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 L'Echec scolaire vu par ...

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Refus de l'échec scolaire - 2009 > Messages > Stéphanie de Vanssay

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Stéphanie de Vanssay

Travaillant comme enseignante spécialisée à dominante pédagogique en RASED [1] auprès d’élèves en difficulté, je tiens au quotidien à proposer aux élèves que je prends en charge des tâches motivantes ambitieuses et complexes.

Pourquoi je m’attache à proposer aux élèves en difficulté des tâches complexes ?

Parce que c’est justement ce qui leur pose problème

En effet, la plupart des élèves en difficulté peuvent acquérir des mécanismes mais ont beaucoup de difficultés à savoir quand et comment les mettre en œuvre dans une situation complexe.



Parce que le monde est complexe

Depuis le début du XXe siècle, la plupart des chercheurs en sciences humaines et des philosophes laissent de côté l’approche cartésienne, analytique et la recherche de la simplicité, au profit des concepts de diversité et de complexité. Tout ne peut pas être catégorisé, la nature ne fonctionne pas analytiquement, la vie quotidienne n’est pas logique. Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, la multiplication des communications, l’accès à l’information, la mondialisation… notre vie continue de se complexifier jour après jour. Yves BERTRAND[2] constate que : « La plupart des analystes amenés à réfléchir sur la situation générale de l’éducation s’entendent sur un point : l’éducation contemporaine est profondément marquée par une complexité grandissante de plus en plus difficile à comprendre et à expliquer ». L’éducation, et donc le travail de l’enseignant, sont aujourd’hui de plus en plus complexes.



Parce que les situations complexes ont plus de sens

Le sens est une idée intelligible à laquelle un objet de pensée peut être rapporté et qui sert à expliquer, à justifier son existence.[3] Or pour expliquer et justifier un objet de façon intelligible, pour lui donner son sens, il faut avoir en tête une vue d’ensemble de ce qui compose cet objet et des liens existant entre ses divers éléments. C’est pourquoi la décomposition du complexe en éléments simples est limitatrice et provoque une perte de ce sens. Il n’est donc pas judicieux de simplifier pour mieux accumuler des connaissances sans liens entre elles. La conception de l’apprentissage selon l’équipe ERMEL[4] est que l’élève a besoin d’adapter ce qu’il savait à une situation nouvelle ou même de restructurer, parfois radicalement, ses savoirs antérieurs. Pour cela il faut permettre à l’élève de faire un saut, de franchir un obstacle en lui proposant des activités qu’il ne sait pas réaliser seul d’emblée mais qu’il peut s’approprier avec l’aide de l’enseignant et de ses pairs et qui suscite chez lui de l’intérêt. Il convient donc en fonction des compétences visées de choisir ou de construire une situation mettant en jeu ce qui est visé dans un contexte contenant les paramètres entourant naturellement la notion à acquérir. Il ne viendrait à personne l’idée pour apprendre à conduire à quelqu’un de d’abord l’entraîner longuement à changer les vitesses à l’arrêt. Pour savoir conduire, le futur conducteur devra apprendre à maîtriser ce geste en situation réelle en fonction de nombreux paramètres (vitesse, autres véhicules, code de la route, état de la chaussée…) et seules la pratique et la prise de conscience progressive de tous les paramètres à prendre en compte permettra l’apprentissage puis l’automatisation de la conduite.

Montaigne disait : « mieux vaut une tête bien faite que bien pleine ». Selon Edgar MORIN « ce que signifie une tête bien pleine est clair : c’est une tête où le savoir est accumulé, empilé, et ne dispose pas d’un principe de sélection et d’organisation qui lui donne sens. Une tête bien faite signifie que, plutôt que d’accumuler le savoir, il est beaucoup plus important de disposer à la fois :

- d’une aptitude générale à poser et traiter des problèmes,

- de principes organisateurs qui permettent de relier les savoirs et de leur donner sens ».[5]



Enfin parce que c’est plus motivant

D’une manière générale, découper les tâches en éléments simples rend le travail monotone alors qu’accroître la complexité augmente l’intérêt donc la motivation. Proposer une tâche complexe à l’élève, c’est le valoriser, lui montrer qu’on le croit capable de réussir, c’est aussi une bonne façon d’éveiller sa curiosité naturelle. L’absence de motivation a souvent sa source dans la conscience erronée de l’incapacité. Montrer à l’élève qu’il peut réussir dans une activité complexe peut faire évoluer positivement l’image qu’il a de lui-même et de ses capacités.

Et « l’échec scolaire » dans tout ça ?


Je considère que le fameux « échec scolaire » est l’échec de l’école et non de l’élève en difficulté. C’est à l’école, avec le concours et le soutien de tous, de relever le défi de permettre à tous les élèves de réussir.

Chaque membre de la communauté éducative a la responsabilité, à sa place et avec les moyens dont il dispose, de faire avancer l’efficacité de l’école pour tous et chacun. J’adhère au projet ambitieux d’Edgar Morin qui nous invite à relier les connaissances au lieu de les morceler, à les tisser ensemble (complexus) au lieu de les simplifier[6].


Stéphanie de VANSSAY



[1] L’enseignant à dominante pédagogique fait partie d’un dispositif le RASED (Réseau d’Aide Spécialisée aux élèves en difficulté) qui intervient dans les écoles maternelles et élémentaires. Il n’a pas de classe et son action couvre plusieurs groupes scolaires. Il prend en charge, sur le temps de classe, des petits groupes d’élèves en difficulté à raison de 2 séances de 45 minutes par semaine. Il tente en utilisant le « détour pédagogique » d’aider chaque élève à s’appuyer sur ses compétences pour surmonter ses difficultés. Le RASED comprend aussi un psychologue de l’Éducation Nationale et un ou plusieurs  maîtres spécialisés à dominante rééducative. Ces derniers prennent en charge des enfants qui ne sont rentrés dans leur « statut d’élève ».


[2] Article d’Yves BERTRAND dans Questions pédagogiques – Encyclopédie historique coordonnée par Jean HOUSSAYE, Hachette Education, 1999, page 73


[3] Petit Robert 1984


[4] ERMEL, Apprentissages numériques et résolution de problèmes – CE1, Hatier, 1993, pages 16 à 33


[5] MORIN E., La tête bien faite – Repenser la réforme, réformer la pensée, Seuil, l’histoire immédiate, 1999, page 23


[6] MORIN E., Les 7 savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Seuil, 2000

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