J'enseigne en classe relais.

Les dispositifs relais s’adressent à des élèves du second degré (essentiellement de collège) entrés dans un processus de rejet de l’institution scolaire et des apprentissages, en risque de marginalisation sociale ou de déscolarisation : absentéisme non justifié, aboutissant à des exclusions temporaires ou définitives d’établissements successifs mais aussi extrême passivité.

Ces dispositifs proposent un accueil temporaire adapté de ces jeunes afin de les réinsérer dans un parcours de formation générale, technologique ou professionnelle tout en poursuivant l’objectif de socialisation et d’éducation à la citoyenneté. Ils doivent essentiellement permettre une démarche de réinvestissement dans les apprentissages, favoriser la maîtrise du socle commun de connaissances et de compétences et l’acquisition d’une qualification reconnue.

BO n° 32 du 7 septembre 2008

Mon dictionnaire de 1993 définit l'échec par insuccès, manque de réussite. Je transpose cette définition en : ne pas réussir, ne pas avoir de réussite.

Et là, en masse me reviennent les paroles des élèves que l'on accueille sur le dispositif relais, qui lors de l'entretien d'accueil évoquent leur parcours scolaire. Je ne citerai que Dylan élève de 6ème : à ma question comment s'est passé ta scolarité à l'école primaire maternelle ? Pas de réponse. Je continue as -tu des bons souvenirs ? , sans lever le regard, il répond : en maternelle j'étais nul, en primaire nul et au collège encore plus nul. ». Et ensuite il n'a plus pris la parole lors de l'entretien.

Echec scolaire pour lui , car sans aucun doute il ne réussit pas, mais il ressent surtout le manque de réussite qui s'est accumulé depuis des années. La formulation de Dylan est très forte, peut-être la plus forte qui est sortie à une entretien d'accueil. Depuis l'ouverture de la structure, nous avons accueilli une centaine d'élèves, avec des parcours bien différents des histoires singulières, mais une constante se dégage de notre public : une image de soi dégradée, un fort manque de confiance en ses possibilités. Pas capable de réussir, pas capable d'apprendre, pas capable de construire, donc refuge dans le repli sur soi, la fuite, le refus, la destruction.

La prise en charge d'un élève par le DR vise à un changement de comportement chez l'élève, car une demande d'accompagnement d'un élève par un Dispositif Relais est acceptée lorsque le collège de rattachement a épuisé les solutions en interne, un changement doit donc s'effectuer chez l'élève. Tout changement pour qu'il soit durable demande du temps. Les temps qu'un élève passe au DR lui montre les possibles (comportement respectueux des règles, écoute, questionnement, confiance en ses possibilités ….) ; nous souhaitons l'amener à prendre plaisir à adopter un tel comportement dans un premier temps, puis à lui donner ensuite envie de transférer cette attitude, cette forme de sérénité ailleurs au collège. Cette transformation est un réel parcours : l'élève doit pouvoir essayer, sans réussir immédiatement (l'angélisme n'est pas bonne conseillère), puis en se sentant épaulé et valorisé dans ses efforts, tant au DR qu'au collège nous misons qu'il ose tenter de plus en plus cette transformation. De plus, l'élève se sent davantage encouragé, sécurisé et est donc plus disponible pour se lancer dans des apprentissages. (Extrait du bilan du DR 2008 09)

Notre priorité dans le travail que nous mettons en place avec les élèves sur le Dispositif Relais est la valorisation de l'estime de soi.

Voici deux projets développés l'année scolaire dernière :

- Intergener@tions, la rencontre : des ?l?ves du DR vont chaque semaine initier des personnes ?g?es ? internet dans une r?sidence

Cette action, menée depuis 2003, donne aux élèves la possibilité d'exercer un rôle social bien réel d'avoir une utilité, et leur reconnaît un savoir car ils sont formateurs. Ce projet permet aussi de développer d'autres objectifs (communication, respect , entraide, attitude responsable réfléchie par rapport à Internet ….)

- Création d'un film d'animation, à destination d'un public d'enfants de maternelle, ayant pour objectif la sensibilisation aux risques. Le titre du film est « Attention Bubull »

Ce projet a mobilisé des élèves de novembre à juin. Ils sont allés rencontrer des petits en maternelle, ils ont créé des personnages, écrit des histoires à partir des idées des petits, créé des décors, tourné les scènes (image par image), monté le film, écrit une chanson. Le film a été projeté publiquement fin juin.

Par ce projet ils exercent aussi un rôle social réel (ils participent à la prévention). La projection publique leur a permis de mesurer que leur travail est reconnu, apprécié.

Tout comme intergener@tions, le travail sur le film a permis aussi de travailler de nombreuses compétences et connaissances du socle commun.

A l'image négative que les élèves ont d'eux-mêmes, s'ajoute le découragement des parents. Pour l'entrée en dispositif relais l'adhésion de la famille est demandée, mais au-delà de cela nous souhaitons associer les parents en tant qu'acteurs, partenaires. Nous organisons régulièrement des cercles de parents autour d'un café avec un intervenant extérieur (concept du croisement des savoirs de ATD Quart Monde). Ces cercles de parents créent une dynamique de réflexion qui permet de réconcilier les parents avec l'école et qui montre aux enfants que leurs parents croient en l'école donc en eux.

Monique Argoualc'h