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 L'Echec scolaire vu par ...

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Refus de l'échec scolaire - 2009 > Messages > Jacques Fraschini

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Jacques Fraschini

Promouvoir l’estime de soi : le rôle de l’école ?

 

Les  nouveaux programmes 2008 nous engagent à « promouvoir l’estime de soi et le respect des autres » car « Le véritable moteur de la motivation des élèves réside dans l’estime de soi que donnent l’apprentissage maîtrisé et l’exercice réussi ».

De plus, l’estime de soi est sans doute une des clés de l'acquisition de la compétence 7 du socle commun des connaissances et des compétences (décret de juillet 2006) : la compétence d'autonomie et d'initiative – et notamment la conduite dans un groupe, la justification de son point de vue et l'engagement dans un projet. 

 

Les questions qui se posent 

 

Promouvoir l’estime de soi : est-ce bien là le rôle de l’école ?

 

Des arguments militent en faveur de ce rôle pour l’école :

  • Un enfant sur trois n’a pas acquis une sécurité affective suffisante pour réussir à l’école : « Pour eux, la connaissance n’a pas de sens, ils ont peur de l’école. » n’hésite pas à affirmer le neuropsychiatre Boris CYRULNIK dans une interview[1] accordée à la revue Famille et Education. Il poursuit  « Dans les études de population, on constate que deux enfants sur trois, quels que soient leur culture ou leur milieu, ont acquis inconsciemment une sécurité affective, une confiance primitive, une manière d’aimer, leur permettant de se sentir aimables à leur tour. Quand ils arrivent à l’école, ils peuvent se faire accepter par les autres et vivre l’école comme un lieu leur apportant des connaissances et leur permettant d’explorer l’inconnu [2]».
  • l’école étant de plus en plus amenée à assumer un rôle éducatif, la promotion de l’estime de soi est un élément essentiel de la problématique éducative d’un futur citoyen libre, autonome et capable de se construire un système de valeurs respectueux des autres.

 

Pour promouvoir l’estime de soi, l’école doit répondre à 2 défis :   

  • Comment éviter que l’école ne produise une sous-estime de soi chez certains enfants ?
  • L’école peut-elle aider durablement un enfant à développer une estime de soi alors qu’elle n’a pas la capacité d’intervenir sur les facteurs extrascolaires qui sont à l’origine de cette estime de soi insuffisante ?

 

La promotion de l’estime de soi peut-elle être un acte éducatif efficace compte tenu des moyens dont dispose l’école ?  

 

Si l’école ne peut résoudre les facteurs extrascolaires qui ont entraîné une estime de soi insuffisante chez un enfant, elle peut par contre aider l’enfant à changer de regard sur lui-même.  C’est là une action essentielle,  légitime et l’école en a les moyens car elle peut agir en profondeur et sur le temps.

 

La dévalorisation de soi est parfois si ancrée dans l’inconscient de l’enfant qu’il peut lui être difficile d’y renoncer. Le contexte spécifique de l’école  va pouvoir aider l’enfant à se construire  une image positive de lui-même dans ce contexte précis. Ce qui, dans un premier temps, n’entrera pas en conflit  avec ses certitudes et ne le mettra pas dans l’obligation de renoncer à cette image dévalorisante qu’il peut avoir de lui-même.

 

Or ce changement intime ne sera pas remis en cause par les facteurs à l’origine du manque d’estime de soi chez l’enfant. Car même dans le cas où cette revalorisation de soi n’est pas vécue, voire même contrariée en dehors de l’école, l’enfant gardera toujours cette vision positive au fond de lui-même qui lui permettra  de se construire. Dans un texte « Les enseignants , tuteurs potentiel de résilience »[3], Jacques LECOMTE, Docteur en psychologie, Chargé de cours à  l’Université Paris X, Membre du "Comité scientifique sur la résilience" au sein de la Fondation pour l’Enfance  présente un ouvrage "Mémoires de maîtres, paroles d’élèves", qui rassemble de nombreuses lettres d’anciens élèves qui content leur vécu à l’école. Il en conclut : « Il semble que dans la majorité des cas, l’étincelle allumée poursuit sa course durant de longues années. En effet, par le lien qu’il établit avec l’élève, l’enseignant permet à l’enfant de créer du sens, il permet à celui-ci de se projeter dans l’avenir, de donner une direction et une signification à son travail scolaire, voire à son existence.[4] ». Il y a fort à parier que cette « étincelle » sera d’autant plus durable si elle est non seulement allumée par un enseignant mais si elle est aussi ensuite entretenue tout au long de la scolarité de l’enfant.

 

Des propositions

 

Dépasser le tabou de l’affectivité à l’école

 

« Mais j’entends déjà certains esprits chagrins se récrier, à double titre :

 d’une part, laisser entrer l’affectivité dans la salle de classe, c’est courir le risque de tous les débordements imaginables, le moindre étant le phénomène du « chouchou » ; quant au pire…

 d’autre part, si l’enfant n’apprend pas à travailler pour lui-même mais seulement pour son enseignant, il risque fort de ne plus s’investir l’année suivante si une telle relation ne s’instaure pas avec l’enseignant suivant.

