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 L'Echec scolaire vu par ...

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Refus de l'échec scolaire - 2009 > Messages > Jeanne-Claire Fumet

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Jeanne-Claire Fumet

Refuser l'échec scolaire?


Peut-on refuser l'échec scolaire? Fait-on jamais autre chose? L'échec scolaire est vécu comme un drame par les élèves qui le subissent, mais aussi par les enseignants qui y voient le naufrage de tous leurs efforts, par les parents qu'il culpabilise et par l'institution qu'il remet en cause. La collectivité en dénonce le scandale, les pouvoirs publics se déploient en réformes antidotes : le front du refus est unanime, mais l'échec perdure.

En quoi consiste-t-il? Disons : en l'inadéquation entre des individus et le processus de formation auquel ils sont soumis. D'un côté, l'infinie diversité des êtres contre l'uniformité d'une machine à formater; de l'autre, l'impératif d'un bagage suffisant pour prendre part au monde contre l'indiscipline des passions individuelles, dira-t-on.

Le « système » scolaire favorise, il est vrai,  un petit nombre de performances mentales (héritées de traditions culturelles et de modes d'organisation techniques) dont le privilège semble parfois aberrant. Mais la diversité et la multiplication de ses usagers en fait craquer les jointures : comment ignorer la formidable créativité - le sens de l'adaptation protéiforme - qui se fait jour à tous les niveaux de l'enseignement ?

On ramènera volontiers le problème à la question de l'évaluation : ne pas évaluer pour ne pas juger et hiérarchiser;  afin d'effacer la notion d'échec; évaluer pour mesurer l'efficacité des pratiques et l'acquisition des compétences, pour lutter contre les effets d'abandon. Ne pas évaluer pour respecter la diversité des personnalités et des talents, mais aussi évaluer pour permettre les comparaisons générales et les validations négociables en société. Ces exigences non négociables sont incompatibles.

A moins que l'alternative ne dissimule un autre enjeu.        

La tradition de la conscription militaire nous a légué la catégorie de « classe d'âge ». La corrélation entre âge et niveau d'acquisition scolaire fascine comme une mesure objective du degré de performance : parents, enseignants, autorités et évaluateurs du système ont beau n'être pas dupes,  le critère obsède et chacun renvoie à l'autre la responsabilité du décalage entre la norme et le réel. Échec scolaire et retard scolaire valent comme synonymes.

Or, quelle horloge suprême établit la mesure de ce retard? L'hétérogénéité du développement mental est admise. On reconnaît la nécessité de diversifier parcours et méthodes, on encourage l'invention de nouvelles manières d'enseigner, mais le couperet tombe pour tous à la même heure. Pas de retard. Comment ne pas y voir le signe discret mais récurrent de la compétition et de la rivalité, si présentes à nos modèles sociaux?

Plutôt que rejeter la norme (sans cesse révisée et corrigée) ou rejeter « l'anormal » (embarrassant épiphénomène), ne pourrait-on s'interroger sur la modalité de leur mise en relation? Si l'on admet que la norme pédagogique est appréciative et non déterminante, qu'elle pose le modèle d'un champ de compétence et non les critères d'une expertise technique; si l'on accepte de voir l'école comme une pratique de réalisation et non comme un outil de production, ne peut-on pas convenir qu'elle n'est pas l'affaire d'une classe d'âge mais le souci de toute une vie? Et si l'on considère, à l'inverse, qu'elle relève d'une logique productive efficace, comment s'indigner qu'elle rejette à la marge le résidu récalcitrant de son efficacité?

La question ne serait pas alors de refuser l'échec scolaire, mais de repenser collectivement la place et la fonction de l'institution scolaire tout au long de la vie des citoyens, et pas seulement dans les années réglementaires de leur formation initiale. 

Jeanne-Claire Fumet



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