombreux changements, sans se donner le temps de la réflexion, ni les conditions de mise en œuvre. Le contexte économique très difficile a fait peser des menaces de licenciement et les écoles ont dû se transformer pour continuer à accueillir suffisamment d’élèves. Le balancier n’a cessé de passer de curricula contraignants à une plus grande autonomie des écoles et retour. Les résultats de Pisa 2000, le souci d’une assurance qualité dans les enseignements ont eu des impacts non négligeables. Les enseignants n’ont marqué que peu de résistances à ces changements. Peu aidés et peu écoutés, ils ne prennent part au débat que de manière consultative. De plus le discours sur la diversification des écoles publiques cache aussi le souhait de voir exister des filières pour les enfants des classes moyennes ou aisées, alors que le secteur privé n’existe pas.

 

 

Contributions des intervenants accessibles sur

http://www.ciep.fr/ries/colloque-2009/atelier-A.php

 

 

 

Inégalités sans frontières

«Les inégalités taraudent le système scolaire partout dans le monde »  énonce Pierre-Louis Gauthier, l’animateur de l’atelier du matin qui traite « des inégalités dans l’éducation : réponses globales, réponses loclaes ». Comment se traduisent ces inégalités dans les systèmes français, chinois, uruguayen, espagnol et allemand ? Existe-t-il un dénominateur commun, des convergences, des divergences dans ces inégalités et les politiques mises en œuvre pour les amoindrir ? Pour paraphraser les offices de tourisme, le Monde de l’Education, se pose comme une terre de contrastes, de l’Europe entre union et décentralisation, à la Chine, vaste pays émergent, en passant par l’Uruguay, en proie aux fortes disparités. Pourtant, à travers les exposés de l’atelier, des dénominateurs communs s’imposent, un refrain se compose agrémenté de couplets aux accents locaux. Je vous invite à mon tour à les découvrir.

 

France : le poids des origines

Marie Duru-Bellat, sociologue de l’IREDU, s’interroge : « l’éducation nationale : l’illusion égalitiare ? »Car, malgré la scolarisation obligatoire et gratuite, les tests effectués lors des journées de préparation à la défense constatent que 10% des jeunes évalués sont des lecteurs médiocres et 12% son en grande difficulté de lecture. Les évaluations effectuée en CE2 montrent que les inégalités qui se mettent en place très tôt. Elles s’observent même dès l’entrée à l’école sus la forte influence de l’origine sociale. L’école maternelle ne parvient pas à réduire les écarts. L’école primaire se montre impuissante et on constate plutôt un léger accroissement des inégalités. Au niveau du collège, les écarts vont s’accélérer. A partir de l’enseignement secondaire, les parents font des choix, de langue, d’établissement qui ne sont jamais étrangers à l’origine sociale. C’est vrai aussi au moment de l’orientation en fin de troisième dans le choix des filières avec un phénomène d’auto-sélection, d’auto exclusion des filières les plus prestigieuses pour les familles plus modestes. L’expansion très forte de l’accès au baccalauréat s’est accompagnée d’une diversification des filières. Les inégalités sociales vont s’infiltrer dans cette diversification avec une répartition entre les filières de plus en plus typée On le voit avec le bac Pro où on oriente les élèves les plus faibles. L’accès et la réussite en enseignement supérieur est difficile. L’expansion y est moindre ; il accueille plus d’enfants de cadres, dans des proportions de plus en plus fortes selon le prestige de la filière.

L’école est interpellée sur cette inaptitude à gommer les inégalités. Mais, le contexte scolaire lui même, la classe, l’établissement, présente des qualités inégales avec des processus de ségrégations. C’est dans les établissements populaires que les progressions sont les moins bonnes. Le corps enseignant y est moins qualifié, plus jeune, plus mobile. Les attentes développées vis-à-vis des élèves sont moins ambitieuses. La gestion du temps scolaire est différente; le temps des apprentissages est rogné par des temps consacré à la socialisation, à la discipline. Autant de facteurs qui loin de combler les inégalités, les aggravent.

