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Quatre grands témoins livrent leur réflexion brute
 

L’optimisme de la volonté

Pour Roger Dale, de l’université de Bristol, si l’on se conforme au pessimisme ambiant, les solutions recherchées ont peu de chances d’être couronnées de succès. Il s’agit autant de réparer le système économique que l’école. Mais le symptôme dépressif date déjà de longtemps, depuis le constat de divergence entre capitalisme et modernité. L’école est toujours confrontée aux problèmes d’hier. Le bricolage est bien une solution locale, mais à l’autre bout de la chaîne, il faut adopter une autre façon de voir le système. Le concept d’internationalisation a changé. Il y a bien un monde économique, mais aussi de nombreux mondes.

On ne reviendra plus à un système scolaire d’état. La régulation fait désormais intervenir des participants multipes, voire des actionnaires qui s’attendent à un retour sur investissement. La société occidentale était le modèle mondial des années 50, elle ne l’est plus. Essayons d’être plus positif, d’avoir l’optimisme de la volonté, et de réfléchir à un modèle plus global d’organisation de l’éducation.

L’école n’a jamais été un ascenseur social

David Istance, OCDE, estime que la vision de l’école réductrice d’inégalités n’a jamais été qu’une vision mythique et que la principale cause du désenchantement est lié aux problèmes révélés par la massification, que la crise amplifie, en pointant la nécessité des changements. Une réponse sera certainement apportée par le développement des possibilités de formation tout au long de la vie, encore que cette formation soit également conditionnée par le parcours scolaire de la personne.

 

Repositionner l’humanité dans le développement compétitif d’aujourd’hui

Mamadou N’doye, ancien ministre de l’éducation au Sénégal et président du REPTA, affirme d’emblée faire partie du clan des optimistes. Il pense avoir bénéficié personnellement de l’ascenseur social et continue à agir sur le terrain pour transformer l’école.

Un seul monde harmonieux, cela n’est pas le cas, mais tous les pays sont connectés entre eux, comme on le voit dans les répercussions de diverses situations. Les transports et les TIC ont réduit dramatiquement le temps et l’espace et tous les pays sont en compétition dans un cadre d’économie de la connaissance, même si l’Afrique vit un problème particulier avec ses langues scolaires, qui ne sont pas ses langues locales.

Pourtant une seule école se dessine au travers de tendances lourdes et convergentes, comme la massifiction, la concurrence des systèmes scolaires,  l’utilisation des évaluations internationales, l’habitude du « benchmarking ». Cette école ne doit cependant pas être un reflet passif de la dynamique d emondialisation. Dans la crise de développement compétitif où nous sommes aujourd’hui, comment repositionner l’humanité dans ce développement ? Comment aider les jeunes à devenir, non des métis, mais des mutants ?

 

Les évaluation internationales peuvent aider à capitaliser les bonnes pratiques

Tapio Saavala, de la commission européenne, estime que le contexte est effectivement assez sombre, mais qu’il existe un grand nombre de points postifs, ne serait-ce que l’existence de maints écoles et enseignants innovants. Comme l’Eglise, l’Ecole est sans doute amenée à disparaître, mais pas les écoles. La commission européenne, pour sa part, a prononcé différentes recommandations. Tout d’abord, travailler le lien valeurs contenus, en prenant notamment en compte les changements induits par l’utilisation d’Internet dans les attitudes des jeunes, qui le considèrent d’abord comme un espace libre d’échanges. Comment alors continuer à faire passer les valeurs de l’école dans un contexte aussi différent ?

Les évaluations internationales ont pris une importance grandissante. Elles ne sont pas forcément une sanction et peuvent contribuer à promouvoir des pratiques nouvelles. Cependant, de même qu’il est difficile de capitaliser les expériences locales au niveau national, on éprouve des difficultés à capitaliser au niveau européen les expériences nationales.

 

Quelques réactions

Dans la salle, un participant estime qu’il ya contradiction forte entre une conception creuset de l’école et des techniques de classement et de confrontation. L’école idéale du socle commun suivie d’une formation tout au long de la vie est-elle tenable ? Un autre estime qu’il faut aller vers un débat politique à tous niveaux, de l’autogestion locale à la régulation internationale, même si le décollage est rude. Un troisième souligne que l’on a très peu parlé des valeurs des jeunes et de leurs attentes. Un dernier propose de réfléchir activement pour aboutir à une meilleure qualité et pertinence des curricula, tout un programme !

 

L’innovation n’est pas si facile

Les quatre grands témoins évoquent, chacun dans leurs termes, le problèmes de massification et de démocratisation. Le droit à l’éducation pour tous est-il celui à la réussite pour tous ? On est en train de développer des procédures et des outils pour que chacun puisse être éduqué de manière appropriée, mais il faudra trouver la voie du milieu entre une école d’Etat et une école de marché.

