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Comment se dire adieu?

Inscrire le mot fin sur le fronton d’un blog n’est jamais acte facile après une jolie aventure. Et pour celle-ci encore plus que pour tout autre, une belle histoire dans une ville dont les rues et les visages sont empreints de l’histoire avec un grand H.

 

Confidence pour confidence, la lutte anti apartheid fut mon premier engagement militant avec en fond sonore Peter Gabriel et Johnny Clegg. Alors visiter Robben Isalnd là où les prisonniers ont transformé leur enfermement en acte de libération aura été d’une rare intensité, guidée par un ancien détenu au milieu d’un groupe cosmopolite uni par la même émotion.

On ne peut dire adieu non plus à de magnifiques paysages, cascade de nuages glissant sur Table Mountain, Pic du Diable surgissant à l’angle de la rue et la lumière si douce et si intense éclairant le bleu de l’Océan, le blanc du sable et les façades multicolores. Comment oublier le district 66, un quartier no man’s land au milieu de la ville, stigmate de l’atrocité d’un régime raciste ?

Et puis il y a toutes ces rencontres, des enseignants du monde entier, des passants dans la rue et les quelques mots échangés, cette longue poignée de main avec un marchand noir qui en disait long sur le caractère inédit d’un dialogue blanche-noir, en  toute égalité, entre êtres humains tout simplement, ce regard profond d’une enseignante indienne avec qui l’échange par les mots, faute de langage commun s’avérait impossible, cette danse spontanée sur le rythme des chants des délégations nord africaines, ces retrouvailles chaleureuses avec mes amis sud africains croisés en d’autres lieux, d’autres contrées. Il y eut aussi ces moments partagés avec une délégation française dont les regards pluriels ont alimenté ma réflexion.

 

Instants de grâce et transgressions instantanées. Sur un coin de leur stand, David Cordina et Laurence Juin ouvrent leurs comptes twitter à Brigitte Jauffrey et Anne-Marie Bardi pour leur faire découvrir les vertus pédagogiques des réseaux sociaux. Un peu plus tard, lors du diner, Brigitte nous racontera comment elle œuvre depuis le rectorat d’Aix Marseille pour développer les usages des Tice sous le regard attentif de Régis Bracq, principal adjoint dans la même académie. Un carrefour improbable et inespéré entre enseignants de base, cadres de l’éducation et sphère décisionnaire. Là est aussi la vertu de telles rencontres, gommer les frontières, transformer les regards.

Question qui pour moi est devenue accessoire : Microsoft allait il avaler tout cru les systèmes éducatifs de la Terre entière ? Avec de si lourds sabots, cela me semble mal parti. Il suffisait de regarder les airs goguenards ou excédés lorsque les célébrations des enseignants ces héros devenaient trop pesantes. Il suffisait de regarder les sièges vides, de plus en plus nombreux au fil des heures, les déserteurs se faisant une joie par ailleurs d’échanger dans des lieux moins formatés.

Alors pourquoi question devenue accessoire ? La réponse semble d’évidence. Comment une entreprise privée peut elle s’engouffrer aussi facilement dans la brèche laissée ouverte par l’immobilisme des systèmes publics ? L’Afrique du Sud mise beaucoup sur l’éducation pour que la nation arc-en-ciel prenne corps et s’installe dans la durée. L’éducation devrait être une cause internationale, l’avenir se fonde ici. C’est là sans nul doute que nos indignations devraient se manifester, dans cette désertion de la puissance publique.

Pour vivre à plein ce type d’expérience, il vaut mieux laisser son cynisme au poste de douane, ne pas rire de ces effusions, de cette célébration de l’innovation pédagogique. Combien de projets nous sembleront sans cela anecdotiques, insignifiants ? Pourtant, en regardant de plus près le contexte, la question de départ, la construction de la réponse, on trouvera de l’ingéniosité, de la générosité et le principal sans doute, le souci d’inclure et d’accompagner vers une porte ouverte sur l’avenir. Car l’autre question en suspend à laquelle je ne sais que répondre est celle de l’innovation. L’innovation est elle simplement ce qui permet d’apporter un changement dans l’école, son environnement ? Oui sans doute alors peu importe la technologie, la pédagogie s’avère primordiale.

Et puis, il y a ce triste constat. Bon nombre de projets présentés au forum mondial ont des cousins, des parents en France. Un certain nombre d’enseignants français innovent au quotidien, le forum de Dax en a encore témoigné en mars dernier. Il existe peu d’écho, peu de reconnaissance dans l’institution, comme si la créativité devait éclore en parallèle. Combien de liens ai-je ainsi tissés, en étant simplement là pour écouter et retranscrire dans les pages du Café des projets ignorés ou parfois freinés par une hiérarchie plus soucieuse de contenir des élans créatifs dans des cadres formatés que d’accompagner les initiatives en phase avec la nécessité, le besoin de changement.

Car, l’éducation est à un carrefour international où chaque pays se doit de construire l’école version XXIe siècle. Environnement, santé, égalité des chances, les changements nécessaires dans nos représentations et nos comportements passent bien évidemment par l’éducation. Bon nombre de projets présentés à Cape Town avaient ce souci là : travailler sur la prise de conscience et la traduction dans les actes en s’appuyant sur les Tice pour sensibiliser, motiver, faire faire. L’émergence des réseaux sociaux devrait faciliter ce mouvement en offrant l’opportunité aux apprenants, quels qu’ils soient de prendre le pouvoir sur leurs apprentissages.

Enseigner en mode web 2.0, rechercher dans les potentialités et les questionnements actuels les voies d’une éducation pour demain, innover en éducation est ce un acte militant ? Sans doute puisqu’il se place à contre courant de ce que l’institution et la politique éducatives imposent en France.

Sur la terre Sud Africaine, au bout du bout de l’Afrique, dans un pays où les mots résilience, réconciliation, construction ont pris un sens décuplé, cette version de l’éducation sur un mode innovant et inclusif est une évidence.

Alors, comment se dire adieu ? En se disant simplement « see you soon », à tout de suite, à bientôt, en conservant intacte et précieuse, cette dose d’énergie puisée à la source africaine, en gardant à l’idée, lorsque l’heure nationale s’assombrit que l’internationale de l’innovation éducative existe bel et bien.

See you soon.

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