 

Allemagne : l’effet Pisa

 

Les enquêtes Pisa et Pirls permettent de voir ce qui se passe dans nombre de pays en matière d’inégalités scolaires .Le coefficient de Geni, en mesurant les écarts entre les revenus permet de compléter les observations. Lorsqu’il tend vers un, l’écart est fort, vers 0 il est inexistant  Il est de 0,36 en France, 0,44 en Chine, 0,45 en Uruguay, 0,32 en Espagne et 0,28 en Allemagne.

En Allemagne, nous rappelle Marieke Tarazona, les résultats de Pisa ont agi comme un électrochoc. Ils ont démenti la perception d’une école allemande performante. Ils ont souligné le lien important entre inégalités sociales et inégalités scolaires et mis en relief la réalité des inégalités entre les élèves d’origine allemande et ceux d’origine étrangère.

Le système des trois filières, Hauptschule, Realschule et Gymnasium avec une orientation précoce à l’âge de dix ans, ne parait plus alors comme un modèle de réussite scolaire. Selon Pisa, les résultats sont dans la moyenne en primaire mais beaucoup moins bons en secondaires. Les inégalités d’accès selon l’origine sociale sont indéniables. Pour un bon élève issu de la classe modeste, la probabilité pour qu’il rentre au gymnasium, seule filière amenant au bac allemand l’Abitur, est de 62% et de 85% pour un élève issu de la classe supérieure.

Cette politique de filières varie selon les Länder, les régions allemandes C’est en Bavière, par exemple, que l’on trouve le moins de diplômés de l’Abitur. Or, cette région est particulièrement dynamique et on constate une augmentation du nombre de diplômés de l’enseignement supérieur. Le choix politique de privilégier l’accès aux diplômes professionnels est compensé par une importation de diplômés provenant d’autres länder, principalement des cinq nouveaux Länder de l’ex Allemagne de l’Est. Les inégalités territoriales entre l’est et l’ouest se traduisent par un exode des plus qualifiés et amoindrissent les chances de réussite économique pour des régions privées des compétences dont elles ont financées la formation.

L’enquête PISA a souligné ces mêmes disparités régionales en Espagne. Les bons résultats se concentrent dans certaines régions du Nord tandis qu’au Sud, principalement en Andalousie, les résultats sont plus mauvais. Pour Juan Carlos Gonzalez Caraco, les limites de la décentralisation se font sentir avec une hétérogénéité de la dépense par élève selon la région. On assiste à l’émergence d’une fracture Nord/Sud.

 

Espagne : l’empreinte de l’histoire

Il existe en Espagne aussi un lien entre le niveau économique et la réussite scolaire. Les réformes successives, liées au processus de démocratisation, se sont attachées à réduire les inégalités en puisant tantôt dans le modèle scandinave, tantôt dans le modèle français, en pondérant parfois cette aspiration égalitaire par des exigences de qualité. Tandis qu’en 1990, l’école devient l’instrument de l’égalité des chances en s’appuyant sur l’innovation pédagogique et un renforcement du processus démocratique au sein des établissements, les conservateurs arrivant ensuite au pouvoir, brandissent les résultats de Pisa pour mettre en place une évaluation du système, principalement du secondaire, et revenir vers un modèle plus classique. Car, c’est dans le secondaire obligatoire, pour la tranche d’âge des 12-16 ans, que se concentrent les problèmes. 31% des 18-24 n’ont pas obtenu le titre de l’enseignement secondaire obligatoire, le double du seuil européen.

L’évolution du système éducatif espagnol est aussi fortement liée à l’emprise de l’église catholique sur le pays. Cette emprise, en forte diminution, a généré un tissu étoffé d’établissements privés. 25% des élèves espagnols sont aujourd’hui scolarisés dans le privé conventionné. L’enseignement secondaire public n’a pas toujours une bonne image et cette présence forte du privé, sélectif selon les revenus, constitue une autre forme d’inégalités. L’enseignement privé est de moins en moins sous le giron de l’Eglise. La proportion public/privé se maintient toutefois avec des glissements internes de population. On constate une concentration des classes supérieures et de plus en plus des clases moyennes dans le secteur privé. Or, en Espagne, comme dans beaucoup d’autres pays, la réussite dépend beaucoup de l’origine sociale. L’école publique risque t’-elle de devenir l’école des exclus ?