Mais l’innovation n’est pas facile, témoin la mésaventure de cette école de Bristol qui avait proposé qu’un jour par semaine l’école se fasse « à la maison » par le biais d’Internet. Les parents ont été très contre, car il ne s’agit quand même pas de renvoyer nos enfants à la maison quand on vous les confie. Les enseignants s’y sont montrés tout aussi opposés, car il fallait qu’ils explicitent en détail tout ce qui était implicitement communiqué par la voix ou le geste. Quant aux élèves, très frustrés de ne pas pouvoir rencontrer effectivement leurs camarades, ils ont vite utilisé le chat ou le téléphone pour rétablir le contact de classe et demander comment l’autre se débrouillait avec son travail !

 

Faire de la diversité non plus un problème, mais une ressource

 

Bien qu’il n’ait pas participé aux ateliers, mais comme il le dit « est-il besoin de connaître quelque chose pour en parler ? », c’est à Michel Lussault, président du pôle recherche et enseignement supérieur de Lyon, qu’est revenu le difficile exercice de la synthèse des ateliers. Dans une « séance de travail intense » avec les rapporteurs, il s’est attaché à faire émerger points communs et divergences et à tracer quelques pistes de réponses, voire de solutions.

 

La première impression, dit-il, est celle du désenchantement. L’école n’est plus vue comme un remède, mais plutôt comme un problème. Le contexte de la mondialisation, pas encore complètement compris, entraîne de fortes mutations qui se sont conjuguées avec la crise économique. A l’heure des hyperliens qui changent profondément les modes relationnels, l’école ne peut plus être un sanctuaire. Il n’est plus possible non plus qu’elle porte en elle ses propres fins, ni qu’elle puisse évoluer en dehors du monde.

Les attentes et aspirations des sociétés ont fortement évolué, et aujourd’hui, dans un contexte mondialisé, le curseur se déplace vers les besoins des individus. La réponse de l’école n’est pas évidente à définir car elle n’a pas été construite pour répondre à des attentes locales. De même l’école est interrogée par l’évolution de la régulation politique de l’Etat vers des niveaux locaux, toujours dans un contexte de mondialisation.

 

Quelques grands problèmes sont actuellement communs à tous les systèmes scolaires. Alors que l’école a longtemps été considérée comme un facteur de réduction des inégalités sociales, il apparait qu’elle les maintient, voire les aggrave. L’offre alternative de soutien scolaire renforce ce malaise. Le lien un peu mythique entre l’école est la réussite sociale est démenti dans de nombreux pays, avec des jeunes auxquels les diplômes n’assurent plus une position sociale privilégiée. La massification, la démocratisation, pas toujours assurée économiquement, contribuent à changer l’image de l’école lieu de la réussite. On recherche des solutions en introduisant la concurrence et des dispositifs alternatifs de surassurance.

Les systèmes scolaires sont aussi soumis aux tensions entre les différents niveaux de régulation. Les sociétés sont de plus en plus présentes dans les débats sur l’école, non seulement en termes d’engagement financiers, mais aussi d’engagements éthiques. L’école doit-elle être un sanctuaire, un foyer, un creuset qui forge des compétences, ou des valeurs ?

A un autre niveau, l’école ressent avec force la tension entre le collectif et l’indiciduel. Le débat sur les valeurs, sur la structuration et la définition des niveaux de compétences, sur l’efficacité du système est universel. Il n’y a cependant pas de réponse toute faite : le « bricolage » parait la réponse générale et les solutions semblent bien plus locales que mondiales.

 

Alors, quelles sont les perspectives de réenchantement pour ceux qui, comme nous, restent profondément attachés à l’école ? Surtout ne pas refuser d’évaluer, de travailler avec des indicateurs ou des standards internationaux. Le bricolage local mpose la réflexion comparative, tant quantitative que qualitative. Il ne faut pas non plus négliger de croiser l’école des valeurs et celle des procédures. Qu’attend-on d’une jeune en sortie de système scolaire, de l’enseignant qui accueille, de l’Etat qui forme ?

Il faut que l’école apprenne à composer avec la variété des mondes. Le monde s’invite dans l’école et l’incite à gérer la diversité culturelle et ethnique, à définir des parcours dans une logique d’inclusion et non plus d’exclusion.

Quels que soient les contextes, l’école évolue, même si elle est parfois résistante aux changements. Elle changerait davantage si elle acceptait le débat public et si elle pouvait capitaliser les différentes expériences menées dans les pays du monde. « Je ne crois plus à l’école, mais aux écoles » conclut Michel Lussault, en souhaitant que la diversité ne soit plus un problème, mais une ressource.