 

De fait, le thème de l’affectivité est un sujet tabou dans l’Education Nationale. Comme le souligne Allen Larès : « Ce déni de l’affectivité se comprend à la lumière de la peur qui l’origine : la peur des « débordements » de l’affectivité. Autant cette peur est légitime, compréhensible, autant ses effets peuvent être destructeurs en ce sens que le déni de la part affective (tant dans l’acte d’apprendre que dans l’obéissance aux lois et règles) peut fermer la porte à la résilience. » Mais cette crainte du pire doit elle interdire toute manifestation d’affection ? Ce serait certainement un effet pervers bien regrettable.

 

Quant au risque d’un désinvestissement de l’élève lorsqu’il changera d’enseignant, il est certes réel, mais probablement minoritaire. »[5]

 

Mais peut-on se contenter de ce « probablement minoritaire » ? La formation des enseignants et la cohérence pédagogique au sein de l’équipe enseignante prennent là toute leur importance. Une équipe pédagogique consciente de l’importance de la relation affective entre l’enseignant et chaque élève, formée pour la mettre en place sans prendre le risque de débordements, pourra construire et conforter cette relation dans le cadre privilégié de l’aide personnalisée bien sûr mais aussi dans le cadre habituel de la classe.

 

 

Former des enseignants à la promotion de l’estime de soi : sensibilisation et/ou formation professionnelle ? 

 

Une sensibilisation se propose :

  • d’exposer un point de vue ou de faire une synthèse de recherches, d’articles ;
  • de susciter un intérêt, de provoquer la réflexion ;
  • d’engager un débat quand le cadre s’y prête.

 

Une formation professionnelle se doit d’apporter :

  • Un choix de propositions permettant à chacun d’enrichir ses pratiques de classe ;
  • Des supports ou des démarches pour agir ;
  • Des protocoles pour évaluer les effets des actions mises en place.

 

Toute action de formation peut se définir par l’articulation et l’importance relative accordée à ces deux objectifs :   

  • Au début de leur formation initiale, les futurs enseignants devraient pouvoir bénéficier d’une sensibilisation suivie, plus tard dans leur cursus, d’une formation professionnelle qui pourrait alors s’appuyer sur les observations faites en stages et sur une meilleure connaissance de la réalité de la classe.
  • Dans le cadre de leur formation continue, les enseignants bénéficient de conférences pédagogiques d’une durée de trois heures : dans ce cadre, la priorité devrait être donnée à une formation professionnelle ciblée sur deux ou trois propositions  permettant à chacun d’enrichir  ses pratiques de classe et sur des supports ou démarches concrètes pour agir.

 

L’enseignant pour aider à se construire une estime de soi

 

Dans le texte « Les enseignants, tuteurs potentiel de résilience »[6], Jacques LECOMTE présente les récits d’anciens élèves qui témoignent des qualités de ces enseignants qui ont été pour eux tuteurs de résilience. Des enseignants :

·         qui avaient l’art de valoriser les réussites ;

·         qui avaient donné sens à leurs efforts ;

·         qui savaient aussi regarder les erreurs avec humour.

Certains disent qu’ils n’ont jamais aussi bien travaillé que l’année passée avec cet instituteur, et que c’était avant tout pour lui faire plaisir qu’ils s’investissaient autant.

 

Mais comme il l’a été dit plus haut, l’enseignant, tuteur potentiel de résilience, peut légitimement craindre des « débordements » de l’affectivité. Car chacun peut sans doute citer une parole, une phrase qui lui ont été dites par un enseignant (ou  par une relation), et qui l’ont marqué pour très longtemps. Sans que cet enseignant ou cette relation en ait eu conscience…

 

Il faut donc aussi prendre en compte la pression et de la culpabilité possible que peuvent entraîner la crainte d’une parole (ou d’un refus momentané d’écoute), d’une attitude (ou d’une absence de réaction) qui sans être déplacés, peuvent provoquer chez l’enfant qui surinvestit affectivement chez son maître une réaction de déception, d’incompréhension, de rejet …

 

Ce risque doit être assumé par l’enseignant. Mais il peut être minimisé si la fonction de tuteur de résilience est assumée par l’ensemble de l’équipe enseignante et si elle se conforte par les interactions avec le groupe-classe (en s’appuyant sur la reconnaissance par l’ensemble du groupe-classe de sa propre valeur et de ses compétences) et les parents.  

 

Le groupe classe pour aider à se construire une estime de soi

 

Pour aider l’enfant à ne pas trop se fragiliser en se construisant dans une relation exclusive avec le maître (autrement dit pour qu’il ne mette pas tous ses œufs dans le même panier…), le maître peut créer une « diversion » en s’appuyant sur le groupe-classe : Quand un enfant réalise un progrès remarquable, la validation par la classe est essentielle.