L’accroissement du taux d’immigration, le plus fort au monde, amène un risque supplémentaire de renforcement des inégalités. La plupart des élèves étrangers vont à l’école publique. 11% arrivent en éducation post obligatoire Le phénomène est rapide et récent. Des stratégies sont mises en œuvre pour l’amoindrir comme des programmes d’accueil ou d’immersion linguistique pour les non hispanophones. Dans certains quartiers de Barcelone, on observe la naissance d’une nouvelle ségrégation scolaire avec une concentration des enfants d’immigrés dans certains établissements et de grandes différences entre élèves catalans et enfants d’immigrés.

 

Chine : les effets du territoire

En chine, les constats sont à la (dé)mesure du pays. XING Kechao indique que les efforts produits depuis 2006 en matière d’équité scolaire commencent à produire des effets encourageants. L’exonération des frais et des manuels dans les régions rurales a provoqué le retour de 200 000 élèves dans la région Ouest  par exemple. On constate une augmentation du nombre de bourses en enseignement supérieur de 3 à 20 %, et dans l’enseignement supérieur secondaire de 90%, avec en parallèle une augmentation du montant de ces bourses. Le nombre d’étudiants d’origine rurale tend  à s’accroître.

Mais, pour XING Kechao, il faut rester vigilant. Le coefficient de Gini pour la Chine est évalué à 0,44% soit légèrement au dessus du seuil d’alerte de 0,4%. Outre cette augmentation du niveau d’inégalité des revenus, les disparités géographiques entre l’est et l’ouest, les villes et les campagnes s’élèvent aussi. La région est qui comprend des villes comme Pekin ou Shanghai, des zones côtières riches, concentre 60% du PNB avec 15% du territoire et 40% de la population, alors que la région Ouest atteint 15% du PNB. Ces inégalités semblent s’accroître sous l’effet de l’économie de marché. Elles se traduisent aussi dans le domaine éducatif. A l’Ouest, on évalue à 40% 75 % des 400 000 enseignants auxiliaires travaillent dans l’Ouest avec bien souvent une qualification insuffisante et un traitement inférieur aux enseignants titulaires.

Pour améliorer la qualité des locaux des écoles rurales, garantir leur sécurité, il faudrait multiplier leur budget par 10 ou 20. 72, 32% des accidents ont lieu dans les zones rurales. L’étendue de la Chine amène un autre facteur d’inégalité : celui de la langue. Les Hans sont majoritaires parmi les 55 ethnies présentes sur le territoire où on pratique 80 langues et 30 écritures différentes. 10 000 écoles bilingues existent mais fonctionnent difficilement avec en particulier la difficulté de trouver des manuels scolaires adaptés.

Un phénomène nouveau d’inégalité tend à se développer dans la sphère éducative. Il touche des enfants de paysans travaillant en ville. Les migrations internes, notamment l’exode rural, sont très importantes en Chine. On estime le nombre d’enfants migrants à 19,4 millions dont la moitié est d’origine rurale. A Pékin, 250 000 enfants sont dans ce dernier cas. Ils fréquentent, pour la moitié, des écoles privés créés pour eux, ce qui les marginalisent encore un peu plus. Ces écoles proposent des conditions de scolarité très insuffisantes. Le nombre d’élèves par classe est de 47 élèves en moyenne contre 34 dans le public, le niveau de qualification des enseignants est plus faible et les parents s’impliquent peu voire pas du tout dans la scolarité. Ces enfants sont encore une fois pénalisés pour l’accès au secondaire non obligatoire qui dépend d’un concours d’entrée à passer dans sa province d’origine. Or ni de la ville, ni de la campagne, la plupart ne passera pas le concours et entrera sur le marché sans qualification.

 

Uruguay : la nécessité d’inclure

 

Patricia ROCHE, d’Uruguay, dresse d’emblée le tableau des inégalités en Amérique du Sud en désignant ce continent comme le plus inégalitaire du monde avec 10% de la population qui détiennent 65% des richesses. A cela s’ajoutent les déséquilibres territoriaux avec des mégalopoles avoisinant les 16 millions d’habitants. L’énorme croissance, le contexte politique ont encouragé le fractionnement social puis la crise à augmenter le taux de pauvreté, un phénomène structurel dont l’effet visible est le nombre toujours croissant d’enfants vivant dans la rue.

L’école ne peut pas lutter seule contre les exclusions et malgré les progrès effectués dans l’accès à l’éducation, il subsiste des difficultés pour garantir un accès équitable à une éducation de qualité. Elle peut construire une société plus juste, en s’attachant à l’apprentissage de la citoyenneté, en veillant à l’acquisition des compétences essentielles pour vivre la mondialisation, des codes, des références nécessaires. Le savoir devient de plus en plus stratégique dans une perspective d’éducation et de formation tout au long de la vie. La construction du capital social du pays nécessite un développement social et économique.

Les principales difficultés d’accès à l’école proviennent du contexte de l’élève, du niveau de revenus et de culture de ses parents. Pour réussir son inclusion, il faudrait tenir compte de la réalité économique et sociale de l’élève. Or, les programmes font souvent référence à un élève moyen, élève moyen qui n’existe pas.

Le problème est particulièrement criant pour les enfants des rues touchés par le décrochage scolaire. L’accès à l’école permet de sortir du cercle de la pauvreté, d’accéder à d’autres valeurs mail il sous entend une séparation des références familiales, une rupture avec le cercle familial qui peut provoquer le décrochage scolaire. Connaitre les valeurs d’origine du groupe, en tenir compte est sans doute une des clés de la réussite.

Deux expériences dans ce sens sont développées en Uruguay.  « L’école à temps complet » propose une approche globale du problème. Elle associe tous les acteurs de l’école et considère tous les temps scolaires comme pédagogiques, y compris les temps de récréation qui favorisent la socialisation, l’estime de soi. Les questions d’alimentation, de choix et d’aménagement des locaux sont également intégrées. Les enseignants suivent une formation spécifique avec 150 heures de cours complétées par des ateliers et des travaux. L’objectif est d’adapter les programmes en fonction des profils des élèves et de transformer les connaissances acquises en dehors de l’école, les savoirs informels , en savoirs scolaires. Les résultats obtenus sont positifs, ils permettent de montrer qu’une telle expérience casse la reproduction de l’accès à la pauvreté et améliore les résultats scolaires.

La deuxième expérience s’intéresse aux élèves en grande difficulté scolaire, repérés par des critères d’âge ou d’absentéisme. Un enseignant, choisi par l’établissement est chargé d’accompagner l’élève Là aussi, les parents sont associés. L’enseignant sort de l’école et va visiter la famille, vient dans le foyer pour travailler avec l’élève. Cette expérience a des effets positifs sur les résultats scolaires et l’intégration des parents. Elle permet aussi de rapprocher l’institution de son quartier.

 

Alors, après ce voyage dans les systèmes éducatifs et les inégalités scolaires, peut-on décréter la naissance d’une école unique pour un monde uni ? La question est superflue tant les exposés nous ont montré une certaine harmonie des constats sur la fragmentation sociale et territoriale, mais aussi l’importance de la prise en compte du contexte, de la réalité locale pour amoindrir les inégalités. Et c’est sans doute dans cette oscillation entre local et système global que réside un danger d’accroissement des inégalités. Le rôle de l’Etat, des instances gouvernementales apparaît primordial pour veiller sur les risques d’accroissement des inégalités et réguler les disparités afin d’amoindrir les effets de fractionnement.

Monique Royer

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