 

V. est un enfant qui termine rarement sont travail dans le cahier du jour et qui de plus ne soigne absolument pas la présentation. Après plusieurs semaines de soutien d’un « parrain » (qu’il a lui-même choisi), des progrès visibles commencent à apparaître : V. termine dans les temps, parfois même avant d’autres élèves, et la présentation de son travail devient tout-à-fait correcte. Son « parrain » ayant pour consigne  de lui dire à chaque fois qu’il fait des progrès, V. commence à manifester de l’intérêt pour ce qu’il fait. Il vient voir le maître plusieurs fois dans la séance pour lui montrer comme « c’est bien ». Pour faire évoluer la situation, le maître propose d’abord à V. de passer dans la classe et de montrer aux élèves qui veulent voir comment était son cahier avant et comment il est maintenant. Les séances suivantes, V. a toujours besoin de venir plusieurs fois pour montrer son travail au maître. Le maître demande alors à tous les élèves de la classe de lever le doigt s’ils pensent que V. a fait de gros progrès. Il suffit de voir se transformer l’expression du visage de V. lorsqu’il dévisage un à un tous les élèves qui ont levé le doigt pour comprendre que la reconnaissance par les autres élèves est d’une autre nature que celle accordée par le maître.

Dans des circonstances similaires, mais concernant une autre élève, il est même arrivé de voir une larme couler sur la joue d’une enfant particulièrement en manque de confiance en soi et peu soutenue à la maison.

 

 

L’on peut aussi inverser les rôles : c’est l’élève d’habitude en difficulté et qui a donc besoin du soutien des  « plus forts », qui va devenir à son tour personne-ressource et/ou qui va être mis en valeur devant les autres élèves.

 

 

Jacques   FRASCHINI

 


 

Quelques exemples mis en place dans une classe de CE1 dans le cadre de l’aide personnalisée.

 

Support

Activités d’apprentissage lors de l’aide individualisée

Réinvestissement dans la classe

Fichier photocopiable « Inspecteur Lafouine ».

·      Lecture/compréhension  de l’enquête

·      Entraînement à la lecture orale des passages dialogués

·      Le texte de l’enquête est distribué aux élèves de la classe mais les passages dialogués sont effacés.

·      Ce sont les élèves bénéficiant de l’APE  qui vont jouer les suspects et lire à la classe les passages dialogués.

Fichier photocopiable « Animalier CE1 ».

·      Lecture/compréhension du texte

·      On écrit au tableau les mots difficiles

·      Recherche des   paragraphes où se trouvent  les réponses aux questions.

·      Les élèves bénéficiant de l’APE expliquent à l’oral de manière collective le sens des mots difficiles écrits au tableau

·      Les élèves bénéficiant de l’APE vont pouvoir aider ceux qui le demandent en leur disant dans quel paragraphe se trouve la réponse à une question.

Répertoire de poésies à apprendre en CE1.

·      Lecture à haute voix par le maître.   

·      Activités de compréhension globale et fine

·      Chacun lit oralement sa poésie devant les 2 autres enfants.

·      Débat : ce qui est bien – comment améliorer ce qui pêche.

·      Les élèves bénéficiant de l’APE vont lire chacun leur poésie devant la classe.

·      Chaque élève de la classe choisira ensuite la poésie qu’il va apprendre.

Fiches d’entraînement à la lecture de consignes.

·      Activités de lecture compréhension des consignes

·      Repérage des mots-consignes

·      Réalisation des tâches demandées.  

·      Les élèves bénéficiant de l’APE vont être personnes ressources  pour les élèves de la classe.

·      Ils peuvent circuler librement dans la classe.

·      Ils ne donnent pas les réponses, ils indiquent simplement si c’est juste ou faux.

Les manuels, fichiers, photocopies qui seront utilisés dans la journée.

·      Repérage des mots-consignes

·      Lecture/compréhension des consignes

Ce sont les élèves bénéficiant de l’APE qui vont gérer la lecture des consignes suivant les objectifs du maître :

·      Valider ou non le mot- consigne trouvé par les élèves ;

·      Afficher au tableau le pictogramme du mot consigne ;

·      Faire reformuler la consigne par un élève ;

·      Lister le matériel dont on aura besoin ; etc.

Liste de mots-consignes préparée par la classe.

 

Fiche avec des pictogrammes.

·       Appariement pictogramme/ mots- consignes.

 

·      Les élèves bénéficiant de l’APE vont être personnes ressources  pour les élèves de la classe les plus autonomes.

·      Le maître prendra en charge les enfants les moins autonomes. 

 

 

 



[1] CYRULNIK Boris .- Les blessures de l’enfance se réparent .-   Famille et Education N° 442.   Article consultable sur http://www.apel.asso.fr/unapel/bases/entretiens.nsf/8f69d7b1d5c46fecc125680f005e2b9d/9281b12710265f7280256ce00054256b?OpenDocument

 

[2] Ibid.

[3] LECOMTE Jacques. Article consultable sur http://www.interactions-tpts.net/spip.php?article59

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] Ibid.

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